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A quelques jours de la conférence-débat du 20 novembre au Cercle Cité à Luxembourg, le politologue Philippe Poirier évoque dans le "Journal" la montée de l'extrême droite au sein de I'UE
13-11-2012


Lëtzebuerger JournalA une semaine de la conférence-débat du 20 novembre 2012 sur l’extrême droite dans l’UE, organisée par Europaforum.lu et l’Institut Pierre Werner dans le cadre de la série "Penser l’Europe", un des participants, le politologue Philippe Poirier, qui enseigne, fait et dirige des recherches à l’Université du Luxembourg, a donnée une interview au journaliste Sven Wohl du quotidien "Journal".

  Dans cet entretien, Philippe Poirier souligne d’abord que "les droites extrêmes, radicales et populistes ont réussi à sortir en partie de leur isolement institutionnel par la participation directe ou indirecte au pouvoir dans les exécutifs nationaux, régionaux et locaux de nombreux Etats européens". Et cet enracinement et leur poids électoraux ont par ricochet "modifié de manière importante l'agenda politique des gouvernements et des partis de centre droit et de centre gauche qui y participent, notamment en ce qui concerne la politique migratoire, la politique européenne, la politique économique et la problématique de l'identité de manière générale".

Depuis la chute du Mur de Berlin, la globalisation et la crise, explique ensuite Philippe Poirier, le consensus né après la seconde guerre mondiale et qui se base sur le développement et le rôle de l'Etat-providence, sur la méthode communautaire comme mode d'intégration et de coopération européenne ou bien encore sur l'Etat de droit et la démocratie libérale, tend à être mis durablement au défi par des forces politiques nouvelles et radicales à droite mais aussi à gauche. Cela met l'UE "en péril". Il lui faut donc "une refondation et une nouvelle légitimité démocratique". Sinon, elle pourrait vaciller sous "le poids des populismes y compris de gauche" et ne devenir "qu’un acteur mineur des relations internationales" qui ne sait pas répondre "aux défis démographiques, économiques, environnementaux et sociaux que les Européens doivent absolument relever".

Ce qui fonde selon Philippe Poirier la légitimité de l'UE, c’est "sa capacité à maintenir la paix entre les Européens, à assurer le bien-être social et économique des Européens, à permettre aux économies, qui la constituent, de demeurer compétitives et attractives dans le cadre de la mondialisation tout en promouvant un modèle politique basé sur la démocratie représentative et libérale".

Si l’UE ne parvient pas à assumer ces fonctions, alors il sera difficile à ceux en place actuellement "’endiguer durablement la progression des mouvements populistes de droite". Le danger, c’est en fait pour lui "la faiblesse programmatique et gouvernementale des partis contemporains de centre droit et/ou de centre gauche", leur difficulté "à anticiper des évolutions et à trouver les politiques publiques et les instruments politiques adéquats". Et cette faiblesse fait "la force des formations radicales ou populistes de droite".

 Le Luxembourg fait partie, tout comme l'Allemagne, l'Espagne et la République d'Irlande, des rares Etats membres de l'UE où les droites extrêmes, radicales et populistes ne sont pas parvenues à s'implanter politiquement et de manière durable. En Allemagne et en Espagne, la proximité avec le franquisme et le nazisme joue un rôle, tout comme la force identitaire et programmatique des partis conservateurs et chrétiens-démocrates. L’extrême droite est plus forte dans les démocraties issues de l'ancienne Autriche-Hongrie et dans les Etats où il existe un conflit communautaire identitaire ou géographique important comme la Belgique et l'Italie. Par ailleurs, "les démocraties d'Europe centrale et orientale n'ont pas achevé leur dé-communisation et n'ont pas affronté suffisamment leur passé nationaliste de l'entre-deux-guerres".

Ce qui est nouveau pour Philippe Poirier, c’est qu’au-delà de "l’héritage des clivages anciens", des partis de la droite extrême, radicale ou populiste sont actuellement considérés "non plus comme l'une des manifestations de la crise mais comme participant à la résolution de certains problèmes, comme on peut le voir en Grèce ou en Suisse". Et il conclut : "Tout l'enjeu pour nos gouvernants est donc qu'ils parviennent à ce que ces forces politiques radicales et populistes redeviennent simplement un thermomètre de l'opinion publique."