Le 19 février 2013, la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen a adopté les principes qui doivent guider la composition du Parlement européen pour la prochaine mandature 2014-19. Le traité sur l'Union européenne prévoit en son article 14 que le Parlement européen est composé de 751 membres (dont le président) et qu'aucun pays ne peut être représenté par plus de 96 membres.
Actuellement, le nombre de députés s'élève à 754 membres. 736 d'entre eux ont été élus en vertu du traité de Nice qui était encore en vigueur au moment des élections de juin 2009. L'article 2 du protocole n° 36 sur les dispositions transitoires a permis de déroger à l'article 14 du Traité sur l'Union européenne en nommant 18 députés supplémentaires et en permettant à l'Allemagne de conserver les 99 sièges permis par le traité de Nice.
Toutefois, cette dérogation s'achève à la fin de la législature 2009-14. A cette perspective s'ajoute l'adhésion prochaine de la Croatie à l'UE, le 1er juillet 2013, et l'arrivée de ses douze "observateurs" jusqu'à la fin de la législature, en 2014. Soit un nombre potentiel de 766 sièges aux élections de juin 2014, à situation inchangée.
En vertu de l'article 14, paragraphe 2, du traité UE, la composition du nouveau Parlement doit être fixée par une décision du Conseil européen, adoptée à l'unanimité sur initiative du Parlement européen et avec son approbation. La Commission aux affaires constitutionnelles devait donc trouver la manière de supprimer quinze sièges de députés.
Pour régler ce problème délicat, la commission parlementaire s'est donc prononcée, le 19 février 2013, en faveur d'une "solution pragmatique" consistant à ce que "personne ne gagne de siège et personne n'en perd plus d'un", l'Allemagne faisant exception avec la perte de trois sièges en raison de la nouvelle limitation du nombre de députés par Etat membre introduite par le traité de Lisbonne.
Cette solution a pour mérite d'éviter une "extraordinaire redistribution des sièges, impliquant de lourdes pertes pour les petits États membres et les États membres de taille moyenne et d'énormes augmentations pour les grands États membres", ont déclaré les eurodéputés en charge du dossier, Roberto Gualtieri (S&D, IT) et Rafał Trzaskowski (PPE, PL), comme le rapporte le communiqué de presse diffusé par le Parlement européen, à l'issue du vote. Elle est en ce sens la solution "la plus susceptible d'obtenir une majorité au Parlement et l'unanimité au Conseil".
Les deux rapporteurs ont ainsi cherché à "réduire au maximum les pertes de sièges des États membres, tout en respectant, autant que possible, la règle de la "proportionnalité dégressive", selon lequel les députés d'États membres de plus grande taille représentent davantage de citoyens que ceux de petits pays".
Cette révision aurait pu être l'occasion de tenir compte des plus récentes évolutions démographiques et de mieux rendre justice à la règle de la "proportionnalité dégressive", concèdent les deux eurodéputés dans l'exposé des motifs de leur rapport.
Une référence est le rapport Lamassoure-Severin, réalisé en 2007 lors de la précédente révision qui octroyé dix-huit sièges supplémentaires au Parlement européen. Dans ce rapport, la règle de la proportionnalité dégressive avait été définie par trois principes :
- Les chiffres minimum et maximum fixés par le traité, en l'occurrence 6 et 96 députés, doivent être pleinement utilisés pour que l'éventail des sièges au Parlement européen soit le moins éloigné possible de l'éventail des populations des États membres,
- Plus un État membre est peuplé, plus il a droit à un nombre de sièges élevé
- Plus un État membre est peuplé, plus le nombre d'habitants que chacun de ses députés européens représente est élevé.
Toutefois, les deux rapporteurs ont renoncé à cette " redistribution des sièges plus générale", en raison de sa difficile application et de leur souhait de ménager les susceptibilités de la Cour constitutionnelle allemande.
En effet, le premier principe énoncé empêche de réduire le nombre de sièges de l'Allemagne pour le faire passer en-dessous du seuil de 96, alors qu'il aurait eu lieu de le faire. En effet, la France compte un député pour 883 756 habitants, le Royaume-Uni, un député pour 862 871 habitants, chiffres qui resteraient inchangés selon l'option retenue par la commission parlementaire, tandis que l'Allemagne bénéficie actuellement d'un député pour 826 704 habitants, ratio qui passerait à un député pour 852 539 habitants, selon le projet retenu.
Les deux rapporteurs font par ailleurs remarquer qu'il serait "politiquement contre-productif" de retenir une telle solution, alors que la Cour Constitutionnelle allemande a des "positions critiques bien connues " envers ce principe de la proportionnalité dégressive.
En laissant à l'Allemagne le plafond de 96 membres, il aurait fallu, pour se rapprocher des principes de la proportionnalité dégressive, octroyer quatre nouveaux députés à la France, trois au Royaume-Uni, trois à l'Espagne, un à l'Italie, tandis que de nombreux pays, moins peuplés, auraient perdu des sièges.
La "solution pragmatique", retenue par les deux eurodéputés, contient cette aspiration à une meilleure proportionnalité dégressive mais la nuance en adoptant le principe qu'aucun pays ne doit gagner de siège et aucun ne doit en perdre plus d'un. Les quatre pays qui auraient dû enregistrer un excédent, garderaient donc le même nombre de députés. Tous ceux qui auraient dû perdre plus d'un siège (Roumanie, Grèce, Portugal, Belgique, République Tchèque, Hongrie, Lituanie, Lettonie) voient leur recul limité à un. Au final, ces sept précédents pays, ainsi que la Bulgarie, l'Irlande, la Slovénie et la Croatie perdront un siège.
La Suède aurait dû, elle aussi, perdre un siège selon l'application de cette règle. Mais, finalement, la Commission a adopté à une courte majorité (dix voix pour, neuf contre), la décision de priver l'Autriche, et non la Suède, d'un siège, au regard de leurs nombres d'habitants respectifs. La Suède aurait eu un député de moins que l'Autriche alors qu'elle compte un million d'habitants de plus (9,482 millions d'habitants).
Le fait que personne ne gagne de siège implique que le troisième principe de la proportionnalité dégressive n'est pas pleinement respecté, mais "ce résultat répond à une logique politique claire", expliquent les rapporteurs. Ainsi, pensent-ils que "la solution proposée est la plus susceptible de dégager une majorité au sein du Parlement et l'unanimité au sein du Conseil tout en respectant autant que possible le principe de la proportionnalité dégressive."
Les deux rapporteurs se sont refusé à recourir au récent compromis dit de Cambridge, fruit d'une proposition faite, lors de la dernière Convention, par le Parlement européen. Ce dernier avait avancé l'idée d'adopter la méthode dite "base + proportionnelle", qui a trouvé son modèle théorique, en janvier 2011, sous le nom de "compromis de Cambridge".
Selon ce principe, six sièges sont attribués à tous les États membres, tandis que les sièges restants sont distribués selon le principe de proportionnalité. Cette méthode représente le mécanisme le plus "proportionnel" qui respecte le principe de la proportionnalité dégressive et elle permettrait d'atténuer considérablement la position critique de la Cour constitutionnelle allemande, "surtout si elle est associée à une révision du traité abolissant le plafond de 96 sièges", précise la Commission parlementaire.
Cependant, son application entraînerait une extraordinaire redistribution des sièges, impliquant de lourdes pertes pour les petits États membres et les États membres de taille moyenne et d'énormes augmentations pour les grands États membres.
Elle nécessiterait également une suppression du plafond de 96 sièges, sans quoi elle "serait discriminatoire pour l'Allemagne vis-à-vis des autres grands États membres", puisqu'elle augmenterait fortement le rapport population/nombre de sièges entre la France et l'Allemagne.
Parmi les différentes formules mathématiques disponibles pour appliquer le principe de la proportionnalité dégressive, existe aussi une méthode "parabolique". "Ce modèle pourrait servir de critère d'orientation à long terme sans avoir à modifier le traité, mais il entraîne également une redistribution trop importante pour être politiquement viable en une seule étape", expliquent les rapporteurs.
C'est sans doute la méthode parabolique ou le compromis de Cambridge qui inspireront la proposition que la commission parlementaire s'est engagée à proposer durant la prochaine législature. "Une nouvelle tentative visant à parvenir à un système plus stable fondé sur des critères objectifs acceptés par toutes les parties prenantes pourrait être lancée par une nouvelle initiative du Parlement en temps utile avant les prochaines élections de 2019", explique-t-elle en effet dans son communiqué de presse.
Cette proposition consisterait en "un système durable et transparent qui prenne en compte toute augmentation du nombre d'États membres ainsi que l'évolution démographique". Ce projet, que la commission parlementaire voudrait présenter en 2015, devrait même ne pas exclure "la possibilité de réserver un certain nombre de sièges à des membres élus sur des listes transnationales".
Parallèlement, la commission parlementaire évoque l'élaboration d' une méthode plus appropriée de calcul de l'électorat à prendre en considération au niveau des États membres, au moyen d'un règlement spécifique à adopter conformément à la procédure législative ordinaire.
Les eurodéputés envisagent aussi une révision simultanée des modalités de vote au Conseil des ministres. "Cette réforme devrait être définie dans une convention européenne, étant entendu que les traités fondent la démocratie de l'UE sur la représentation à la fois des citoyens et des États membres", explique le Parlement européen.
Le Luxembourg ferait partie, avec Malte, Chypre et l'Estonie, des pays qui conservent leurs six sièges, nombre minimal prévu par le traité de Lisbonne.
Dans une interview accordée au journal Le Quotidien, parue le 16 février 2013, l'eurodéputé luxembourgeois, Charles Goerens (ALD), pense que cette "solution pragmatique" décidée par la commission parlementaire devrait pouvoir obtenir une majorité des voix. "Rien n'est décidé pour l'instant, mais à mon avis, leur solution pragmatique pourrait passer", a-t-il dit.
"Certains pays contesteront sans doute la perte d'un siège, d'autant que l'acceptation de la politique européenne n'est pas toujours facile à communiquer", constate Charles Goerens, ravi que le "débat pénible" sur les différences de représentativité selon la taille du pays et qui aurait visé le Luxembourg, entre autres, n'ait pas été soulevé.