Les recommandations adressées au Luxembourg par la Commission européenne dans le cadre du semestre européen, et présentées par la vice-présidente de la Commission, Viviane Reding, le 29 mai 2013, ont déjà suscité plusieurs réactions.
Le ministre luxembourgeois de la Santé, Mars Di Bartolomeo, a ouvert la valse des commentaires sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg. Le ministre n’a pas apprécié que la Commission européenne demande une réforme plus ample du système de pensions et suggère de relever l’âge de départ à la retraite à 65 ans.
Mars Di Bartolomeo estime, au contraire, suffisant l’âge actuel de 60 ans si l'assuré peut justifier 40 ans d'assurance obligatoire ou assimilée, et il met en avant le caractère flexible et adapté de la réforme adoptée en 2012, rapporte RTL. Il critique le fait que la Commission mettrait trop en avant les aspects économiques, en déclarant que la part égale à 8,6 % de son PIB que le Luxembourg consacre aux seniors est trop élevé. "Quand les actifs vont bien, les pensionnés vont bien. Nous avons un très bon système de retraites et ce qui est important pour moi, à ce sujet, c’est qu’on nous dit ce qu’est le danger pour notre système de pension dans vingt ans ... mais que ceux qui nous disent cela ne réalisent pas, ne voient pas que chez nos voisins, il existe des systèmes de pension qui font tomber les gens âgés dans la pauvreté", objecte Mars Di Bartolomeo. "Cela signifie que c’est quelque chose de normal pour les observateurs, que des personnes âgées deviennent pauvres, alors qu’un système de pension généreux (…) est cloué au pilori régulièrement. Je trouve qu’il y a deux poids, deux mesures en la matière."
Dans son édition du 31 mai 2013, le Tageblatt recueille également l’avis de Mars Di Bartolomeo. Il y a notamment déclaré que la Commission européenne serait "à côté de la plaque" et cite l’Allemagne comme un des Etats membres à l’abri des critiques pour son système de retraites, malgré l’appauvrissement des pensionnés qu’on peut y observer.
Mars Di Bartolomeo a aussi rejeté les critiques émises par la Commission européenne sur les soins de longue durée. En la matière, les mesures justes ont été prises. "Nous n’avons pas besoin d’être réveillés par Bruxelles, nous nous sommes levés à l’heure tout seuls", a-t-il tonné.
Dans le titre de son communiqué de presse diffusé le 31 mai 2013, l’ADR emploie le terme dont se défend pourtant la Commissaire européenne, en réclamant que soit mis "fin au diktat de Madame Reding".
L’ADR estime que „la Commission européenne n’a pas toujours tort dans ses observations, mais [que] les problèmes abordés doivent être résolus au niveau national". L’ADR rappelle qu’il défend "une Europe des nations" et s’étonne de la tonalité de la réaction du ministre socialiste de la Santé, pourtant membre d’un parti qui, "comme tous les autres partis à l’exception de l’ADR", est favorable à une "Europe fédérale". L’ADR considère ainsi que "le gouvernement luxembourgeois devrait prendre exemple sur le chef d’Etat français, qui, directement après la publication des recommandations a affirmé : ‘La Commission européenne n’a pas à dicter ce que nous avons à faire’."
Il souligne ensuite que la Commission n’est pas élue pour lui contester le droit à prescrire des réformes. Le parti lui accorde toutefois de voir juste quand elle déclare le besoin d’un retour à une situation saine des finances publiques luxembourgeoises. Le levier se trouverait du côté des dépenses "comme le constate la Commission et comme le dit l’ADR depuis des années", lit-on dans le communiqué.
L’ADR donne aussi raison à la Commission européenne quand elle déclare que les mesures prises pour réformer les retraites sont insuffisantes pour consolider le système à long terme. Par contre, il estime "intolérable, que M. Barroso et ses amis s’impliquent activement pour qu’on travaille beaucoup plus longtemps pour une plus petite retraite", proposant d’augmenter l’âge de la retraite d’une seule année et de mettre en place un "ajustement dégressif".
Par contre, il est bien moins convaincu par la position de la Commission européenne sur une hausse de la TVA à laquelle il s’oppose. Une telle mesure toucherait chaque citoyen "et donc, avant tout les faibles socialement", alors que le pouvoir d’achat aurait sensiblement reculé ces dernières années, par la manipulation de l’indexation des salaires et la non adaptation du barème de l’impôt à l’inflation. L’ADR déplore donc que "selon MM. Juncker et Frieden, une telle hausse interviendra en 2015, et selon Madame Reding, l’application d’un taux de TVA réduit sera fortement limité."
Concernant l’indexation automatique des salaires, l’ADR estime que le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, en tant que défenseur du plafonnement de l’index, "peut certainement se réjouir de ce soutien de Bruxelles". L’ADR exige toutefois une discussion objective, qui repose sur des faits et des chiffres et „non sur des déclarations populistes“.
L’ADR juge que la reconnaissance de l’ampleur inquiétante du chômage des jeunes par la Commission européenne est tardive et que le constat du manque de qualifications de nombreux jeunes, "n’est pas une découverte". "Le lien entre le chômage des jeunes et le nivellement par le bas tel qu’il est pratiqué à l’école est évident", dit-il. Et, avec les réformes des enseignements fondamental et secondaire en cours, " le problème du chômage des jeunes sera aiguisé plutôt que résolu".
Enfin, pour ce qui est du tourisme à la pompe, il estime qu’ "y renoncer dans une période économiquement difficile serait irresponsable". Après la perte des recettes de la TVA sur le commerce électronique, "pourquoi creuser un trou encore plus profond ?", interroge l’ADR.
Dans son article paru le 31 mai 2013, le Tageblatt rapporte que Déi Gréng et le Parti démocratique „voient au contraire les recommandations européennes de manière plutôt positive". Ainsi, le président de la fraction DP à la Chambre, Claude Meisch, précisant que l’avis de Bruxelles ne contient rien de nouveau, estime que le programme luxembourgeois de réformes ne va pas assez loin, et qu’il y a lieu d’agir en termes de retraites, de compétitivité et de finances publiques.
Le chef de la fraction Déi Gréng, François Bausch, aurait souligné auprès du Tageblatt le besoin de lutter contre la lourdeur des procédures et celui de sécuriser durablement le système de retraites. De même, il a jugé que le gouvernement, dans ses prévisions, pronostique une croissance "trop optimiste".
Le Quotidien est pour sa part allé interroger le secrétaire général de l'OGBL, André Roeltgen. Concernant la recommandation visant à inscrire dans la loi budgétaire des contraintes en matière de dette et de dépenses et à désigner un organe de contrôle du respect de ces contraintes, le syndicaliste estime que "la Commission va trop loin". "Nous avons un Parlement national, des responsables politiques, et nous avons aussi une Cour des comptes! Tout ceci n'est qu'une orientation néolibérale des finances publiques", critique-t-il.
La Commission serait obnubilée par les dépenses et oublierait de s’intéresser aux recettes. "On poursuit une politique d'austérité, on ne regarde que les dépenses!", clame André Roeltgen. Certes, il y a la TVA, "et encore, Bruxelles s'inquiète juste de compenser la perte de TVA sur le commerce électronique en proposant d'appliquer un taux normal à plus de produits", rétorque le syndicaliste qui clame : "Ce que nous attendons, c'est une réforme complète de la fiscalité au Luxembourg mais la Commission ne fait aucune proposition dans ce sens" et donc ne prononce "pas un mot sur l'imposition du capital, l'impôt sur la fortune".
André Roeltgen déplore également le manque de concertation dans le cadre du semestre européen. Certes, son syndicat a rencontré le Premier ministre au cours de l'élaboration du programme de stabilité, mais son approche ne se retrouve pas pour autant dans le texte final. Il appelle en conséquence à une structuration du dialogue, dans lequel il verrait bien le Conseil économique et social "jouer un rôle prépondérant".