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Emploi et politique sociale
La CSL impute l’arrêt de la CJUE sur la réglementation luxembourgeoise sur l'aide à l'embauche, qui apparaîtrait contraire à la libre circulation des travailleurs, à une interprétation erronée de cette réglementation par la Cour administrative
08-01-2013


Le 13 décembre 2012, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avait rendu un arrêt qui disait que la réglementation luxembourgeoise en matière d'aide à l'embauche apparaissait contraire à la libre circulation des travailleurs.

Chambre des SalariésDans l'affaire Caves Krier Frères Sàrl / Directeur de l'ADEM, la CJUE s’était penchée sur le cas d’une ressortissante luxembourgeoise qui réside en Allemagne et qui a accompli l'ensemble de sa carrière professionnelle au Luxembourg. En 2008, elle est engagée par la société luxembourgeoise Caves Krier, qui voit rejetée par l’ADEM sa demande d’une aide à l’embauche au motif que l’employée n’y était pas inscrite en qualité de demandeur d’emploi comme l’exige la législation luxembourgeoise.

La Cour administrative de Luxembourg avait estimé qu’il pourrait ici y avoir une entrave à la libre circulation des citoyens de l’Union et avait interrogé la CJUE. Celle-ci avait constaté que la réglementation luxembourgeoise introduit une différence de traitement entre les ressortissants des États membres à la recherche d'un emploi résidant au Luxembourg et les mêmes ressortissants qui résident dans un autre État membre, ces derniers étant désavantagés. Elle avait jugé qu’une condition de résidence est inappropriée quand il s’agit des travailleurs migrants et frontaliers. Elle avait estimé par ailleurs que celui qui travaille et paie des impôts dans un Etat membre a créé un lien d’intégration suffisant dans la société de cet État pour y bénéficier du principe d’égalité de traitement.

Interrogée par Europaforum.lu sur les questions soulevées par cette affaire, qui concerne tous ses ressortissants, la Chambre des salariés (CSL) relate le fait que le gouvernement luxembourgeois a soutenu devant la CJUE "que la réglementation nationale en cause ne comporte aucune atteinte à la libre circulation des travailleurs dès lors qu’elle ne prévoit aucune condition de résidence." La question posée à la CJUE reposerait dès lors "sur une interprétation erronée par la Cour administrative luxembourgeoise de la réglementation nationale." Bref, un imbroglio juridique plus qu’une véritable affaire, même si elle a conduit à la réaffirmation des principes de la libre circulation et de l’égalité de traitement des travailleurs migrants et frontaliers. .

Car, comme la CSL le constate, "tout chômeur non-résident pourrait en effet s’inscrire auprès de l’ADEM, l’article L. 622 6 (1) du code du travail disposant clairement que toute personne sans travail, à la recherche d’un emploi, est tenue de s’inscrire comme demandeur d’emploi à l’ADEM."  Un salarié de nationalité luxembourgeoise qui réside en Allemagne doit donc s’inscrire auprès de l’administration de l’emploi allemande pour percevoir d’éventuelles indemnités de chômage, mais aucun texte de loi luxembourgeois n’empêcherait un tel salarié de s’inscrire auprès de l’ADEM pour être tenu informé des postes de travail vacants au Luxembourg et pour permettre à l’employeur qui l’embauche de bénéficier de l’aide à l’embauche.

Mais voilà, a-t-on expliqué à Europaforum.lu., il n’appartient pas à la CJUE de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales et de juger si l’interprétation de la Cour administrative nationale du droit en vigueur est correcte ou pas, de sorte qu’elle a dû examiner la question préjudicielle de la Cour administrative du Luxembourg au regard de l’interprétation du droit donnée par cette dernière. La CJUE a donc dû se baser "sur l’hypothèse selon laquelle la réglementation nationale en cause au principal subordonne l’inscription à l’ADEM et, partant, l’octroi de l’aide à l’embauche prévue à l’article L. 541 1, premier alinéa, du code du travail, à une condition de résidence au Luxembourg". Mais elle a aussi précisé dans son arrêt qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi de le vérifier dans le cadre de l’exercice de ses compétences.

De cette affaire, la CSL tire plusieurs conclusions. La première est que la CJUE était tenue de répondre à la question telle que posée par la Cour administrative nationale. Elle ne pouvait pas prendre en compte l’argument avancé par le gouvernement quant au raisonnement erroné des juges nationaux qui ont retenu dans leur décision, à tort, que le Luxembourg impose une condition de résidence dans le cadre de l’octroi des aides à l’embauche. Elle a donc dû conclure que "si une telle condition de résidence existe, alors les conditions nationales d’octroi des aides à l’embauche ne sont pas compatibles avec le principe de la libre circulation des travailleurs inscrit à l’article 45 TFUE." Et la CSL ajoute : "Mais dans son arrêt la CJUE invite la Cour administrative nationale à bien vérifier si cette condition de résidence existe dans la législation nationale (voir le point 42 de l’Arrêt)."

"Or cette condition de résidence n’existe pas dans la loi nationale", poursuit la CSL. Les deux seules conditions tenant à l’octroi de l’aide à l’embauche sont la condition liée à l’âge du demandeur d’emploi et l’inscription du demandeur d’emploi à l’ADEM. "Il faut donc en conclure que les juridictions nationales se sont trompées en retenant cette condition de résidence et ont posé une question préjudicielle à la CJUE qui n’avait pas lieu d’être." Et elle s’attend à ce que le problème soit redressé lors de la prochaine décision de la Cour administrative (suite à la réponse par la CJUE à sa question préjudicielle) qui devrait intervenir dans les prochains mois.