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Les eurodéputés libéraux Charles Goerens et Louis Michel ont évoqué, sans être d'accord sur tout, l’état de l’Union avant le discours de José Manuel Barroso sur le même sujet
10-09-2012


L’eurodéputé libéral Charles Goerens et son collègue belge et ancien commissaire Charles Goerens et Louis Michel, les deux eurodéputés libéraux luxembourgeois et belge, lors d'une conférence de presse commune à Luxembourg le 10 septembre 2012européen Louis Michel, qui siège au même groupe politique, l'ADLE, se sont adressés le 10 septembre 2012 à la presse luxembourgeoise. Ils ont exposé au cours d’une conférence qui a été en fin de compte plutôt une longue causerie leurs vues sur l’état de l’Union, à deux jours du discours du même nom que tiendra au Parlement européen le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Plus de fédéralisme

Charles Goerens a évoqué un citoyen européen "insécurisé" par la décision prise par la BCE le 6 septembre dernier de racheter des dettes de pays en difficultés sur le marché secondaire, par l’attente du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe le 12 septembre et par les résultats de l’analyse de la situation en Grèce qu'est en train de conduire la troïka Commission-BCE-FMI et qui décidera de la continuation ou non de l’aide à la Grèce.

Dans un tel contexte, juge Charles Goerens, il faut éviter les "faux débats", comme celui sur la souveraineté, qui est surtout engagé quand il s’agit de "laisser filer les déficits". Mieux vaut impliquer toutes les institutions dans les débats, afin de donner aux décisions qui incombent la plus forte légitimité démocratique possible.           

Pour l’eurodéputé, "l’ère du raser gratis est terminée". Même la BCE a "tiré sa dernière cartouche". Avec sa décision du 6 septembre 2012, elle a "lancé un signal très fort aux marchés", mais elle ne pourra plus lancer de signal ensuite, même si la mesure de la BCE a été "très réfléchie", avec des conditionnalités et des garde-fous.

S’y ajoute que la BCE "a montré l’avantage que peut offrir une institution européenne qui fonctionne très bien". C’est pourquoi le groupe libéral au Parlement européen veut une "poussée de fédéralisme". Plus de fédéralisme dans le domaine des dépenses en matière de R&D, 3 % par an, comme le demande l’UE, afin que l’Europe "ne rate pas un rendez-vous important qui prépare son avenir". Plus de fédéralisme pour sortir des stratégies à croissance faible dont l’Europe doit sortir, et donc des investissements de type fédéral qui rapportent plus que les investissements au niveau national. Plus de fédéralisme finalement au niveau de la coopération pour le développement, où seul par "un tir groupé" l’objectif des 0,7 % de fonds publics pourra être atteint d’ici 2015. Et d’ailleurs, comme l’UE ne doit pas oublier que sa solidarité intérieure ne va pas sans solidarité extérieure, Charles Goerens  a annoncé "en avant-première" que les libéraux européens vont demander que 2015 soit proclamée "Année européenne pour le développement".          

Oui à la rigueur, relance de la croissance mais fin de la social-démocratie

Louis Michel a lui aussi entamé son intervention en parlant du "désenchantement très grand" à l’égard de l’UE, qui vise les institutions et les fonctionnaires européens, et finalement l’idée européenne elle-même, mise en cause par plusieurs types de discours. Il a aussi regretté les "tentations nationalistes", notamment dans plusieurs nouveaux Etats membres de l’UE. L’image des institutions européennes, juge l'ancien commissaire, est "brouillée" à cause de "leur manque de capacité réactive", notamment au Conseil.

Sans compter que l'UE est frappée par une crise politique et un manque de leadership flagrant, et sous la pression d’un discours dont le ténor est "la guerre à l’austérité" et qui veut décréter la croissance, ce qui est selon Louis Michel "le plus détestable des messages". La croissance, pense Louis Michel, ne se décrète pas, mais se construit avec de la confiance, de la rigueur budgétaire, à ne pas confondre, insiste-t-il, avec l’austérité, et des investissements "à bon escient".

Seulement, comment demander à l’UE d’y pourvoir si elle ne dispose que d’un budget de 1 % du PIB? Pour l’eurodéputé libéral, s’il est vrai que le milieu financier "n’a pas agi comme il le fallait", il n’est pas la cause principale de la crise financière et économique. Elle s’annonçait bien avant, et José Manuel Barroso avait fait bien avant 2008 des propositions aux Etats membres pour la prévenir et demandé que l’on cesse de financer les dépenses courantes par des emprunts. Entretemps, Louis Michel est convaincu, alors qu’il se dit lui-même "social-démocrate" et de "centre-gauche", que "nous sommes arrivés au bout du système de la social-démocratie", puisque les prestations sociales ne peuvent plus être financées par la croissance. Et celle-ci ne pourra être relancée que s’il y a des investissements dans le secteur de l’énergie, qui change, dans l’industrie, qui doit être redéployée, et dans la communication.

Très engagé comme commissaire européen dans la coopération pour le développement, Louis Michel a regretté le désinvestissement européen de l’Europe en Afrique, où "elle laisse la voie libre aux pays émergents". Or, ce sont des marchés que l’Europe laisse filer  - pierres précieuses, métaux rares, matières premières de tout ordre, construction d’infrastructures, etc. – alors que le lien avec l’Afrique ne relève plus de la "mauvaise conscience caritative" et qu'il faut plus que des ONG sur le terrain.

Pour un gouvernement européen basé sur un clivage entre majorité et opposition au Parlement européen

Louis Michel s’est ensuite lancé dans un plaidoyer pour un gouvernement européen réactif, sans lequel une zone monétaire comme la zone euro ne peut pas fonctionner à terme. Ce rôle revient naturellement à la Commission qui doit devenir un gouvernement de l’UE doté d’une légitimité démocratique qui le lie aux citoyens, la légitimité étant d’ores et déjà donnée, mais sans le lien au citoyen. Comme tant d’autres, il a argué que la Commission ne communique pas bien et qu’elle n’est pas soutenue en cela par les gouvernements de l’UE. (C’est Europaforum.lu, plate-forme d’information et de discussion du gouvernement luxembourgeois sur l’UE, qui transmet ce propos de l’eurodéputé. NDLR) L’idée d’un financement budgétaire direct de la Commission - gouvernement de l’UE va de pair pour Louis Michel.

Autre aspect de ce gouvernement européen : le Parlement européen devrait être composé d’une vraie majorité et d’une vraie opposition et la Commission devrait émerger de la majorité au Parlement européen. En quoi il a reçu le soutien de Charles Goerens, qui est d’avis qu’il "faut faire éclater les clivages politiques traditionnels sur les grandes questions européennes existentielles", car le consensus, c’est "plutôt malsain". Et Louis Michel d’enchaîner : ce serait un moyen d’échapper au "tango franco-allemand" qui a "projeté une image extrêmement vexatoire pour d’autres pays" et qui risque de persister, car, pense Louis Michel, le président Hollande ne pourra pas s’écarter beaucoup du modèle de la relation Merkel-Sarkozy. Il faudrait par ailleurs organiser la Commission par piliers politiques, ce qui permettrait d’y intégrer des personnalités de grande envergure politique qui, en tant que vice-présidents, pourraient assumer la direction de ces piliers, plutôt que de nommer des politiques que les services veulent ensuite "formater comme des fonctionnaires" et bloquer, comme il l’a lui-même vécu, ce qui a été "très frustrant".     

Tous azimuts

Louis Michel s’est ensuite lancé dans des propos tous azimuts sur l’UE, les jeunes, le chômage, la spéculation. La paix, a-t-il dit, n’est plus un argument qui marche chez les jeunes qui n’ont pas connu la guerre. Il a appelé les jeunes, qui mélangent selon lui trop souvent réalité et irréalité, fascinés qu’ils sont par la réussite facile que les médias leur fait miroiter, à rechercher un emploi et à ne pas attendre que l’Etat leur en offre un, car "il y a un lien entre travail et bien-être". Il s’en est pris violemment aux lois sur les grands revenus que le gouvernement français pense faire voter, les dénonçant comme "démagogiques". Avec Charles Goerens, il s’est exprimé pour une certaine convergence fiscale, mais contre toute harmonisation.        

Louis Michel a fini par un plaidoyer pour José Manuel Barroso, s’inscrivant ici dans une nette divergence avec Charles Goerens. Il est convaincu que le discours sur l’état de l’Union de celui "à qui on a fait souvent un procès injuste" et "à qui on demande souvent de faire ce dont il n’a pas les moyens" sera, le 12 septembre prochain, "un discours de vérité".