Le 5 juin 2013, la Lettonie a reçu le feu vert de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne pour son entrée dans la zone euro à partir du 1er janvier 2014. La recommandation doit être encore validée par les Vingt-Sept, lors d’un conseil ECOFIN au mois de juillet 2013. En amont, le Parlement européen, l’Eurogroupe et le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 devront s’être positionnés sur le sujet.
Le 5 mars 2013, le pays balte de deux millions d’habitants avait demandé la rédaction d’un rapport de convergence spécial en vue de son adhésion à l’euro. Le rapport de la Commission européenne passe en revue les performances économiques de la Lettonie au regard des cinq critères de convergence fixés par l’article 140 le traité sur le fonctionnement de l'UE, et repris du traité de Maastricht, d’une part, et de critères "additionnels", incluant les marchés financiers et de produits ainsi que le développement de la balance des paiements, mentionnés dans le même article.
L’adoption de l’euro par la Lettonie "souligne l’intégrité de l’euro et montre qu’une politique orientée vers la stabilité génère des résultats concrets et que les réformes économiques paient", a déclaré le commissaire européen en charge des Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, en annonçant la décision de la Commission.
A la fin de l’année 2008, la Lettonie, menacée de faillite, avait dû faire appel à l’aide financière de l’UE et du FMI. Elle aura finalement recouru à un emprunt de 4,5 milliards d’euros sur les 7,5 milliards qui avaient été mis à sa disposition. Le commissaire européen en charge des Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn a donc souligné le fait que "l’exemple de la Lettonie montre qu’un pays peut surmonter avec succès de grands déséquilibres macroéconomiques et en ressortir plus fort". "Après la profonde récession des années 2008/2009, la Lettonie a agi de manière déterminée et a pu, avec le soutien du programme d’aide financière de l’UE et du FMI, améliorer la flexibilité et la capacité d’adaptation de son économie au sein de la zone euro pour atteindre une croissance durable et équilibrée. Et cela a payé : la Lettonie aura vraisemblablement cette année l’économie qui croît le plus rapidement dans l’UE", a-t-il ajouté.
En ces périodes de turbulence de la zone euro, le commissaire Olli Rehn en a aussi profité pour souligner que le souhait émis par la Lettonie de rejoindre la zone euro était "la preuve de la confiance dans notre monnaie commune et une preuve supplémentaire que tous ceux qui prédisaient la désintégration de la zone euro avaient tort."
Le rapport constate que la Lettonie "remplit de manière convaincante les cinq critères de Maastricht", qui ont trait à l'inflation, aux finances publiques, aux taux d'intérêt, au taux de change, ainsi qu’à la législation.
En ce qui concerne l’inflation, la Lettonie a connu, durant les douze derniers mois, un taux de 1,3 %, inférieur à la limite de 2,7 % prescrite par les critères de Maastricht. Elle revient de loin puisqu’en 2008, son taux d’inflation avait atteint 15,3 %. En 2009 et 2010, l’ajustement des salaires et la correction des prix des importations avaient mené à deux années d’inflation négative, rappelle la Commission européenne dans son rapport. La baisse des prix de l’énergie et le vote de la baisse de la TVA en juillet 2012 expliquent le bon résultat des douze derniers mois. Ce taux devrait atteindre 2,1% en 2014, dans un contexte l’augmentation de la demande et de libéralisation du marché de l’électricité. La Commission européenne met en garde le pays sur la nécessité de contrôler cette inflation "par le développement durable de la demande intérieure et une politique financière prudente".
Après avoir enregistré un déficit égal à 8,2 % de son PIB en 2010, la Lettonie a terminé l’année 2012 avec un taux égal à 1,2 %, chiffre qui devrait stagner à ce niveau en 2013. Fin 2012, sa dette atteignait 40, 7 % du PIB. Le taux, à l’issue de l’année 2013 devrait être de 43,2 %, bien loin de la limite des 60 % admise pas les critères de Maastricht. La Commission demande, au vu de ce redressement, que le Conseil Ecofin abandonne la procédure concernant les déficits excessifs, lancée le 7 juillet 2009, sans quoi les critères d’adhésion ne seraient pas remplis.
Les taux d’intérêts à long terme, atteignant 3,8 %, sont également sous les 5,5 %. La Commission européenne y voit l’effet de la confiance des marchés regagnée par la Lettonie.
Pour ce qui est du taux de change, l’engagement est aussi tenu. La monnaie lettone participe au mécanisme de change européen (MCE II) depuis le 2 mai 2005, avec une marge de fluctuation autorisée de plus ou moins 1 % en vertu d’un engagement unilatéral pris par les autorités lettones. Or, au cours de la période de référence de deux ans, du 17 mai 2011 au 16 mai 2013, la monnaie est restée proche de son cours pivot.
Enfin, la législation lettone respecte l’ensemble des exigences relatives à l’indépendance de la banque centrale, à l’interdiction du financement monétaire et à l’intégration juridique dans l’Eurosystème.
La balance des paiements s’est fortement améliorée tout au long de la crise, ce à quoi l’augmentation de la compétitivité externe a participé. La balance externe a connu de larges déficits durant les années de boom économique pour retrouver un surplus d’environ 11 % du PIB en 2009, puis de 1% du PIB en 2012.
Concernant l’intégration sur le marché et la connectivité du marché du travail, la Lettonie est bien intégrée dans l’économie européenne et "attire un volume substantiel d’investissements directs étrangers", constate la Commission. Il y a également un haut degré de mobilité au sein du marché européen et une flexibilité substantielle "bien que l’inactivité structurelle soit élevée".
Concernant son secteur financier, la Lettonie a une longue tradition et des avantages compétitifs dans les services aux clients non-résidents, principalement des entreprises des pays de la Communauté des États indépendants (CEI), remarque la Commission. La supervision de ce secteur pose ainsi "des défis supplémentaires, en raison de la nature transfrontalière des transactions". Les banques qui possèdent ce modèle d’affaire doivent "garder une haute part de liquidité et sont sujettes à des exigences en fonds propres supplémentaires". L’enjeu est d’autant plus grand qu’en entrant dans la zone euro, la Lettonie deviendra aussi membre de l’Union bancaire, comme l’a souligné Olli Rehn. Ce dernier a notamment demandé l’adoption de règles anti-blanchiment en plus d’une surveillance précise des risques pour la stabilité financière. Néanmoins, avec un peu moins de 150 % du PIB, le volume d’affaire du système bancaire letton est moins disproportionné que celui de Chypre (800 %), a-t-il fait remarquer.
La Banque centrale européenne a également, en parallèle, établi son rapport sur la convergence. Elle semble plus circonspecte que la Commission européenne quant aux développements économiques futurs de la Lettonie. Constatant que la situation actuelle est bonne en termes de convergence, elle voit, en effet, dans sa "viabilité à plus long terme" une "source de préoccupation".
Pour cause, l’introduction de l’euro implique aussi la perte d’outils de gouvernance économiques. "La participation à une Union monétaire implique de renoncer aux instruments monétaires et de taux de change et accentue l’importance d’une flexibilité et d’une capacité de résistance internes", dit-elle dans un communiqué de presse diffusé le 5 juin 2013.
Elle recommande à la Lettonie de poursuive sur la voie d’un "assainissement budgétaire ambitieux". Elle doit également "pérenniser les gains de compétitivité acquis ces dernières années en évitant une nouvelle accentuation de la hausse des coûts unitaires de main-d’œuvre". Elle doit "améliorer la qualité de ses institutions et de sa gouvernance" mais aussi se doter "d’une panoplie d’outils complète pour faire face aux risques pesant sur la stabilité financière, notamment ceux liés à la dépendance d’une part significative du secteur bancaire vis-à-vis des dépôts des non-résidents comme source de financement.", dit encore la Banque centrale.
La BCE s’inquiète également pour l’inflation, rappelant que la hausse des prix à la consommation en Lettonie a été très volatile au cours des dix dernières années, se situant en moyenne annuelle entre -1,2 % et 15,3 %. "Cette situation reflète les périodes de contraction et d’expansion économique caractérisées ainsi que la forte volatilité macroéconomique que le pays a connues", dit-elle. "Les dernières prévisions disponibles tablent sur une accentuation de l’inflation, alors que la balance des risques entourant ces projections est orientée à la hausse pour les prochaines années"f, fait-elle encore observer. Ainsi, "fle maintien de faibles taux d’inflation en Lettonie s’avérera difficile à moyen terme. Le processus de rattrapage devrait creuser l’écart d’inflation entre la Lettonie et la zone euro à moyen terme.»