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Commerce extérieur
La Commission européenne et la Chine se sont entendues sur un prix minimum de vente des panneaux solaires chinois importés en Europe et vont limiter leur volume d’importation à 70 % du marché européen
29-07-2013


comm-panneaux-guchtLe 26 juillet 2013, le commissaire européen en charge du commerce, Karel de Gucht, a annoncé la conclusion d'un "accord amiable" avec la Chine au sujet de l’importation en Europe de panneaux photovoltaïques chinois. Cet accord valable jusqu’à fin 2015, que devrait confirmer la Commission européenne le 2 août 2013, doit mettre fin au conflit commercial qui oppose l’Union européenne et la Chine, suite à l’adoption par la Commission européenne le 4 juin 2013, d’un règlement instituant  un droit antidumping provisoire sur les importations de panneaux solaires, de cellules et de wafers en provenance de la Chine.

A la suite d’une enquête ouverte en septembre 2012, la Commission européenne avait constaté que certaines sociétés chinoises vendaient des panneaux solaires en Europe à des prix nettement inférieurs à leur valeur marchande normale, au détriment des fabricants de panneaux solaires de l’Union européenne. À leur juste valeur, les panneaux solaires chinois auraient dû être vendus en Europe à un prix supérieur de 88 % à celui facturé en réalité. Cette concurrence mettait en danger au moins 25 000 emplois.

La Commission européenne avait décidé d’introduire des droits de douane, à hauteur de 11,8 % pendant les deux mois suivant le 4 juin 2013, puis de 47,6 % pendant les quatre mois suivants afin de protéger l’industrie européenne. Karel de Gucht avait alors annoncé que cette mesure "permettra à nos marchés de s’adapter en douceur et constitue une offre unique adressée à nos partenaires chinois pour les encourager très clairement à négocier."

L'"accord à l’amiable", auquel prennent part 70% des fabricants chinois de panneaux solaires, prévoit que ces derniers s'engagent à respecter un prix plancher de vente, égal à 56 cents par watt produit par le panneau exporté, et plafonne à 7 gigawatts le volume de panneaux qu’ils peuvent exporter vers l’Europe. Ce volume correspond à 70 % du marché européen dont la capacité est estimée à 11 gigawatts. Il constituerait une réduction de la part de marché occupée par les producteurs chinois, aujourd’hui égale à 80 %.

"Cet accord aura pour effet que l’industrie européenne aura l’espace pour regagner la part de marché qu’elle détenait auparavant", a dit le commissaire en charge du Commerce, Karel de Gucht, selon une déclaration publiée le 29 juillet 2013.

Le commissaire a souligné également que les producteurs européens vont devoir être plus compétitifs. Car, sur les 30 % restants du marché européen, qui ne sont pas dévolus aux produits chinois, ils devront faire face aux constructeurs japonais, sud-coréens et malaisiens… mais aussi aux 30 % de producteurs chinois qui ne participent pas à l’accord conclu avec la Commission européenne et qui devront sur ce segment de marché s’acquitter de droits anti-dumping maintenus à 47,6 %. "Vous devez entrer en concurrence avec le reste du monde", a dit Karel de Gucht à l’adresse des fabricants européens.

"Dans les négociations avec la contrepartie chinoise, j’ai gardé ces deux objectifs en tête : comment supprimer le préjudice fait à l’industrie européenne par le dumping illégal, et en même temps, assurer que les consommateurs et utilisateurs bénéficient d’approvisionnement à bon marché de panneaux solaires", a par ailleurs expliqué Karel de Gucht, lors d’une conférence de presse tenue le 29 juillet 2013. "D’un côté, nous ne pouvons pas accepter une situation dans laquelle le dumping chinois détruirait l’industrie solaire européenne. De l’autre, nous n’étions pas intéressés par une solution qui mènerait à une pénurie d’approvisionnement en Europe  et des effets extrêmement négatifs sur l’industrie en aval et les consommateurs", a-t-il dit renvoyant aux objectifs européens ambitieux de réduction des émissions des effets de serre.

EU ProSun dénonce un accord contraire  au droit européen

logo-prosunL'organisation sectorielle EU ProSun, qui représente plus de 25 % de la production européenne de panneaux photovoltaïques, est à l’origine de la plainte, déposée le 25 juillet 2012, qui avait déclenché l’enquête de la Commission européenne et le recours aux instruments de défense anti-dumping. Elle a réagi par deux fois, et avec véhémence, à la conclusion de cet accord.

D’abord, le 27 juillet 2013, elle annonçait son intention de dénoncer l’accord devant la Cour de justice de l’Union européenne. Son président, Milan Nitzschke, l’estime en effet "contraire en tout point au droit européen". "[Il] met en danger l’existence de l’industrie solaire européenne, qui déjà perdu 15 000 emplois en raison du dumping chinois et de subsides illégaux de l’Etat chinois et qui risque désormais de perdre les producteurs européens restants", dit-il.

Selon EU ProSun, la règlementation antidumping, à travers le règlement 1225/2009, prévoit que "la suspension de droits anti dumping par la définition d’un prix plancher n’est permise que si le prix minimum est apte à supprimer le préjudice causé par le dumping à l’industrie européenne". Or, le prix fixé serait le prix de dumping chinois actuel, de telle sorte que les 70 % de parts de marché auxquels les panneaux peuvent être vendus à ce prix constitueraient "une garantie de ventes à ce niveau pour la Chine et une autorisation à vendre à des prix de dumping". "Si la Commission européenne elle-même viole désormais la législation européenne, cela nuit à l’ensemble des instruments de défense du commerce européen et fait de l’industrie européenne une proie facile pour des pratiques commerciales illégales par les fabricants étrangers", a commenté EU ProSun.

A l’issue de la conférence de presse de Karel de Gucht, le 29 juillet 2013, EU ProSun a répliqué en déclarant que la Commission européenne argumentait avec de "fausses données". "Il est particulièrement absurde que la Commission européenne prétende que les producteurs européens ne pourraient pas approvisionner davantage le marché européen. Dans le règlement du 4 juin 2013, la Commission estimait elle-même la capacité de production des fabricants européens à 9,74 gigawatts." La production moyenne annuelle était jadis de 4 gigawatts et a chuté de 50 % en raison du dumping chinois, rappelle l’organisation.

Les producteurs allemands fabriquent en moyenne un tiers plus cher (77 centimes par watt) que le prix fixé dans l’accord avec les producteurs chinois, comme l’a rapporté le Börsen Zeitung le 30 juillet 2013. L’Association fédérale de l’industrie allemande (BDI) a néanmoins réagi positivement à l’accord : "Nous avons toujours souligné qu’une solution devait être atteinte sur la voie de la négociation, pour éviter l’escalade dans le conflit commercial", a dit un de ses membres, Stefan Mair, comme le rapporte l’agence dpa. Le gouvernement allemand avait mis en garde la Commission européenne sur les risques d’une guerre commerciale à la suite de la prise de décisions anti-dumping le 4 juin 2013. Dans sa déclaration, Karel de Gucht l’a rappelé à l’ordre en prévenant les Etats membres contre toute immixtion dans la politique commerciale de l’UE.

Le commissaire de Gucht s’est par ailleurs dit confiant que l’accord obtenu sur les panneaux solaires facilitera les discussions sur les menaces chinoises contre les importations de vin et de polysilicium, matière première entrant dans la fabrication des cellules photovoltaïques. La  Chine a notamment lancé une enquête sur les subsides apportés par les Etats membres de l’UE pour la production de leurs vins.

L’accord conclu pourrait aussi avoir une influence sur une deuxième procédure menée par la Commission européenne, à savoir l’enquête pour déterminer si l’Etat chinois a subventionné ses producteurs nationaux de panneaux photovoltaïques. Selon un expert qui s’est confié à l’agence dpa,  aucune  sanction ne serait toutefois envisagée, dès lors que l’accord scellé le 26 juillet 2013 protège déjà l’industrie européenne des panneaux photovoltaïques.