Dans le Financial Times du 3 février 2013, le président de l’ALFI, Marc Saluzzi, s’exprime sur le futur de l’industrie des fonds au Luxembourg sous l’égide de la mise en œuvre de la directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers). Cette directive prévoit une supervision et une réglementation accrues pour les fonds alternatifs et leurs gestionnaires. En contrepartie, ceux-ci se voient offrir de nouvelles opportunités au travers d’un passeport européen qui leur permet de prester leurs services de gestion et de distribuer leurs fonds dans tous Etats membres de l’UE.
Dans son entretien avec le FT, Marc Saluzzi évoque les efforts entrepris par la place financière pour "convertir une partie du marché mondial des fonds alternatifs non régulés en marché régulé". Théoriquement, la mise en œuvre de la directive AIFM forcera selon Marc Saluzzi de nombreuses maisons actives sur ce marché à établir une base à Luxembourg ou pas trop loin de Luxembourg, "parce qu’elles auront des difficultés à se mettre en conformité avec les exigences qui y sont liées à partir de leurs bureaux à New York, Singapour ou Moscou". Un marché cible seront les fonds de pensions et d’autres grands investisseurs qui auraient intérêt à investir dans des fonds alternatifs régulés.
Actuellement, la place financière de Luxembourg administre 2,4 trillions d’euros. Marc Saluzzi explique au FT que la mise en œuvre de l’AIFM permettra au Luxembourg de doubler les actifs des fonds sous forme d’avoirs, de titres et de hedge funds, qui sont actuellement évalués entre 200 et 250 milliards d’euros, et qui passeraient donc à 500 milliards d’euros.
Pour y arriver, Marc Saluzzi parle d’un plan de lobbying qui comporte plusieurs étapes.
La première consiste à essayer "de pousser l’AIFM à travers les instances de notre parlement". En effet, le 24 août 2012, le ministre des Finances, Luc Frieden, a déposé à la Chambre des députés le projet de loi 6471 qui porte sur la transposition en droit luxembourgeois de la directive AIFM. Marc Saluzzi s’attend à ce que le processus de consultations de la Chambre prenne fin dans les semaines à venir et que le projet de loi soit voté et publié au cours du premier trimestre 2013. La place financière est d’autant plus intéressée à cette loi qu’elle adapte aussi les lois sectorielles qui réglementent les fonds d’investissement spécialisés afin de les mettre en conformité avec la nouvelle directive.
Un des atouts que Luxembourg compte maintenant faire valoir dans le cadre de la mise en œuvre de la directive AIFM est son expérience en matière d’OPCVM, ces fonds régis par la directive UCITS, avec le maniement des passeports pour les fonds, qui leur permet d’être commercialisés partout en Europe sans rencontrer d’obstacles avec les lois nationales des autres pays.
Partant de là, Marc Saluzzi et ses collègues de l’ALFI ont fait le tour du globe pour convaincre les maisons qui proposent des fonds alternatifs d’ouvrir des bureaux à Luxembourg et ont aussi approché des investisseurs institutionnels pour les convaincre d’investir dans ces fonds. Selon lui, les interlocuteurs de l’ALFI semblent être réceptifs à l’idée de fonds alternatifs plus régulés, citant entre autres les fonds de pensions au Chili et au Mexique, qui sont intéressés à aller vers des fonds alternatifs afin de diversifier la base de leur actifs. De l’autre côté, 30 % des actifs des fonds d’investissement de Hongkong sont achetés par des investisseurs institutionnels européens. Avec l’AIFM, Hongkong devra repenser ses fonds et les adapter à cette clientèle, ce qui devrait le conduire à établir des gestionnaires de fonds en Europe.
Un autre avantage que les sociétés de fonds d’investissement de pays tiers ont à intégrer le régime du passeport de fonds est que ce régime leur permettra de choisir leur régulateur, et ce régulateur sera le seul à superviser leurs affaires dans l’UE. Ce que ne permet pas l’ancien régime de placement privé, qui est selon Marc Saluzzi condamné à disparaître.