Le 12 juin 2013, les députés européens ont pris leur décision finale sur la structure du régime commun d'asile après qu’elles ont fait l'objet d'un accord informel entre les représentants du Parlement et du Conseil.
Le nouveau système, qui doit entrer en vigueur à partir du second semestre de 2015, fixe des procédures et des délais communs pour le traitement des demandes, créera un ensemble de droits à minima pour les demandeurs d'asile qui arrivent dans l'UE et mettra fin aux transferts de demandeurs d'asile vers les États membres qui ont des difficultés à gérer les flux. Quelque 330 000 demandeurs d'asile ont été enregistrés dans les pays de l'Union en 2012.
La nouvelle structure du régime commun européen d’asile vise à mettre en place une procédure d’asile unifiée pour assurer l’égalité de traitement dans tous les Etats membres. Alors qu'il s'étend parfois sur plusieurs mois, le délai d'enregistrement du dossier sera par exemple limité à trois ou six jours. L'examen de la demande ne devra pas durer plus de six mois sauf circonstances particulières où il pourra être étendu jusqu'à 21 mois.
Le législateur a prévu également une harmonisation des règles en matière de logement, d'allocation de subsistance et de santé. L'accès au marché du travail sera autorisé après neuf mois, et non plus douze, de présence sur le territoire. Les personnes en situation de vulnérabilité, comme les femmes enceintes, les mineurs et les victimes de torture, devront être identifiées et faire l'objet de propositions adaptées à leurs besoins.
Le nouveau système expose également les raisons de détention (vérifier l’identité, se prononcer sur le droit d’entrée sur le territoire de l’Etat membre, etc.) et décrit les droits des demandeurs d’asile durant leur détention. Des mineurs pourront être ainsi détenus dans des "circonstances exceptionnelles". La détention, qui est une mesure coercitive, devra néanmoins être limitée à des cas particuliers et assortie de garanties.
En cas de recours, le droit à rester sur le territoire est introduit. En cas de doute sur l'âge d'un jeune isolé, ce dernier sera réputé mineur. Les moins de 18 ans se verront attribuer un représentant pour les accompagner dans leurs démarches. Les personnes ayant besoin d'une aide particulière (orientation sexuelle, handicap, maladie, etc.) disposeront de plus de temps pour exposer leur requête.
Les députés européens ont par ailleurs établi par une réforme de Dublin 2, donc des règles qui déterminent quel pays est responsable du traitement d’une demande d’asile, généralement le pays de la première entrée sur le territoire de l’Union européenne. Conformément aux nouvelles règles, les demandeurs d'asile ne seront pas transférés dans des pays de l'UE où existe un risque de traitement inhumain ou dégradant. Ces règles introduiront également un système d'alerte précoce afin de contribuer à lutter contre les problèmes qui apparaissent dans les systèmes d'asile nationaux avant qu'ils ne se transforment en crise.
Les empreintes digitales des demandeurs d’asile seront contenues dans la base de données Eurodac, afin d’aider à déterminer s’ils n’ont pas déjà demandé asile dans un autre pays de l’Union européenne. Les forces de police des États membres et Europol auront accès aux empreintes digitales des demandeurs d'asile, contenues dans la base de données Eurodac, afin de contribuer à la lutte contre le terrorisme et les crimes graves. Cette partie du paquet, qui passait en première lecture, a été voté avec une large majorité. Claude Turmes a été ici le seul parmi les députés luxembourgeois à s’opposer au texte.
L'accord entre le Parlement et le Conseil définit un ensemble de normes pour l’accueil et le traitement des demandeurs d’asile. La nouvelle législation modifie la directive actuelle qui date de 2003.
Conformément au texte conclu, un demandeur d'asile pourrait seulement être placé en rétention pour un nombre limité de motifs, à savoir pour vérifier son identité, pour contrôler les éléments de sa demande, pour décider de son droit d'entrer sur le territoire d'un État membre, pour protéger la sécurité nationale et l'ordre public, pour préparer son retour vers son pays d'origine, ou dans le cadre d'un transfert vers un autre pays de l'UE.
La directive de 2003 ne mentionnait aucun motif de rétention, laissant les États membres libres de décider.
En règle générale, si un demandeur d'asile est placé en rétention, il devra être envoyé dans un centre spécialisé. Toutefois, si un pays de l'UE ne peut assurer un hébergement dans l'un de ces centres et se voit contraint de placer le demandeur d'asile en prison, celui-ci devrait être retenu séparément des prisonniers ordinaires et avoir accès à l'air libre. Par ailleurs, les demandeurs d'asile retenus obtiendront des informations expliquant, dans une langue qu'ils comprennent "ou dont on peut raisonnablement supposer qu'ils la comprennent", leurs droits et obligations.
Les mineurs d'âge pourront uniquement être placés en rétention en dernier ressort et pendant une période aussi courte que possible. Tous les efforts devront être déployés pour les relâcher et les placer dans des centres plus adaptés. Les mineurs non-accompagnés ne pourraient être placés en rétention que dans des "circonstances exceptionnelles" et ne pourront être placés en prison. Ils devront être logés dans des centres disposant de personnel et de facilités adaptés à leurs besoins et seront également séparés des adultes.
Un demandeur d'asile aura le droit de commencer à chercher un emploi dans l'État membre qui l'accueille au plus tard neuf mois à compter de l'introduction d'une demande de protection internationale. Actuellement, un demandeur d'asile peut commencer à chercher un emploi sur le marché du travail national un an après avoir déposé une demande.
Après l'arrivée d'un demandeur d'asile, les États membres devront évaluer si cette personne nécessite une attention particulière, telle une aide médicale ou psychologique.
En raison des disparités entre les procédures d'asile des différents États membres de l'UE, la probabilité qu'un demandeur d'asile obtienne une protection internationale dépend en partie de l'État membre dans lequel il introduit sa demande. Afin de réduire ces différences, le Parlement et le Conseil ont convenu de réviser la directive de 2005 sur les procédures d'asile et d'harmoniser les garanties procédurales.
Les députés ont introduit des règles plus strictes sur la formation de l'ensemble du personnel en contact avec les demandeurs d'asile, comme les services de police et les autorités responsables de l'immigration. Des lignes directrices sur la formation du personnel élaborées par le Bureau européen d'appui en matière d'asile feront partie des nouvelles règles. Par exemple, les personnes menant les entretiens seront formées pour reconnaître les signes d'éventuels actes de torture passés.
Un nouveau mécanisme d'identification obligatoire est prévu afin d'assurer que les besoins spécifiques des demandeurs d'asile (par exemple en raison de leur âge, leur sexe, leur orientation sexuelle, leur handicap ou leur maladie) soient reconnus et que ces personnes disposent d'un délai suffisant et d'un soutien adéquat pour préparer leur dossier, en particulier l'entretien individuel.
Pour les mineurs non-accompagnés, les autorités nationales seront tenues de désigner un représentant, dont le rôle et les pouvoirs sont désormais spécifiés. Par ailleurs, les pays de l'UE pourront uniquement appliquer des procédures accélérées ou aux frontières dans des cas spécifiques qui seront soumis à des dispositions rigoureuses. Si après un examen médical, des doutes existent sur l'âge exact du demandeur, les États membres devront partir du principe qu'il s’agit d’un mineur.
En cas de recours contre une décision en matière d'asile, les demandeurs doivent pouvoir obtenir une aide et des informations juridiques gratuites et à la demande, conformément aux nouvelles règles. Selon des conditions strictes, les autorités nationales peuvent refuser de fournir de tels services lorsqu'il n'y a "aucune perspective tangible d'aboutissement" d'un tel recours. Le conseil juridique aura accès aux zones réservées, telles que les lieux de rétention ou les zones de transit.
À l'heure actuelle, le droit européen n'impose aucun délai explicite aux États membres pour rendre leur décision sur une demande d'asile. Selon les nouvelles règles, les pays de l'UE disposeront d'un délai standard de six mois. Ils pourront uniquement reporter leur décision de neuf mois supplémentaires dans trois cas limités et désormais bien définis.
Les États membres pourront également prolonger ce délai en cas de situation temporairement incertaine dans le pays d'origine (par exemple la situation actuelle en Syrie). Les députés ont veillé à ce que, dans de tels cas, les autorités nationales soient contraintes de revoir la situation au minimum tous les six mois. Quoi qu'il en soit, les États membres disposeront au maximum de 21 mois pour examiner une demande d'asile.
Les changements mettront également à jour le règlement de Dublin de 2003, qui fixe les critères déterminant quel État membre est responsable du traitement d'une demande d'asile. Cette mise à jour est nécessaire pour empêcher les demandeurs d'asile d'introduire des demandes multiples dans différents pays.
Le règlement vise également à garantir que les demandeurs d'asile ne soient pas envoyés d'un État à l'autre, sans qu'aucun n'en assume la responsabilité. De manière générale, le pays responsable est celui dans lequel le demandeur d'asile est entré pour la première fois dans l'UE.
L'accord empêchera de transférer des demandeurs d'asile vers des États membres "où il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile (...) impliquant un traitement inhumain ou dégradant", conformément aux décisions rendues par la Cour de justice de l'UE et la Cour européenne des droits de l’homme.
Les nouvelles règles introduisent un mécanisme d'alerte précoce et de gestion des crises, afin de prévenir les dysfonctionnements dans les systèmes nationaux d'asile, ou les problèmes liés à des pressions spécifiques, avant qu'ils ne se transforment en véritables crises. Ce mécanisme s'attaquera également aux crises de manière rapide, en exigeant que l'État membre concerné mette en place un plan de gestion de crises dans un délai de trois mois. La Commission européenne et le Bureau européen d'appui en matière d'asile contrôleront l'exécution du plan.
L'accord protège davantage les demandeurs d'asile, notamment grâce au droit à un entretien individuel afin de contribuer à déterminer quel État membre est responsable de l'examen de la demande. En outre, les pays de l'UE seront contraints de fournir une aide judiciaire gratuite sur demande dans le cas d'une révision d'une décision de transfert, à moins qu'un tribunal n'estime qu'aucune perspective tangible d'aboutissement d'un tel recours existe.
Les États membres devront également fournir aux demandeurs d'asile davantage d'informations sur leurs droits. Les mineurs non-accompagnés, sans parents dans l'UE, obtiendront le droit d'être réunis avec leurs grands-parents, leurs frères ou sœurs, ou leurs tantes et oncles vivant dans l'Union. Le texte conclu permettra également aux mineurs mariés, dont l'époux ou l'épouse n'est pas présent légalement dans l'UE, d'être réunis avec leurs parents ou d'autres adultes légalement responsables.
Les demandeurs d'asile auront le droit d'introduire un recours contre une décision de transfert vers un autre État membre de l'UE. Ils auront, par ailleurs, le droit de demander à rester dans l'État membre où ils se trouvent, en attendant l'issue du recours. Ainsi, le transfert pourrait être temporairement suspendu par la décision d'un tribunal national. Si une telle décision est prise, le demandeur d'asile aura le droit de rester dans le même pays.
Eurodac stocke les empreintes digitales des demandeurs d'asile âgés de plus de 14 ans. Depuis 2003, cette base de données a été utilisée pour déterminer, conformément au règlement de Dublin, quel État membre est responsable du traitement d'une demande d'asile.
Afin de répondre aux inquiétudes concernant la protection des données et de contribuer à la lutte contre le terrorisme et les crimes graves, la Commission européenne a proposé, en mai 2012, de permettre aux forces de police nationales et à Europol de comparer les empreintes digitales liées aux enquêtes criminelles avec celles d'Eurodac.
Les députés se sont prononcés pour autoriser l'accès des services de police à Eurodac. Toutefois, ils ont introduit des dispositions en matière de protection des données ainsi que de nouvelles sauvegardes pour garantir que les données soient seulement utilisées à des fins de lutte contre le terrorisme et les crimes graves. L'accès par les forces de police est uniquement possible si "l’intérêt supérieur de la sécurité publique" fait de la demande d’effectuer des recherches dans la base de données une demande proportionnée.
L'accès des services de police à Eurodac ne menacera pas le droit des demandeurs d'asile au traitement correct de leur demande de protection internationale, affirme le texte conclu. Les forces de police pourront demander une comparaison des données dactyloscopiques avec celles conservées dans Eurodac (à moins qu'il y ait des raisons de croire qu'une telle comparaison ne sera pas pertinente), mais uniquement après avoir contrôlé leurs propres bases de données nationales et celles de tous les autres États membres de l'UE ainsi que le système d'information sur les visas.