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Agriculture, Viticulture et Développement rural
Les producteurs de lait manifestent à Bruxelles à l’appel du European Milk Board
26-11-2012


Près de 800 tracteurs ont envahi Bruxelles le 26 novembre 2012 à l’appel du European Milk Board (EMB), une organisation qui regroupe des producteurs de lait de 14 pays européens, dont le Luxembourg Dairy Board (LDB), présent sur le terrain avec une trentaine de manifestants et trois tracteurs, sous la houlette de son président, Fredy De Martines. 

La manifestation des producteurs de lait de l'EMB à Bruxelles, le 26 novembre 2012  source: EMBLes producteurs de lait ont manifesté "afin d’attirer l’attention sur leur situation intenable", car "depuis longtemps, les prix du lait sont inférieurs aux coûts de production, ce qui a déjà poussé des milliers de producteurs à abandonner leur ferme." Selon Romuald Schaber, le président de l’EMB, "il est impératif de mettre fin à la disparition des fermes en Europe, aux conséquences dramatiques pour notre société". Cette réalité est due à la surproduction absurde et à la pression sur les prix qui s’ensuit.

Trois problèmes

Les producteurs de lait sont confrontés à trois problèmes qui se combinent.

Le premier est que le prix du lait est inférieur à son coût de production. En moyenne, le paysan européen vend le litre de lait 27 centimes d'euro alors que la production coûte 40 centimes, soit un déficit de 13 centimes, selon l'EMB. Au Luxembourg, l’explosion des coûts est ramenée, entre autres par Camille Schroeder de la Baueren Allianz, à la hausse des prix du foncier, mais aussi aux prix des fourrages, comme l’a confié Josiane Willems de la Centrale paysanne, elle aussi citée par le Journal daté du 27 novembre 2012. 

Le deuxième problème est qu’en 2015, les quotas laitiers seront supprimés dans l’UE. Cette évolution obligera la filière laitière à évoluer d'une structure très administrée à une logique de contrats entre industriels et producteurs, ce qui suscite des réticences plus ou moins marquées selon les pays. Mais elle conduit d’ores et déjà, alors que la transition est entamée, à des tendances à produire plus chez les gros producteurs, de sorte que le marché est d’ores et déjà confronté à une suroffre qui pousse les prix à la baisse. Le Luxembourg, petit producteur avec 290 000 tonnes pour un marché de 140 millions de tonnes, n’a que peu de marges pour s’aligner sur les nouveaux marchés qui émergent, car ses exploitations sont de petite ou de  moyenne taille. Un dépassement des quotas de 1500 tonnes leur a déjà coûté 424 000 euros (LIEN) en 2011, ce qui les limite dans leurs efforts d’alignement. Le "soft landing" qu’on leur avait promis leur semble improbable. Pour Fredy de Martines, les petites exploitations disparaîtront, mais les grandes qui émergeront d’un processus de concentration seront toujours en péril. 

Comme tout alignement implique un risque de surproduction et donc de difficultés d’écroulement par rapport au prix de production, produire plus n’est pas non plus la panacée. C’est pourquoi l’EMB et son émule luxembourgeois, le LDB, sont en faveur d’une organisation de marché qui reste basée sur une régulation et des quotas. "L’avenir du secteur ne peut être assuré que grâce à une régulation flexible de l'offre, par le biais d'une agence de surveillance européenne pour le marché laitier", explique le président de l’EMB, Romuald Schaber dans un communiqué.

Le troisième problème est le projet de réforme de la Politique agricole commune (PAC) pour la période 2014-2020, qui prévoit une baisse du budget de la PAC de 420,6 milliards d'euros sur la période 2007-2013 à 386 milliards pour les sept années qui suivent. Et comme l’ont montré les discussions au Conseil européen des 22 et 23 novembre 2012, certains pays veulent même aller encore plus loin.

Un monde agricole divisé

Dans cette constellation, les producteurs de lait se sentent délaissés par les syndicats agricoles traditionnels. Le monde agricole est divisé dans l’UE comme au Luxembourg. Quelques déclarations recueillies par le Journal dans son édition du 27 novembre 2012 illustrent bien cette situation. Le président de la Baueren Allianz, Camille Schroeder, marque sa compréhension pour l’action de tous ceux qui n’arrivent pas à vendre leur lait plus de 33 centimes au litre. Josiane Willems de la Centrale paysanne dit clairement que les producteurs de céréales sont dans une bien meilleure situation que ceux qui ne produisent que du lait. Aloyse Marx du Fräie Lëtzeburger Bauereverband par contre partage le diagnostic, mais pas les revendications de l’EMB. Il approuve la sortie du système de quotas, car son maintien « ne serait qu’un leurre à terme». Pour lui, "il est aujourd’hui plus important de s’imposer sur les marchés avec des produits et des concepts innovants sur un marché très convoité".