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Transports
L’avocat général Niilo Jääskinen estime que le Luxembourg a, comme quatre autres Etats membres, manqué à ses obligations découlant des directives du premier paquet ferroviaire
13-12-2012


Le 26 juin 2008, la Commission a mis le Grand-Duché de Luxembourg en demeure de se conformer aux directives du premier paquet ferroviaire. Le Luxembourg a répondu à cette mise en demeure par lettre du 27 août 2008.

Le 9 octobre 2009, la Commission a adressé au Grand-Duché de Luxembourg un avis motivé dans lequel elle faisait valoir l’insuffisance des mesures adoptées afin d’assurer la transposition des directives 91/440 et 2001/14. À l’issue d’un nouvel échange de courriers, la Commission a adressé au Grand-Duché de Luxembourg un avis motivé complémentaire en date du 25 novembre 2010 par lequel elle a circonscrit la procédure à un seul grief, relatif à l’indépendance des fonctions essentielles, eu égard à l’évolution du cadre réglementaire national.

Le 3 février 2011, le Grand-Duché de Luxembourg a répondu à l’avis motivé complémentaire. N’étant pas convaincue par la réponse et les éléments fournis par le Grand-Duché de Luxembourg, la Commission a décidé d’introduire un recours en manquement le 8 août 2011.

Cette affaire (C412/11) qui oppose le Luxembourg et la Commission s’inscrit dans le cadre d’une série de recours en manquement, introduits par la Commission en 2010 et en 2011 et portant sur l’application par les États membres des directives 91/440 et 2001/14, dont l’objet principal est d’assurer l’accès équitable et non discriminatoire des entreprises ferroviaires à l’infrastructure, à savoir au réseau ferroviaire.

En raison de la libéralisation du secteur ferroviaire dans l’Union européenne, les États membres sont tenus d’assurer aux entreprises de ce secteur un accès équitable et non discriminatoire au réseau ferroviaire. Dans ce contexte, l’exercice de certaines "fonctions essentielles" ne peut plus être assuré par les entreprises ferroviaires historiques des États membres, mais doit être confié à des gestionnaires indépendants. Ces fonctions comprennent notamment la délivrance aux entreprises ferroviaires de licences qui leur donnent accès au réseau ferroviaire, la répartition des capacités infrastructurelles et la détermination de la redevance devant être acquittée par les entreprises de transport pour l’utilisation du réseau.

Ces recours sont inédits, car ils offrent à la Cour la possibilité d’examiner pour la première fois la libéralisation des chemins de fer dans l’Union européenne et, notamment, d’interpréter ce qu’il est convenu d’appeler le "premier paquet ferroviaire".

L’avocat général Niilo Jääskinen avait déjà rendu des conclusions dans le cadre de cette série de manquement le 6 septembre 2012. Le 13 décembre 2012, il a présenté ses conclusions dans l’affaire qui oppose la Commission au Luxembourg, mais aussi à la Pologne, à la République tchèque, à la France et à la Slovénie.

Le Luxembourg conteste le manquement du fait qu’il a adapté sa réglementation à la suite de l’introduction du recours, ce que rejette l’avocat général

Le gouvernement luxembourgeois estime, dans son mémoire en défense, que, bien que la réglementation nationale en vigueur fût conforme aux termes et à l’esprit de la directive 2001/14, elle a néanmoins été adaptée, à la suite de l’introduction du recours, de manière à ne pas laisser subsister le moindre doute quant à une éventuelle non-conformité avec le droit de l’Union. Ainsi, le Document de référence du réseau ou DRR aurait été modifié de façon à ce que la réallocation des sillons, en cas de perturbation, soit également transférée à l’Administration des Chemins de Fer (ACF). Dans sa duplique, le gouvernement luxembourgeois fait valoir que le DRR a une nouvelle fois été modifié (avec effet au 1er janvier 2012 ) et qu’il satisfait désormais aux exigences de la Commission en prévoyant que, en cas de perturbation imprévue, de nouveaux sillons soient attribués par l’ACF.

Aussi, le Luxembourg conteste-t-il le grief de la Commission en faisant valoir des dispositions adoptées après l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir les modifications du DRR postérieures à la date d’expiration dudit délai.

Mais l’avocat général rejette ce grief en rappelant que la Cour a itérativement jugé que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour.

L’avocat général propose à la CJUE de constater que le Luxembourg a enfreint l'exigence d’indépendance d'une entité prestataire de services de transport ferroviaire

L’avocat général examine donc la réglementation en vigueur à l’expiration du délai de deux mois, fixé dans l’avis motivé complémentaire en date du 25 novembre 2010.

Le recours de la Commission est fondé sur deux éléments qui sont aussi analysés dans les affaires Commission/France (C-625/10) et Commission/Slovénie (C-627/10).

La directive 91/440 prévoit qu’une entité prestataire de services de transport ferroviaire ne peut être chargée des fonctions essentielles. De telles fonctions consistent, en particulier, à attribuer des sillons et à répartir les capacités de l'infrastructure. La Commission reproche à la France, à la Slovénie et au Luxembourg d'avoir enfreint l'exigence d’indépendance d'une entité prestataire de services de transport ferroviaire.

En ce qui concerne la France, l’avocat général considère que le fait qu’un service de l’opérateur historique, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), la Direction des Circulations Ferroviaires (DCF), agisse pour le compte du Réseau ferré de France (RFF), lequel garde l’entière compétence pour arrêter le plan des horaires et l’attribution des sillons individuels, n’est pas suffisant pour valider le système français. Ainsi, ce système ne remplit pas la condition d’indépendance juridique.

De même, en ce qui concerne la Slovénie, l'avocat général constate que le fait que les Chemins de fer slovènes agissent pour le compte de l’Agence pour le transport ferroviaire, laquelle garde l’entière compétence pour arrêter le plan des horaires et l’attribution des sillons individuels, ne suffit à assurer la conformité de ce système aux exigences du droit de l’Union.

S'agissant du recours à l’encontre du Luxembourg, l’avocat général relève qu’en cas de perturbation du trafic, l’horaire normal fixé par l’Administration des Chemins de Fer (ACF) ne peut plus être respecté étant donné que les temps fixés dans l’horaire sont déjà dépassés et qu’une réallocation des horaires, opérée par l'entreprise ferroviaire des Chemins de fer luxembourgeois (CFL), pour les opérateurs qui attendent leur tour, devient nécessaire.

Ensuite, l'avocat général analyse le grief de la Commission portant sur la tarification de l’accès à l’infrastructure ferroviaire. Il observe à cet égard que la France et la Slovénie n’ont pas mis en œuvre de système d’amélioration des performances des entreprises ferroviaires et gestionnaires de l'infrastructure répondant aux exigences du droit de l'Union. Par ailleurs, M. Jääskinen considère que la Slovénie n'a pas prévu de mesures destinées à encourager les gestionnaires de l’infrastructure à réduire les coûts de fourniture de l’infrastructure et le niveau des redevances d’accès.