La Commission européenne a approuvé le 12 mars 2013 le projet de mandat pour négocier avec les États-Unis un accord appelé "Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement", donnant ainsi le coup d’envoi à des négociations que la Commission européenne espère pouvoir boucler rapidement.
Le commissaire en charge du commerce, Karel De Gucht, s’est réjoui de ce court laps de temps écoulé entre la fin des travaux du Groupe de travail qu’il coprésidait avec le représentant américain au Commerce, Ron Kirk, et la validation du mandat de négociation. "Cela montre simplement à quel point la Commission est impliquée pour maintenir l’élan actuel", a-t-il dit, selon le communiqué de presse diffusé par la Commission européenne. "Nous pouvons maintenant nous retrousser les manches et nous atteler à la préparation des négociations.
Karel De Gucht espère que la poursuite du processus législatif suivra le même rythme que celui imprimé par la Commission européenne. Le lancement effectif des négociations reste suspendu à la validation du mandat par le Conseil. "J'espère que les Etats membres donneront leur aval très rapidement de manière à ce que les négociations puissent commencer avant l'été", a poursuivi le commissaire.
Le sujet sera à l’ordre du jour de la réunion informelle des ministres européens du Commerce à Dublin le 17 et le 18 avril, comme l’a expliqué le ministre irlandais du Commerce, Richard Burton, lequel en assume la présidence. Ce dernier se donne pour ambition d’obtenir un accord du Conseil avant la fin de la présidence irlandaise en juin. "[Cette dernière] a pour priorités la stabilité, la croissance et l’emploi. Un nouvel accord commercial a le potentiel pour créer une réelle stimulation de la croissance et de la création d’emplois, sans que les gouvernements aient besoin de faire de nouvelles dépenses", a-t-il déclaré.
Le Commissaire en charge du commerce, Karel de Gucht, entend par la suite boucler les négociations très rapidement. "Je ne crois pas que ces négociations vont prendre des années. Il faut réussir la percée sur un certain nombre de points sur le plan politique. Y arriver, ce n'est pas une affaire de temps. Il s'agit d'être décidé à y arriver", a-t-il estimé, en soulignant la volonté de Washington d'avancer également rapidement sur ce dossier.
"C’est simplement la nature humaine de penser que sa règlementation est la meilleure. Néanmoins, c’est l’heure pour chacun de nous, en tant qu’économies mûres, en tant que partenaires économiques mûrs, de nous regarder dans le miroir et de nous demander comme nous pouvons améliorer la manière dont nous travaillons ensemble pour que les entreprises et les gens des deux côtés de l’Atlantique en profitent", a-t-il encore dit, selon le Mémo de la Commission européenne.
Le commissaire avait eu l’occasion en février 2013 d’évoquer les points sur lesquels porteront les négociations. Il a rappelé que la convergence des normes et réglementations constituait le plus grand enjeu. En effet, 80 % du total des gains potentiels de richesse tirés de l’accord commercial proviendraient de la réduction des coûts liés aux démarches administratives et aux réglementations ainsi que de la libéralisation du commerce de services et des marchés publics.
En alignant leurs normes internes, les deux parties entendent par ailleurs établir une référence pour l’élaboration de règles mondiales, au sujet desquels les négociations sont actuellement au point mort.
Le 12 mars 2013, la Commission a également apporté de nouveaux arguments économiques en publiant une nouvelle étude sur les retombées d’un tel accord transatlantique. Commandée par la Direction générale du Commerce au Centre for Economic Policy Research à Londres (CEPR), elle " met en lumière les gains énormes qui pourraient être réalisés par une libéralisation du commerce entre l’UE et les USA, non seulement pour les blocs commerciaux mais aussi pour l’économie globale”, comme on le lit sur le site de la Commission européenne.
L’étude parie sur des retombées financières encore plus généreuses que ne l’avaient estimé la Commission européenne, le 13 février 2013, au moment de déclarer sa volonté de lancer les négociations. Il était alors question d’un gain annuel de 86 milliards d’euros pour l'UE et de 65 milliards pour les Etats-Unis.
Selon cette nouvelle étude, l’accord projeté rapporterait environ 119 milliards d'euros de plus par an à l'UE, "ce qui se traduirait par 545 euros supplémentaires par an pour une famille de quatre personnes". Le gain serait d'environ 95 milliards d'euros par an pour les Etats-Unis. A noter que 33 milliards d’euros de la somme des gains américains et européens seraient les retombées de l’essor de l’économie globale, tandis que les autres pays du monde empocheraient d’ailleurs 100 milliards d’euros du fait de l’accord entre les deux partenaires.
Les exportations européennes vers les Etats-Unis pourraient bondir de 28 %. En prenant en compte l’effet sur le commerce mondial, la somme de leurs exportations augmenterait de 6 % pour l’UE (soit 220 milliards d’euros en plus) et de 8 % (240 milliards d’euros) pour les USA. L'industrie automobile devrait en être de loin le premier secteur bénéficiaire. Ses exportations vers les Etats-Unis devraient plus que doubler (+ 149 %). Les exportations de produits métalliques (+ 12 %), d’aliments préparés (+ 9 %), des secteurs de la chimie (+ 9 %) et des biens manufacturés (+ 6 %) seraient aussi les secteurs gagnant le plus.
L’accord devrait aussi avoir des vertus pour le marché du travail, sans que des chiffres ne soient cependant indiqués. En 2008, 5 millions d’emplois européens dépendaient des exportations vers les USA. "La croissance de l’activité économique et de gains de productivités créés par l’accord bénéficieront aux marches du travail américain et européens, à la fois en termes de salaires moyens et de nouvelles opportunités d’emplois pour les travailleurs hautement et peu qualifiés ", lit-on dans le Mémo sur l’étude. L’accord occasionnera le changement d’un secteur à un autre "d’un relativement faible nombre de gens", estimé entre 0,2 et 0,5 % des travailleurs européens.
Concernant le développement durable, l’accord n’aurait que "des effets négligeables sur les émissions de CO2 et l’usage durable des ressources naturelles".
Karel De Gucht s’est montré rassurant concernant les sujets sensibles que sont l’agriculture, les OGM et la culture. La France est l’un des pays dont la réaction est la plus observée. Or, Paris avait dit être "favorable dans le principe" à un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, "mais dans le respect de la Politique agricole commune (PAC) et de l'exception culturelle française", a rappelé Karel De Gucht, assurant que pour "la Commission, la diversité culturelle est un atout et une valeur à défendre ".
La question des OGM est également très sensible. A ce sujet, Karel De Gucht a garanti qu’un tel accord "ne modifiera rien en ce qui concerne les OGM. "Il n'y aura aucun changement. Notre législation restera en place", a-t-il affirmé.
Selon les confidences faites, le 13 mars 2013, par un haut responsable français à l’agence de presse AFP, la France souhaite que l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis ne porte pas sur la culture d'OGM ou remette en cause l'exception culturelle. D’accord sur ce dernier sujet, trois commissaires auraient refusé de donner leur blanc-seing à Karel De Gucht.
S’exprimant le 12 mars 2013 devant son conseil des exportations, le président américain, Barack Obama, a expliqué pourquoi les chances de conclure un accord sont selon lui désormais plus grandes que par le passé. "Dans le passé, l'Union européenne, parce qu'elle doit coordonner un tel nombre de pays, a dû chercher le plus petit dénominateur commun", a –t-il dit, cité par l’agence de presse AFP. "Et certains pays dont le secteur agricole est très important ont eu tendance à bloquer à des moments cruciaux ce genre d'accords de grande ampleur qui seraient bons pour nous". "Ce qui a changé à mon avis, c'est que dans toute l'Europe, ils ont du mal à trouver la recette de la croissance en ce moment, en partie à cause des mesures d'austérité (et) en l'absence d'un volet commercial plus ambitieux", a-t-il fait savoir.
Même s’il reconnaît que les négociations seront difficiles et qu’il faudra à son pays accepter d’abandonner certains de ses avantages compétitifs, "rien ne garantit qu'en fin de compte, certains des pays qui ont résisté dans le passé ne le feront pas à nouveau, mais je pense que davantage de pays qu'auparavant vont faire pression pour y parvenir", a dit Barack Obama.