Les propositions de la Commission faites le 12 septembre 2012 en matière de surveillance bancaire étaient attendues partout en Europe, mais on peut aisément imaginer, vu l’impact que le texte est destiné à avoir sur les places financières les plus importantes, qu’elles faisaient l’objet d’une attention toute particulière au Luxembourg.
La première à avoir eu l’occasion de réagir fut l’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling, qui a pu intervenir en plénière dans l’après-midi du 12 septembre, alors que le commissaire Michel Barnier venait répondre aux interrogations des parlementaires européens sur ces nouvelles propositions.
"La décision de conférer à la Banque centrale européenne une compétence centrale en matière de supervision est d'une grande portée", a salué Astrid Lulling, qui jugeait nécessaire "de passer maintenant d'une vision encore largement nationale de la supervision à une vision pleinement européenne". Quant au choix de la BCE pour assumer ces nouvelles responsabilités, Astrid Lulling le juge "fondamental", car il s’agit d’une "institution qui est non seulement complètement fédérale et intégrée mais qui a aussi démontré son savoir-faire depuis le début de la crise de la zone euro".
Et ce choix, l’eurodéputée luxembourgeoise espère qu’il ne sera pas remis en cause au cours des négociations qui vont commencer dans le cadre du processus législatif, car, met-elle en garde, "les semaines de travaux qui s’ouvrent ne doivent pas servir à rouvrir des débats qui ont été tranchés". "Plus l’architecture de la supervision en Europe sera complexe et fragmentée, moins le paysage bancaire européen sera solide", tel est en effet le postulat d’Astrid Lulling.
La parlementaire luxembourgeoise tient à ne pas être mal comprise, et elle précise bien qu’elle ne souhaite pas un modèle où la supervision échapperait totalement aux autorités locales. Elle insiste bien au contraire pour que "la répartition des compétences s’opère de façon objective et progressive afin de marier la vue d’ensemble et le contrôle au plus près des réalités". Astrid Lulling met d’ailleurs en garde contre toute concurrence entre les institutions publiques, qu’elles soient nationales ou européennes.
Du côté de la place financière luxembourgeoise, l’ABBL a réagi par voie de communiqué aux propositions présentées par la Commission. Et l’association a répété son point de vue : "tout transfert de compétences vers de nouvelles autorités européennes est bénéfique à la stabilité financière et à l’intérêt général à condition que ces autorités soient pleinement indépendantes de tous intérêts politiques et aient la capacité, du fait de leur mandat et de leur gouvernance, de faire prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt national".
L’ABBL salue "l’opportunité de pouvoir évaluer la proposition de la Commission" et entend "contribuer au débat de façon constructive". Les banquiers luxembourgeois se préparent donc clairement à "évaluer les impacts opérationnels et structurels du mécanisme en étroite collaboration avec les autorités nationales". S’ils se disent "conscients du fait que la mise en place de l’Union bancaire sera graduelle et qu’une priorité est accordée à la création du mécanisme de surveillance unique", ils insistent sur le fait que "la qualité de la réglementation doit prévaloir sur la rapidité de sa mise en œuvre".
Aux yeux de l’ABBL, il importe de "garder une vue globale et exhaustive de l’ensemble du cadre législatif afin d’assurer sa cohérence". Et les banquiers luxembourgeois encouragent donc la Commission à "présenter rapidement ses propositions pour les autres éléments de l’Union bancaire". Ils plaident aussi, dans le souci de "garantir des conditions de concurrence égales", pour que "l’Union bancaire inclue les 27 Etats membres".
Le Luxemburger Wort rapporte dans son édition du 13 septembre 2012 les propos de Serge de Cillia, membre du comité de direction de l’ABBL. Celui-ci souligne que 95 % des banques siégeant au Luxembourg sont des filiales de groupes étrangers. La proposition de la Commission lui semble pas conséquent meilleure que les projets évoqués auparavant, qui prévoyaient que la surveillance d’une banque soit faite dans le pays d’origine. Le risque aurait été que la CSSF ne se trouvât limitée à ne surveiller qu’une poignée de banques luxembourgeoises, ce qui n’est finalement pas le cas, comme s’en réjouit Serge de Cilla. Autre sujet de satisfaction, l’indépendance de la BCE qui va assurer la surveillance, tandis que la CSSF restera impliquée en tant que "satellite de la BCE" en quelque sorte. Mais le représentant de l’ABBL, interviewé par RTL, est toutefois conscient qu’il y a là un transfert massif de souveraineté et le modèle qui a été choisi va devoir être discuté avec toute la prudence requise.
Quant à Jean-Claude Juncker, interrogé lui aussi par la rédaction de RTL, il souligne avec insistance la nécessité d’une surveillance bancaire au niveau européen, ne serait-ce que "parce que les mécanismes de surveillance nationaux ont en partie échoué". Cette surveillance, elle est notamment prioritaire pour les banques systémiques. Aussi, le Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe n’a-t-il pas manqué de se montrer sceptique quant à la faisabilité de mettre en place dans des délais si courts que ceux annoncés une surveillance portant sur les 6000 banques européennes. Jean-Claude Juncker a aussi annoncé qu’il conviendrait de veiller à ce que la CSSF, qui est proche de la réalité du terrain, conserve bien ses droits et prérogatives.