Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2012, la Cour de Justice de l'Union européenne déclare que "les conditions minimales d’accueil du demandeur d’asile doivent être octroyées par l’État membre saisi d’une demande d’asile même s’il requiert un autre État membre qu’il estime responsable de l’examen de la demande", apprend-on dans le communiqué de presse diffusé par la Cour.
En effet depuis l'adoption de la convention de Dublin, il est loisible à un État membre auprès duquel une demande d’asile a été introduite de requérir un autre État membre qu'il considère responsable selon le principe du premier pays traversé, afin qu'il prenne en charge le demandeur d’asile.
Ainsi dit, le pays requérant doit mettre à disposition du demandeur d'asile les conditions matérielles d’accueil telles que définies dans le directive 2003/9/CE relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres.
La CJUE a rendu cet arrêt dans le cadre d'une affaire qui opposait deux associations françaises de soutien et d'entraide aux immigrés et demandeurs d'asile, la CIMADE et le GISTI, à l'Etat français. Les deux associations s'étaient offusquées d'une circulaire ministérielle diffusée le 3 novembre 2009 relative à l’allocation temporaire d’attente (ATT), qui excluait de ses bénéficiaires potentiels ceux qu'on appelle en France les "dublinés". En tant que revenu de subsistance, cette allocation est versée mensuellement aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande. Le 26 janvier 2010, les deux associations avaient porté un recours devant le Conseil d'Etat français afin d'annuler la circulaire.
Le Conseil d'Etat avait à son tour déposé une demande de décision préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne. Il souhaitait savoir si la directive garantit "le bénéfice des conditions minimales d'accueil qu'elle prévoit aux demandeurs pour lesquels un État membre saisi d'une demande d'asile décide de requérir un autre État membre qu'il estime responsable de l'examen de cette demande, pendant la durée de la procédure de prise en charge ou de reprise en charge par cet autre État membre".
Ensuite, si la Cour répondait à cette première question par l'affirmative, le Conseil d'Etat voulait savoir si l'Etat requérant était tenu d'accorder ces conditions minimales et à qui incombait les frais dus durant cette période. Or, sur ce point, la réponse fournie par la CJUE va également dans le sens d'une responsabilisation de l'Etat requérant. Pour ce dernier, l' "obligation s’impose, en principe, dès l’introduction de la demande d’asile" et ce "jusqu’au transfert effectif du demandeur d’asile vers l’État membre responsable". Autrement dit, cette obligation s'étend "pendant toute la durée nécessaire à la détermination de l'Etat membre responsable de la demande".
La Cour précise que le demandeur d'asile a le droit de demeurer non seulement sur le territoire de l'Etat où était examinée sa demande mais aussi, jusqu'à son transfert effectif, sur le territoire de l'Etat dans lequel sa demande avait été déposée.
"La Commission, comme la Grèce, l’Italie (avec une variante), la Pologne, la République Tchèque et la Suisse était sur une ligne très proche", rapporte la CIMADE sur son site internet. "La République française, quant à elle, considérait que la directive accueil n’est pas applicable aux demandeurs d’asile sous Dublin car ils sont exclus du dépôt d’une demande d’asile et de l’application de la directive procédures d’asile." Le Haut commissariat aux réfugiés et la Commission européenne auraient également partagé la même vue que les deux associations plaignantes. L'affaire était donc quasiment entendue. Dans ses conclusions du 15 mai 2012, l'avocate générale avait d'ailleurs déclaré qu'il lui semblait "non seulement que la République française interprète mal la directive, mais aussi qu’elle l’applique de manière incorrecte".
A noter néanmoins que, dans son arrêt, la CJUE a rappelé qu'en vertu de la directive les conditions minimales d’accueil peuvent être limitées ou retirées dans les situations où le demandeur d’asile ne respecte pas le régime d’accueil établi par l’État membre concerné.