Les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis le 13 mai 2013 sous la présidence de Jeroen Dijsselbloem.
Premier point abordé pendant cet Eurogroupe, les prévisions de printemps publiées une dizaine de jours auparavant par la Commission européenne. La conclusion qu’en tirent les ministres est que les décisions prises pavent la voie vers un retour de la croissance et qu’il s’agit de poursuivre les stratégies de consolidation engagées. La nuance qui apparaît désormais dans ce mot d’ordre est qu’il convient de poursuivre des stratégies de consolidation différenciées et propices à la croissance, la flexibilité étant aussi de mise pour tenir compte de la situation des différents pays.
Les ministres des Finances ont ensuite fait le point sur les avancées faites dans différents pays bénéficiant de programmes d’aide et dans la mise en œuvre des programmes d’ajustement qui les accompagnent.
Les ministres ont ainsi été informés des résultats de la deuxième mission d’évaluation conduite dans le cadre du second programme d’aide à la Grèce, ainsi que de l’accord trouvé entre les autorités grecques et la Troïka sur l’actualisation du programme d’ajustement conditionnant ce plan d’aide. Jeroen Dijsselbloem n’a pas tari d’éloges, saluant les efforts immenses faits par la Grèce qui commencent à porter leurs fruits, avec des progrès en matière de finances publiques et de compétitivité. La Grèce s’est vue verser une tranche de 2,8 milliards d’euros début mai après qu’il a pu être constaté qu’elle avait bien rempli ses engagements pour le mois de mars. Pour la suite, l’Eurogroupe a pu constater que nombres de mesures prioritaires requises pour le versement de la prochaine tranche ont d’ores et déjà été mises en œuvre, bien que des efforts soient encore nécessaires en matière de collecte fiscale, de libéralisation du marché du travail et de réforme de l’administration publique. Les ministres ont toutefois donné leur feu vert pour finaliser les procédures nationales requises pour l’approbation de la prochaine tranche d’aide, qui s’élèvera à 7,5 milliards d’euros et dont le versement devrait se faire en deux fois : un premier versement de 4,2 milliards d’euros devrait être approuvé dans les prochains jours, et un second est prévu pour juin 2013, en fonction de la mise en œuvre des mesures prévues dans le programme d’ajustement.
En ce qui concerne le Portugal, les ministres ont pris acte des résultats de la septième mission d’évaluation réalisée par la troïka à Lisbonne, saluant l’accord qui a pu être trouvé avec les autorités portugaises sur les mesures qui vont compenser celles qu’avait retoquées le Conseil constitutionnel. "Le programme continue d’être sur les rails", a assuré Olli Rehn. L’EFSF se tient par conséquent prêt à verser une nouvelle tranche d’aide de 2,1 milliards d’euros, tandis que la décision d’allonger la maturité des prêts accordés au Portugal devrait aussi être formalisée prochainement.
Les ministres ont aussi fait le point sur le programme d’aide à Chypre, un premier versement d’un montant de 2 milliards d’euros ayant été effectué le jour même par l’ESM. Chypre a en effet mis en œuvre toutes les mesures prioritaires requises dans le programme d’ajustement, tandis que l’audit des mesures anti-blanchiment demandé par un certain nombre de pays a lui aussi été effectué. Les recommandations qui ressortent de cet audit vont être intégrées dans le plan d’actions que les autorités chypriote vont devoir mettre en œuvre en vertu de leur accord avec la troïka.
A l’ordre du jour, les ministres des finances avaient aussi une discussion sur la situation de deux pays soumis à une procédure de déficit macro-économique, à savoir l’Espagne et la Slovénie. La Commission est en train d’analyser les programmes de réforme et les programmes de stabilité et de croissance tout juste soumis dans le cadre du semestre européen et livrera le fruit de son évaluation en même temps que ses recommandations par pays le 29 mai prochain.
En attendant cette date importante pour l’ensemble de l’UE, dans le cas de l’Espagne le message de l’Eurogroupe était une invitation à tenir le rythme des réformes.
Pour la Slovénie en revanche, l’invitation à agir vite pour faire face aux déséquilibres macro-économiques a semblé plus pressante. Le ministre des Finances slovène Uros Cufer était venu présenter les priorités de son gouvernement. "Un des principaux défis est de réparer son secteur bancaire", a précisé Olli Rehn, pour qui "il n'y a pas de temps à perdre". Face aux besoins de financement du secteur bancaire slovène, les autorités devraient en effet injecter 1,3 milliard d'euros dans les banques publiques, ce qui aura pour conséquence le creusement du déficit public à 7,8 % du PIB en 2013, contre 3,7 % en 2012. Mais la prudence est toutefois restée de mise sur fond de rumeurs portant sur l’éventualité d’une demande d’aide slovène. "Il est trop tôt pour dire si le programme présenté par la Slovénie est suffisamment crédible pour que le pays puisse faire face aux défis" auxquels il est confronté, ainsi conclu Olli Rehn en rappelant que le 29 mai, la Commission pourra dire "si Ljubljana doit en faire plus".
Enfin, les ministres des Finances ont poursuivi les discussions sur la mise en place d’une Union bancaire. Ce fut en effet l’occasion de faire un état des lieux global des réformes en cours et à venir en analysant l’interdépendance entre les différents éléments qui constituent ce grand projet d’union bancaire. Au-delà du Mécanisme de supervision unique (MSU) qui a fait l’objet d’un premier accord qui devrait être confirmé prochainement par le Parlement européen, il y a en effet la question de possibilité pour l’ESM de recapitaliser directement les banques, un sujet sur lequel Jeroen Dijsselbloem a bon espoir de parvenir à un accord lors de l’Eurogroupe de juin prochain.
Mais il y a surtout la question de la mise en place d’un mécanisme de résolution qui devrait faire l’objet d’une proposition législative de la Commission prochainement. Ce mécanisme de résolution est censé superviser de manière ordonnée le démantèlement des banques en faillite. Un des grands enjeux de la discussion est de savoir sur quelle base légale va s’appuyer ce texte, et la Commission est en train de procéder à une analyse juridique détaillée avant de formuler une proposition.
L’enjeu est de taille comme l’a montré l’offensive conduite par le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, qui a plaidé pour mettre en place un mécanisme de résolution bancaire en deux temps dans la mesure où, selon lui, les traités "ne suffisent pas à ancrer de manière indéfectible une autorité centrale forte de résolution". En attendant de pouvoir réaliser les changements de traité nécessaires, ce qui "prend du temps", le ministre allemand propose de s'appuyer sur "un réseau d'autorités nationales", et d'utiliser les fonds que certains pays, dont l'Allemagne, ont déjà mis en place pour venir en aide aux banques en difficultés. "Ce serait une union bancaire à la charpente en bois, pas en acier", reconnaît le ministre, "mais cela laisserait le temps de créer la base légale pour notre objectif à long terme, une véritable union bancaire européenne supranationale".
Son point de vue ne fait pas l’unanimité, ainsi son homologue français a-t-il par exemple indiqué que, de son point de vue, un changement de traité n’est pas nécessaire, mais qu’il convient "d'aller aussi loin que possible sans changement de traité". Le président de l’Eurogroupe est allé dans le même sens, plaidant lui aussi pour "aller aussi loin que possible, aussi vite que possible". Pour la Commission aussi, "tous les éléments de l'union bancaire sur lesquels nous nous sommes mis d'accord peuvent être décidés sur la base des traités actuels".
Pour Luc Frieden, qui représentait le Luxembourg dans les discussions, le fait d'"attendre la révision des traités ne semble pas être la bonne voie à suivre. Ce qu'il craint, c'est que l'on introduise la supervision au niveau européen, mais que s'il y a un problème, ce soit quand même aux Etats de payer. Selon lui, "tout cela doit évoluer en même temps", à savoir la supervision, les restructurations et la garantie des dépôts.