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Opinion - Transports
Les discussions sur le futur quatrième paquet ferroviaire, c’est-à-dire sur l’ouverture à la concurrence des marchés nationaux du transport ferroviaire de voyageurs, commencent à se préparer
24-09-2012


A peine un accord a-t-il été trouvé sur la refonte du premier paquet ferroviaire, que le quatrième fait l’objet de premières discussions. Il va concerner l’ouverture à la concurrence des marchés nationaux du transport ferroviaire de voyageurs, la réduction du délai de mise sur le marché du matériel roulant (en renforçant le rôle de l’Agence"The last mile towards the 4th Railway-package", une conférence organisée par la Commission européenne le 24 septembre 2012 ferroviaire européenne) et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire (afin de consolider l’efficacité des opérations).

La Commission européenne, qui prévoit de mettre sur la table ses propositions en vue du quatrième paquet ferroviaire d’ici la fin de l’année, a en effet ouvert le débat à l’occasion d’une conférence qui s’est tenue à Bruxelles le 24 septembre 2012 sous le titre "The last mile towards the 4th Railway-package".

"Différentes circonstances exigent différents modèles", plaide Georges Bach

L’eurodéputé Georges Bach (PPE), qui a assisté à la conférence, a trouvé "assez flou" le message qu’a voulu faire passer la Commission à cette occasion, ainsi qu’il s’en est confié par voie de communiqué.

Le commissaire en charge des Tranports, Siim Kallas, a confirmé que ce paquet ferroviaire va inclure des mesures pour améliorer l’interopérabilité et les procédures d’homologation au niveau européen et renforcer les compétences de l’Agence ferroviaire européenne, rapporte l’eurodéputé. Georges Bach relève notamment que le commissaire a expliqué ne pas penser que le modèle intégré soit compatible avec la vision d’un "espace ferroviaire unique européen", en raison du manque de transparence en termes de séparation financière qui pourrait en résulter et du risque de voir émerger des situations discriminatoires.

Or, Georges Bach estime pour sa part qu’une libéralisation complète du secteur ferroviaire ne peut se faire que si un certain nombre de conditions sont établies, à savoir une interopérabilité technique poussée, mais aussi au  niveau des conditions sociales et des conditions de travail des employés du secteur. Sans oublier qu’il faut mettre en place les conditions d’une concurrence loyale entre rail, secteur aérien et routier. Des conditions qui ne sont pas réunies pour l’instant comme l’a rappelé l’eurodéputé à l’occasion d’une conférence organisée récemment à Berlin par le syndicat allemand Eisenbahn- und Verkehrgewerkschaft (EVG).

L’eurodéputé luxembourgeois s’inscrit donc en faux contre les déclarations du commissaire Kallas en défendant le modèle intégré qui, à ses yeux, représente souvent "la seule possibilité réaliste pour organiser une entreprise ferroviaire dans les petits Etats membres qui disposent d’un réseau ferroviaire réduit et de ressources humaines limitées". Georges Bach reconnaît toutefois que, pour les grands Etats membres, le modèle intégré peut effectivement créer certaines entraves à l’entrée sur le marché de nouveaux concurrents. Résultat, Georges Bach dit partager les conclusions du directeur de la Communauté européenne du Rail (CER) pour qui "différentes circonstances exigent différents modèles".

La Commission a commandé une enquête Eurobaromètre pour mesurer le soutien à l’ouverture à la concurrence des systèmes ferroviaires nationaux et régionaux : le Luxembourg s’y distingue, avec les Pays-Bas, par sa réserve

eurobarometerA l’occasion de cette conférence, la Commission a publié les résultats d’une enquête Eurobaromètre spécial portant notamment sur la libéralisation du rail, un sondage réalisé en mars 2012 auprès de 25591 répondants de 25 Etats membres (Chypre et Malte ont été exclues de l’étude) à la demande de la DG Mobilité et Transport de la Commission.

De l’usage du train

Dans un premier temps, l’enquête permet de cerner les usagers des trains nationaux ou régionaux. Ainsi, il en ressort que plus de la moitié des Européens (55 %) empruntent des trains nationaux ou régionaux : au moins une fois par semaine (6 %), plusieurs fois par mois (4 %), plusieurs fois par an (19 %) ou au plus une fois par an (26 %). Plus de quatre Européens sur dix (45 %) n’ont jamais pris le train.

Les répondants du Luxembourg sont ceux qui font l’usage le plus régulier des trains régionaux et nationaux : 12 % des répondants les empruntent au  moins une fois par semaine, 7 % plusieurs fois par mois, 20 % plusieurs fois par an et 14 % au plus une fois par an. Reste que près de la moitié des répondants (47 %) ne prend jamais le train au Luxembourg. Mais les passagers du Luxembourg comptent, avec ceux des Pays-Bas et de Slovénie, parmi ceux qui sont les plus nombreux (18 – 19 %) à prendre le train pour aller en cours ou au travail, alors que la moyenne européenne n’est que de 10 %, le rail étant très majoritairement emprunté pour des voyages d’agrément.

Lorsqu’on demande aux Européens qui ne voyagent jamais en train, ou qui le prennent au plus une fois par an, quelles améliorations les inciteraient à davantage utiliser ce moyen de transport, plus de quatre sur dix (43 %) évoquent des prix plus bas. Un argument qui est particulièrement peu invoqué au Luxembourg, où seuls 12 % des répondants l’ont choisi. D’autres améliorations sont citées bien moins fréquemment en moyenne : un réseau amélioré avec davantage de lignes ou de gares (20 % dans l’UE, contre 29 % au Luxembourg), des trajets plus rapides (17 % dans l’UE, 18 % au Luxembourg), des services plus fiables (16 % dans l’UE, 8 % au Luxembourg), des trains plus confortables et plus propres (16 % dans l’UE, 5 % au Luxembourg) et des services plus fréquents (14 % dans l’UE, 15 % au Luxembourg). Près de trois personnes sur dix ne prenant jamais le train ou très rarement (28 % dans l’UE, et même 34 % au Luxembourg) ont spontanément répondu que rien ne pouvait les y encourager.

Près de la moitié des Européens (46 %) sont satisfaits de leurs systèmes ferroviaires nationaux et régionaux actuels. Toutefois, une proportion significative d’entre eux s’avoue insatisfaite (36 %). Le niveau de satisfaction va de 67 % en Finlande à 18 % en Bulgarie. D’une manière générale, le taux de satisfaction est assez bas dans les États membres d’Europe centrale et du sud-est (République tchèque, Hongrie, Slovénie, Slovaquie, Pologne, Roumanie, Bulgarie et Grèce). Le Luxembourg compte parmi les pays où les taux de satisfaction sont les plus élevés : 18 % des répondants se disent très satisfaits et 44 % d’entre eux se disent plutôt satisfaits, contre 12 % d’insatisfaits et 26 % de personnes qui ne se prononcent pas.

Un soutien à l’ouverture à la concurrence qui va de 90 % en République tchèque à 46 % aux Pays-Bas

Les personnes interrogées se sont vues expliquer que la concurrence signifiait le droit pour des compagnies ferroviaires d’offrir des services soit sur les mêmes parcours, soit de façon exclusive après avoir gagné un appel d’offres. Les répondants devaient ensuite dire s’ils soutenaient ou s’ils s’opposaient à l’ouverture à la concurrence des systèmes ferroviaires nationaux ou régionaux de leur pays, à la condition que tous les opérateurs répondent aux mêmes normes de sécurité.

Il ressort de l’enquête que 71 % des répondants se sont dits favorables à l’ouverture de leurs systèmes ferroviaires nationaux et régionaux à la concurrence. En République tchèque, ce pourcentage atteint les 90 %, et il dépasse les 80 % en Slovaquie, en Italie et en Slovénie. L’Autriche, la Grèce, le Danemark et l’Allemagne dépassent aussi la moyenne européenne. Ce pourcentage dépasse les 60 % dans tous les États membres sauf deux : les Pays-Bas et le Luxembourg où les répondants sont respectivement 46 % et 57 % à soutenir cette libéralisation. Les oppositions les plus fermes se retrouvent aux Pays-Bas (28 % de répondants totalement opposés), en Suède (19 %), au Luxembourg (15 %), en France (14 %) et en Espagne (13 %).

Les statisticiens observent une corrélation modérée entre une insatisfaction à l’égard des services et le soutien à l’ouverture à la concurrence, ce qui est net aux Pays-Bas et au Luxembourg, où la satisfaction est grande et le soutien à l’ouverture à la concurrence limité, tandis qu’au contraire la Grèce et l’Italie affichent une grande insatisfaction et un fort soutien à la libéralisation. On observe aussi que les plus de 55 ans sont nettement moins enthousiastes  (66 %) que les classes d’âges plus jeunes, et notamment que les 25-39 ans (76 % de soutien). Par ailleurs, il ressort du croisement des données que les passagers occasionnels ont plus tendance (74 %) à soutenir l’ouverture à la concurrence que les passagers réguliers (71 %). Les passagers réguliers sont d’ailleurs aussi plus nombreux à être franchement opposés à l’ouverture à la concurrence (26 %) que les passagers occasionnels (23 %) et ceux qui  ne prennent pas le train (19 %).

Pour la plupart des Européens, l’ouverture à la concurrence aura une incidence positive sur le prix du billet (72 %), la qualité des services aux voyageurs à bord des trains (71 %), le confort et la propreté des trains (70 %), la fréquence des trains (68 %, 63 % au Luxembourg), la ponctualité des trains (66 %), le mode de gestion des sociétés de chemin de fer (63 %) et le nombre de gares ou de lignes desservies (62 %).

Les répondants de France, du Luxembourg et des Pays-Bas sont les moins convaincus que l’ouverture à la concurrence aura une incidence positive sur le mode de gestion des sociétés de chemin de fer : ils ne sont respectivement que 53 %, 51 % et 40 % à s’attendre à un effet positif.  De même, les répondants du Luxembourg (60 %) et des Pays-Bas (57 %) sont-ils les moins convaincus que l’ouverture à la concurrence aura une incidence positive sur les prix du billet, sur le confort et la propreté des trains (53 % et 45 %) ou encore sur la qualité des services aux voyageurs (56 % et 52 %). L’argument de la ponctualité n’est pas non plus évident pour les répondants du Luxembourg, des Pays-Bas et de Suède, qui sont aussi ceux, avec les sondés de France, qui sont le moins convaincus que l’ouverture à la concurrence aura une incidence favorable sur le nombre de gares ou de lignes desservies. Ce sont encore une fois les personnes interrogées dans ces quatre pays qui sont les moins convaincues de l’influence positive sur la sécurité du réseau, bien au contraire : 49 % des répondants néerlandais s’inquiètent d’une influence négative en la matière, de même que 46 % des répondants en Suède, 29 % en France et 28 % au Luxembourg. Les Belges ne sont pas en reste, avec 31 % de personnes s’inquiétant des conséquences négatives en matière de sécurité.

Au Luxembourg et aux Pays-Bas, la majorité des sondés pensent que les travailleurs du rail ne profiteront pas de l’ouverture à la libre concurrence

En fin de compte, ajoutent les auteurs de l’étude, la grande majorité des Européens s’attend à ce qu’une concurrence accrue sur le marché ferroviaire profite aux différentes parties prenantes, notamment aux voyageurs (78 %), aux opérateurs ferroviaires privés (68 %) et au personnel des opérateurs de transport ferroviaire (55 %). Là encore, Pays-Bas, Suède, Luxembourg, France et Espagne sont les moins convaincus, quoiqu’ils restent majoritaires, des effets bénéfiques de l’ouverture à la concurrence pour les voyageurs (respectivement 56 %, 67 %, 70 % et 72 %). Pour ce qui est des opérateurs ferroviaires privés, Luxembourg (56 %) et Pays-Bas (50 %) sont rejoints par les répondants des Pays Baltes qui ne sont que 48 % à penser qu’ils profiteront d’une concurrence accrue en Lettonie, 51 % en Lituanie et 57 % en Estonie. En ce qui concerne les travailleurs du rail, les répondants des Pays-Bas pensent majoritairement (58 %) qu’ils vont y perdre, ce qui est aussi le cas au Luxembourg (50 %), en Allemagne (49 %) sans compter qu’on est partagé en France sur la question (42 % pensant qu’ils vont y perdre contre 42 % qu’ils vont y gagner), ainsi qu’en Belgique ou en Suède.

Les avis sont très partagés quant à l’impact de la concurrence sur le financement public du secteur ferroviaire. En moyenne, 34 % des répondants pensent que les financements publics du secteur vont diminuer, 30 % estiment qu’ils vont rester identiques et 19 % croient qu’ils vont augmenter. Sans oublier que 17 % des répondants n’ont pas su répondre. C’est en Belgique que les répondants sont les plus nombreux (48 %) à penser que les financements publics vont diminuer et ils sont suivis en cela par l’Allemagne (45 %). Au Luxembourg, seuls 31 % des répondants pensent que les financements publics vont diminuer, contre 32 % qu’ils vont rester les mêmes et 22 % qu’ils vont augmenter.

Lorsqu’on leur demande dans quelle mesure ils souhaitent que la concurrence génère des services à prestations minimales similaires à ceux des compagnies aériennes low cost, 70 % des Européens se montrent tentés par cette perspective. C’est notamment le cas en Grèce, où ce pourcentage atteint 84 %, mais aussi en Autriche, où il est de 79 %. Les répondants du Luxembourg sont, a contrario, les moins conquis par cette idée, puisqu’ils ne sont que 51 % à exprimer le désir d’une telle conséquence. Et ils sont même les plus virulemment opposés, puisque sur 44 % de sondés qui ne souhaitent pas une telle évolution des choses, près de la moitié y sont franchement opposés.

L’idée de voir se développer des services de qualité supérieure, avec repas, films, journaux, etc. rencontrent moins de succès, puisque 43 % des répondants en moyenne en ont exprimé le souhait. Le Luxembourg, avec les Pays-Bas, la Belgique et la France, parmi les pays où une large majorité ne souhaite pas que la concurrence aboutisse à ce que de tels services soient proposés dans les trains.

Enfin, presque deux tiers (65 %) des Européens souhaitent disposer d’un plus large éventail de possibilités pour l’achat de leurs billets (par exemple en ligne, à l’aide de leurs téléphones intelligents ou à bord). Sur ce point, les répondants du Luxembourg sont plus favorables, puisqu’ils expriment ce souhait pour 62 % d’entre eux. Les pays où ce souhait est le moins exprimé sont aussi ceux où le nombre de personnes sans opinion sur la question est le plus grand et dépasse 20 %, à savoir le Portugal, la Bulgarie, la Roumanie et l’Irlande.