La Commission européenne a présenté le 27 mars 2013 un nouvel outil comparatif visant à promouvoir l’effectivité des systèmes de justice dans l’Union européenne et, ce faisant, à renforcer la croissance économique. Le tableau de bord de la justice dans l’UE entend fournir des données objectives, fiables et comparables sur le fonctionnement des systèmes de justice des vingt-sept États membres de l’UE. L’amélioration de la qualité, de l’indépendance et de l’efficacité des systèmes judiciaires est en effet un objectif du semestre européen, et Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la justice, conçoit ce nouveau tableau de bord de la justice dans l’UE comme "un système d’alerte précoce qui contribuera aux efforts déployés par l’UE et ses États membres pour assurer une justice plus effective au service des citoyens et des entreprises".
L’amélioration de la qualité, de l’indépendance et de l’efficacité des systèmes judiciaires est un objectif du semestre européen, le processus de coordination des politiques économiques mis en place au niveau de l’UE. L’exercice 2012 a révélé que six États membres (la Bulgarie, l’Italie, la Lettonie, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie) devaient remédier à un certain nombre de problèmes notamment liés à l’organisation de la justice et à la longueur des procédures judiciaires. La réforme du système judiciaire national faisait aussi partie intégrante des programmes d’ajustement économique concernant la Grèce, l’Irlande, la Lettonie et le Portugal.
Le tableau de bord de la justice dans l’UE vise à fournir une évaluation systématique du fonctionnement des systèmes de justice nationaux, qui viendra éclairer les recommandations par pays découlant de l’examen annuel de la croissance. Il aidera ainsi l’UE et ses États membres à rendre les systèmes de justice nationaux plus effectifs pour les citoyens et les entreprises. Les stratégies de croissance des États membres s’en trouveront renforcées, au bénéfice de l’ensemble de l’UE.
L’édition 2013 du tableau de bord fournit des données sur les délais de jugement des affaires, le taux d’affaires jugées, le nombre d’affaires pendantes, l’utilisation d’outils électroniques pour la gestion des affaires, le recours à des modes de règlement extrajudiciaire des litiges, la formation des juges et les ressources allouées aux juridictions. Il ne faut pas seulement que justice soit faite, il faut aussi qu’elle soit vue comme telle. C’est la raison pour laquelle le tableau de bord fournit aussi des données, tirées de conclusions du Forum économique mondial et du World Justice Project, sur l’indépendance des systèmes de justice telle qu’elle est perçue.
Enfin, si le tableau de bord contient des comparaisons fondées sur certains indicateurs particuliers, son objectif n’est pas de présenter un classement global unique, ni de promouvoir un type de système de justice en particulier. De fait, il sera utilisé comme un outil respectant les différents systèmes et traditions juridiques des États membres.
La Commission européenne par du principe que des systèmes de justice effectifs sont indispensables à la croissance : lorsque les opérateurs économiques ont la conviction que règne l’État de droit, ils n’hésitent pas à investir dans l’économie. L’effectivité des systèmes de justice nationaux est tout aussi indispensable à la mise en œuvre effective du droit de l’UE, les juridictions nationales ayant notamment pour rôle essentiel de faire respecter celui-ci. Les dysfonctionnements des systèmes de justice nationaux ne constituent donc pas seulement un problème pour les États membres concernés. Ils peuvent aussi nuire au fonctionnement du marché unique européen, entraver la mise en œuvre des instruments juridiques de l’UE fondés sur la reconnaissance mutuelle et la coopération et amoindrir la protection que les citoyens et les entreprises peuvent légitimement attendre dans l’exercice des droits que leur confère le droit de l’Union.
L’édition 2013 du tableau de bord de la justice dans l’UE se concentre sur ceux des paramètres d’un système de justice qui contribuent à améliorer le climat pour les activités économiques et les investissements. Elle analyse en particulier des indicateurs d’efficacité pour les affaires civiles et commerciales, pertinents sous l’angle du règlement des litiges commerciaux. Les juridictions administratives sont également couvertes, parce qu’elles jouent un rôle important dans l’environnement des entreprises, par exemple lorsqu’il s’agit pour ces dernières d’obtenir une licence ou de régler un conflit avec leur administration fiscale ou leur organisme national de régulation.
Les principales conclusions de ce premier tableau de bord sont les suivantes :
Les problèmes mis en évidence par le tableau de bord de cette année seront pris en considération dans la préparation des analyses par pays qui seront prochainement conduites dans le cadre du semestre européen, lequel prévoit notamment un dialogue ouvert avec les États membres. Dans certains cas, ce processus pourrait conduire à l’adoption par la Commission, au mois de mai, de recommandations par pays, qui seraient ensuite soumises aux chefs d’État ou de gouvernement de l’UE pour approbation lors du Conseil européen du mois de juin. Les États membres seraient alors tenus d’intégrer ces orientations politiques dans leur législation, notamment leur budget annuel.
Sur la base du tableau de bord, la Commission invite à présent les États membres, le Parlement européen et toutes les autres parties prenantes à engager un dialogue franc, dans le contexte du semestre européen, sur la question de savoir comment continuer à améliorer les systèmes de justice nationaux dans l’UE. Lors de la réunion du Conseil Justice le 8 mars dernier, les ministres de la justice de l’UE ont déjà tenu un premier débat sur la contribution que des systèmes de justice efficaces pouvaient apporter à la croissance économique. La Commission entend également lancer un débat plus vaste sur le rôle de la justice dans l’UE, en organisant pour commencer, les 21 et 22 novembre prochains, les «Assises de la justice», qui prendront la forme d’une conférence de haut niveau.
En ce qui concerne le temps nécessaire pour résoudre les affaires non-criminelles en première instance, le Luxembourg affichait en 2010 une durée moyenne de 159 jours, et plus précisément de 200 jours pour les litiges civils et commerciaux et de 172 jours pour les affaires administratives. Ce chiffre se situe en-dessous de la moyenne européenne, qui est de l’ordre de 248 jours pour les affaires non-criminelles, mais reste toutefois un peu au-dessus de la médiane qui est de 147 jours. Quand on observe les graphiques publiés par la Commission, le Luxembourg ne se distingue donc pas particulièrement sur la durée de ses procédures en première instance.
En revanche, le Luxembourg affichait un taux d’affaires classées record de 165,3 %, ce qui signifie que le nombre d’affaires classées en matière non pénale dépasse celui des affaires entrantes, et témoigne donc d’une diminution du nombre d’affaires pendantes. Pour les litiges civils et commerciaux, le taux d’affaires classées en première instance était de 138,52 %, un taux record là-encore dans l’UE, et il était de 93 % pour les affaires administratives, une matière pour laquelle une dizaine d’Etats membres affichaient un meilleur score que le Luxembourg. En toute logique, le nombre d’affaires pendantes pour 100 habitants était parmi les plus bas au Luxembourg, par comparaison avec le reste de l’UE.
La Commission s’est aussi intéressée à l’utilisation des nouvelles technologies d’information et de communication pour réduire la longueur des procédures et faciliter l’accès à la justice. Si le Luxembourg dispose, comme la grande majorité des Etats membres, d’un bon système pour l’enregistrement et le suivi des affaires, il apparaît en revanche en queue de peloton pour ce qui est de la communication électronique entre juridictions et parties. Alors que 10 Etats membres offrent la possibilité de régler électroniquement tous les petits litiges, le Luxembourg compte parmi les quatorze pays qui n’offrent pas cette possibilité.
Le Luxembourg se distingue par les ressources qu’il alloue au fonctionnement de la justice, à savoir 137,7 euros par habitant, alors que le pays qui le suit dans le classement, à savoir l’Allemagne, n’atteint pas 100 euros par habitant.
Avec 36,7 juges pour 100 000 habitants, le Luxembourg se situe dans la moyenne haute, et il est en 4e position, derrière notamment la Slovénie qui fait ici figure d’exception avec 70 juges pour 100 000 habitants.
Pour ce qui est du nombre d’avocats pour 100 000 habitants, le Luxembourg est en première place, puisqu’ils sont 372, contre, à titre d’exemple, 50 en Suède ou en Lituanie, ce qui s’explique toutefois sans doute essentiellement par l’importance de la place financière et des grands cabinets d’affaires qui l’accompagnent dans son développement. On peut noter que la Grèce affiche une proportion presqu’aussi grande d’avocats, et qu’ils sont 350 pour 100 000 habitants en Italie.