Le 10 juillet 2013, la Chambre des députés a adopté à une quasi-unanimité (58 voix pour et une abstention, celle de Jean Colombera) le projet de loi 6471 qui a notamment pour objet la transposition en droit luxembourgeois de la directive AIFM.
La directive AIFM, qui a fait l’objet de longues négociations au niveau du Parlement européen et du Conseil, a pour objectif de créer dans l’UE un cadre légal harmonisé régissant l'agrément et la surveillance des gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs. Elle vise à encadrer la gestion des organismes de placement collectif autres que les OPCVM, qui sont actuellement réglementés par la directive UCITS IV. Le secteur des fonds d'investissement alternatifs, qui joue un rôle important dans le financement de l'économie européenne, regroupe des acteurs et des produits très différents, tels que les fonds de type private equity, les hedge funds ou encore les fonds immobiliers.
La directive pose un ensemble de règles qui portent plus particulièrement sur les conditions d'agrément des gestionnaires, les exigences organisationnelles, les exigences de fonds propres, les exigences en matière de gestion de liquidité et de risques, de délégation, de divulgation d'informations et de limitation de l'effet de levier.
La directive contient par ailleurs des dispositions applicables aux dépositaires de fonds d'investissement alternatifs en précisant leur rôle et leurs responsabilités.
La directive introduit également des règles visant à assurer une évaluation appropriée et indépendante des actifs des fonds d'investissement alternatifs.
En contrepartie, les gestionnaires se voient offrir de nouvelles opportunités à travers un passeport européen qui leur permet de prester leurs services de gestion et de distribuer leurs fonds auprès d'investisseurs professionnels dans tous les Etats membres de l'UE.
La directive introduit encore des règles spécifiques applicables aux gestionnaires et aux fonds d'investissement alternatifs établis en dehors de l'Union européenne. Ainsi, la directive prévoit le bénéfice du passeport européen pour les fonds établis en dehors de l'Union européenne, de même que la possibilité pour les gestionnaires établis en dehors de l'Union européenne d'être agréés suivant certaines conditions conformément à ladite directive.
Le gouvernement luxembourgeois, soucieux de transposer vite un texte déterminant pour l’avenir de sa place financière qui fait figure de leader dans l’UE en matière d’industrie des fonds d’investissements, avait déposé dès le mois d’août 2012 un projet de loi très complet qui transposait la directive et allait même bien au-delà en apportant tout un ensemble de modifications aux lois sectorielles encadrant le secteur des fonds d’investissement.
Il aura fallu toutefois attendre que la Commission mette sur la table les actes délégués précisant les modalités d’exécution de cette directive qui doit entrer en vigueur dans l’UE le 22 juillet 2013 pour que puisse avancer le processus législatif engagé, et ces textes ont été publiés au mois de décembre 2012.
Le rapporteur, Gilles Roth (CSV), a ainsi pu être nommé le 22 avril 2013, après que la Chambre de Commerce et le Conseil d’Etat eurent rendu leurs avis.
Lors du très bref débat qui a précédé l’adoption de ce projet de loi en séance publique, Gilles Roth a rappelé que la directive allait permettre une meilleure protection des investisseurs du fait d’une transparence accrue dans la gestion de ce type de fonds d’investissement, tout en offrant de grandes opportunités grâce à l’établissement de passeports pour les gestionnaires respectant les nouvelles règles introduites. Pour autant, pour le député, ce nouveau texte représente une évolution, mais pas une révolution. La transposition de la directive représente en effet un défi pour la place – les professionnels du secteur n’ont pas manqué de souligner la charge administrative supplémentaire qu’allait induire en effet les nouvelles règles pour les gestionnaires de fonds -, mais aussi une nouvelle opportunité sur un marché des fonds alternatifs aujourd’hui fragmenté faute d’un cadre législatif européen.
Pour le Luxembourg, qui est le numéro un en matière de fonds d’investissement dans l’UE, et le numéro deux dans le monde, derrière les Etats-Unis, l’enjeu était aux yeux du rapporteur de faire de ce projet de loi une clef pour se positionner en pointe dans le développement de ce secteur des fonds alternatifs.
Une ambition largement partagée par Claude Meisch (DP) qui a insisté sur la nécessité d’avancer vite et de façon pragmatique sur ce dossier, de façon à ce que le Luxembourg soit une locomotive, ou, à défaut, au moins un des premiers wagons dans la transposition de cette directive. Ce qui explique le choix des libéraux de soutenir ce texte bien que la variante choisie sur la question de la fiscalité appliquée aux gestionnaires de ces fonds ne soit pas celle qu’aurait préféré le secteur.
François Bausch (déi gréng) préfère pour sa part que ce régime spécial soit inscrit dans la loi plutôt qu’introduit ultérieurement par voie d’une circulaire, même si la multiplication des régimes spéciaux appliqués aux revenus professionnels pose selon lui la question de la justice fiscale. S’il appelle de ses vœux un débat sur cette question dans le cadre d’une discussion plus large sur le système fiscal luxembourgeois, le député écologiste a toutefois remercié le rapporteur pour son travail et assuré lui aussi du soutien de sa fraction au projet de loi.
Pour Luc Frieden, c’est un nouveau chapitre de l’avenir de la place financière luxembourgeoise qui est écrit avec ce projet de loi, et le ministre s’est réjoui de voir le très large soutien accordé à ce texte qui s’inscrit dans le cadre des changements structurels qui sont en cours sur toutes les places financières. Il a souligné l’importance d’avoir dans ce contexte une stratégie pour le développement de la place financière.
A ce titre, l’industrie des fonds, dans lequel le Luxembourg joue un rôle de leader, est un des piliers sur lesquels il entend poursuivre la diversification d’une place internationale et de bonne renommée. Et, dans le cadre de la mise en place des cadres réglementaires visant les OPCVM et les fonds alternatifs, plus spécialisés et qui ciblent des investisseurs avertis, il importe pour le ministre de veiller à garder cette position. Son ambition est en effet de faire du Luxembourg la porte d’entrée des fonds alternatifs internationaux vers la zone euro.
Ce qui explique que le gouvernement a choisi de ne pas se contenter de transposer la directive, mais d’aller au-delà et de faire mieux.
Aussi, si le Luxembourg n’a pas réussi à être le premier pays de l’UE à transposer le texte – l’Allemagne l’a en effet déjà transposé -, il s’affiche toutefois en deuxième position, devant des pays comme l’Irlande et le Royaume-Uni, qui sont eux aussi bien positionnés sur le marché des fonds alternatifs.
La transposition aura été l’occasion pour le gouvernement de créer une nouvelle forme de société, à savoir les sociétés en commandite spéciale sans personnalité juridique, une nouveauté qui va permettre d’offrir aux promoteurs de fonds alternatifs "une juridiction unique pour la localisation tant de leurs fonds que de leurs structures de détention des investissements". Une façon pour le Luxembourg d’accroître sa compétitivité par rapport à d’autres juridictions de l’UE, dans la mesure où l’industrie des fonds d’investissement considère ce type de société comme la structure la plus à même de répondre aux attentes du marché.
Autre spécificité du projet de loi transposant la directive AIFM, l’introduction d’un régime fiscal spécial qui va s’appliquer de façon temporaire, c’est-à-dire sur cinq ans, aux gestionnaires de fonds. L’objectif affiché par le ministre est d’attirer les gestionnaires de fonds à Luxembourg en leur offrant un taux réduit d’imposition sur l’intéressement aux plus-values, qui représente, à côté de leur salaire, une part importante de leur rémunération, si toutefois le produit qu’ils mettent sur pied se montre performant. "Dans une économie ouverte, il faut être attractif", a martelé le ministre en réponse aux doutes exprimés. Mais il s’est aussi dit prêt à adapter cette disposition à l’avenir, si le besoin devait s’en faire sentir, à la lumière de l’expérience.