La Commission européenne a adopté le 19 décembre 2012, "après des années de préparation", comme elle le souligne elle-même, et sans faire allusion aux pressions qu’elle a subies et qui ont conduit à la démission du commissaire européen maltais John Dalli sa proposition de révision de la directive sur les produits du tabac.
Cette proposition, présentée par le successeur de John Dalli, le nouveau commissaire maltais à la santé et à la politique des consommateurs, Tonio Borg, veut renforcer les règles en vigueur ou introduit de nouvelles dispositions concernant les modalités de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac. Il s’agit de dissuader les futurs consommateurs de produits du tabac en les dégoûtant.
Plus précisément, elle veut interdire l’adjonction d’arômes caractérisants dans les cigarettes, le tabac à rouler et les produits du tabac sans combustion et rend obligatoire l’apposition sur les paquets de cigarettes et de tabac à rouler d’avertissements sanitaires sous forme d’images de plus grande taille.
Elle veut réglementer les ventes en ligne transfrontalières et introduit des dispositifs techniques destinés à lutter contre le commerce illicite.
Elle veut aussi établir des mesures pour des produits qui, jusqu’à présent, n’étaient pas spécifiquement réglementés, tels que les cigarettes électroniques ou les produits à fumer à base de plantes. Le tabac à mâcher et le tabac à priser seront soumis à des règles particulières en matière d’ingrédients et d’étiquetage. L’interdiction en vigueur du tabac à usage oral ("snus") sera maintenue.
L’actuelle directive sur les produits du tabac (2001/37/CE) date de 2001. Depuis lors, des avancées majeures ont été accomplies sur le triple plan de la science, du marché et des normes internationales. L’on dispose notamment de nouveaux éléments sur les arômes utilisés dans les produits du tabac et sur l’efficacité des avertissements sanitaires. De nouveaux types de produits (comme les cigarettes électroniques) sont arrivés sur le marché, et les stratégies commerciales font désormais appel à des conditionnements et à des arômes attrayants.
Au niveau international, l’Union européenne et tous ses États membres ont ratifié la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), entrée en vigueur en février 2005. De ce fait, certaines dispositions de la directive en vigueur sont devenues caduques. En outre, les États membres ayant suivi des démarches réglementaires diverses, il existe des disparités entre leurs dispositions nationales en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac.
La proposition fait suite à ces évolutions, certes, mais aussi aux demandes du Parlement européen et du Conseil des ministres ainsi qu’aux rapports de 2007 et de 2009 de la Commission sur l’application de la directive relative aux produits du tabac, qui recensaient les domaines dans lesquels des améliorations pourraient être apportées.
La proposition veut introduire d’importantes modifications par rapport à la directive en vigueur, notamment dans les domaines suivants:
Étiquetage et conditionnement: tous les paquets de cigarettes et de tabac à rouler devraient porter un avertissement combiné (texte plus image) relatif à la santé couvrant 75 % des faces avant et arrière des paquets. Les éléments publicitaires seraient interdits. Les indications actuelles concernant le goudron, la nicotine et le monoxyde de carbone, jugées trompeuses, seraient remplacées par un message imprimé sur la tranche du paquet indiquant que la fumée du tabac contient plus de soixante-dix substances cancérigènes. Les États membres resteraient libres d’adopter un conditionnement neutre dans les cas dûment justifiés.
Ingrédients: un modèle électronique pour la déclaration des ingrédients et des émissions serait mis en place. Il est proposé d’interdire les cigarettes, le tabac à rouler et le tabac sans combustion contenant des arômes caractérisants ainsi que les produits présentant un niveau accru de toxicité et de risque de dépendance.
Tabac sans combustion: l’interdiction visant les produits du tabac à usage oral («snus») devrait être maintenue, sauf pour la Suède qui bénéficie d’une dérogation. Tous les produits du tabac sans combustion devraient porter des avertissements sanitaires sur les surfaces principales de leur conditionnement; les produits contenant des arômes caractérisants seraient interdits à la vente. Une obligation de notification préalable serait instituée pour les nouveaux types de produits du tabac.
Extension du champ de la directive: Les produits contenant de la nicotine (comme les cigarettes électroniques) dont la teneur en nicotine est inférieure à un certain seuil pourraient être commercialisés, à la condition que des avertissements sanitaires y soient apposés; passé ce seuil, ces produits seront soumis au même régime d’autorisation que les médicaments, tout comme les substituts nicotiniques. Les paquets de cigarettes à base de plantes devront porter des avertissements sanitaires.
Ventes à distance transfrontalières: un régime de notification pour les détaillants en ligne et un mécanisme de contrôle de l’âge seraient mis en place afin de garantir que les produits du tabac ne soient pas vendus à des enfants ou à des adolescents.
Commerce illicite: un système d’identification et de suivi et des dispositifs de sécurité (notamment des hologrammes) seraiet prévus, de façon à s’assurer que seuls des produits conformes à la directive soient écoulés sur le marché de l’Union.
La proposition a été adoptée à la suite d’un vaste processus de consultation des parties prenantes et, notamment, d’une consultation publique qui a recueilli 85 000 réponses. Sa préparation a donné lieu à une analyse approfondie des incidences économiques, sociales et sanitaires pouvant résulter des différentes options stratégiques envisagées. Plusieurs études externes ont été commanditées pour l’occasion.
La proposition doit désormais être examinée au Parlement européen et au Conseil des ministres. Elle devrait être adoptée en 2014 et entrer en vigueur à partir de 2015 ou de 2016.
L’actuelle directive sur les produits du tabac, adoptée en 2001 en remplacement de la directive initiale de 1989, comporte des mesures concernant la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac. Font partie des «produits du tabac» les cigarettes, le tabac à rouler, le tabac pour pipe, les cigares, les cigarillos, ainsi que différents types de produits du tabac sans combustion. La directive fixe les rendements maximaux des cigarettes en goudron, nicotine et monoxyde de carbone, et fait obligation aux fabricants de déclarer les ingrédients qu’ils emploient. Elle interdit le tabac à usage oral et le recours à des qualificatifs susceptibles d’induire en erreur, tels que "légères", "douces" ou "à faible teneur en goudron". Elle impose que les produits du tabac portent des avertissements sanitaires. Une bibliothèque d’avertissements sous forme d’images a été constituée en complément des messages de mise en garde; elle est utilisée par un nombre croissant d’États membres.
Oui. Chaque année, le tabagisme tue près de 700 000 personnes en Europe (soit une ville de la taille de Francfort), ce qui en fait le premier facteur de risque évitable pour la santé. Des millions de citoyens de l’Union européenne souffrent de maladies provoquées par le tabagisme, notamment de cancers et de maladies cardiovasculaires ou respiratoires. Environ 50 % des fumeurs meurent prématurément, en moyenne 14 ans plus tôt que les non-fumeurs. De plus, les fumeurs sont affligés de problèmes de santé pendant une plus grande part de leur existence. Au niveau planétaire, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le tabagisme fait à l’heure actuelle près de 6 millions de victimes par an. Ce chiffre pourrait atteindre huit millions en 2030 si aucune mesure n’est prise pour inverser cette tendance inquiétante.
La Commission est déterminée à mener une politique stricte de lutte antitabac, afin de garantir une bonne protection de la santé publique dans le marché intérieur de l’Union européenne. Le tabac créant une forte dépendance, il est important d’empêcher l’entrée des jeunes dans le tabagisme. En effet, 70 % des fumeurs commencent avant l’âge de 18 ans, et 94 %, avant 25 ans.
La directive sur les produits du tabac porte sur l’ensemble des produits du tabac. Cependant, le tabac pour pipe, les cigares et les cigarillos ne servent pas en quantité massive de "porte d’entrée" dans le tabagisme. Par conséquent, la proposition prévoit des règles moins strictes pour ces produits: les avertissements sous forme d’image ne seraient pas obligatoires et les arômes caractérisants ne seraient pas interdits. Cette exemption serait néanmoins annulée en cas d’évolution notable de la situation (du point de vue du volume des ventes ou de la prévalence du tabagisme chez les jeunes).
Oui, si la proposition est acceptée. Elle prévoit des avertissements obligatoires sous forme d’image au recto et au verso du paquet, couvrant 75 % de chaque face. Sur les côtés, des avertissements supplémentaires seront ajoutés ("Fumer tue – Arrêtez le tabac"; "La fumée du tabac contient plus de 70 substances cancérigènes", etc.), qui couvriraient 50 % de la tranche. Si l’on considère l’ensemble de la surface d’un paquet de cigarettes, cela signifie que les avertissements sanitaires couvriraient moins de 60 % de la surface totale. Les fabricants de cigarettes devraient par ailleurs respecter des obligations en matière d’identification et de suivi des paquets, d’éléments de sécurité et de timbres fiscaux. Dans le cas des paquets courants, 30 % de la surface resterait disponible pour l’affichage de la marque, à moins que l’État membre opte pour un conditionnement neutre en justifiant ce choix.
La proposition ne veut interdire aucun arôme spécifiquement, mais elle veut proscrire les produits du tabac contenant des "arômes caractérisants", notamment le menthol. Dans les faits, il resterait possible d’utiliser le menthol en faibles proportions, mais non dans des quantités telles qu’il conférerait au produit un goût perceptible autre que celui du tabac. Des groupes témoins aideraient les États membres et la Commission à décider si un produit présente ou non un arôme caractérisant. L’emploi d’additifs qui sont nécessaires à la fabrication des produits du tabac (y compris le sucre) resterait admis. La proposition ne fait pas de distinction entre les différentes variétés de tabac telles que le tabac de Virginie, celui du type Burley ou le tabac d’Orient.
Oui, si elle passe. La proposition législative comporte des mesures strictes pour lutter contre les produits du tabac illicites, afin que seuls des produits conformes à la directive soient commercialisés dans l’Union européenne. Le projet de directive veut instaurer un système d’identification et de suivi pour la chaîne d’approvisionnement légale, ainsi que des dispositifs de sécurité qui devraient faciliter l’application de la loi et permettre aux consommateurs de détecter les produits illicites. La proposition sensibilise également les consommateurs au fait que les produits illicites sont vendus par les réseaux du crime organisé. Les produits du tabac autres que les cigarettes et le tabac à rouler se verraient accorder une période de transition de cinq ans.
Non. Toutefois, la question doit être abordée, car on constate que les produits achetés en ligne, par exemple, ne sont souvent pas conformes aux règles énoncées dans la directive (du point de vue de l’étiquetage et des ingrédients, en l’occurrence). La proposition veut imposer aux détaillants qui souhaitent pratiquer la vente transfrontalière de produits du tabac de déclarer leur activité, avant d’effectuer leur première vente, auprès de leur État membre d’établissement et de ceux dans lesquels ils commercialisent des produits du tabac. Ils devraient en outre veiller à ce que les produits du tabac ne soient pas vendus à des enfants ou à des adolescents.
Non. Si la Commission européenne soutient la mise en place d’environnements sans tabac, la décision en la matière reste du ressort des États membres. Au niveau de l’Union européenne, la question n’est abordée que dans une recommandation du Conseil relative aux environnements sans tabac datant de 2009. La Commission établira au premier semestre 2013 un rapport sur l’application de cette recommandation par les États membres.
Actuellement, le Luxembourg fait partie des Etats membres qui considèrent les produits contenant de la nicotine (PCN) comme des médicaments par fonction. Dans la proposition de la Commission, les PCN excédant un certain seuil de rendement en nicotine ne sont admis que s’ils ont été autorisés en tant que médicaments. Les PCN dont le rendement en nicotine est inférieur à ce seuil doivent porter des avertissements sanitaires.
L’actuelle directive ne fixe aucune obligation, mais 14 Etats membres, dont le Luxembourg, imposent un conditionnement par 20 cigarettes au minimum. Avec la proposition, les paquets de cigarettes devront être parallélépipédiques et contenir au moins 20 cigarettes. Par ailleurs, le tabac à rouler ne peut être vendu dans des pochettes de moins de 40 grammes. Des dimensions minimales sont fixées pour les paquets de cigarettes (hauteur, largeur, épaisseur) afin de garantir la pleine visibilité des avertissements sanitaires.