Le 17 juillet 2013, la Commission européenne a proposé l'instauration d'un Parquet européen, afin d'améliorer, à l’échelle de l’Union, les procédures permettant de poursuivre les auteurs de fraudes préjudiciables aux contribuables de l’UE. Ce dernier aura pour mission exclusive d'instruire des affaires et d'engager des poursuites, et, le cas échéant, de déférer — devant les juridictions des États membres — les cas d'infractions portant atteinte au budget de l’UE. Le Parquet européen sera une institution indépendante, soumise au contrôle démocratique.
Pour la Commission, "la logique de la proposition d'instaurer un Parquet européen est simple". Elle s’explique : "si on dispose d'un ‘budget fédéral’ - composé de fonds provenant de tous les États membres de l’UE, qui sont gérés selon des règles communes —, il faut aussi des ‘instruments fédéraux’ pour protéger ce budget de manière efficace dans l’ensemble de l’Union".
À l'heure actuelle, lorsqu'il s'agit de s'attaquer à la fraude à l'échelle de l’UE, le niveau de protection et d’exécution est très inégal selon les Etats membres. Le taux de réussite des poursuites relatives aux infractions contre le budget de l’Union varie considérablement d’un État membre à l’autre, la moyenne dans l’UE étant d'à peine 42,3 %, mais de 100 % au Luxembourg.
Le Parquet européen tel que conçu par la Commission veillerait à ce que toutes les affaires de fraude présumée au détriment du budget de l’UE fassent l’objet d’un suivi et soient menées à leur terme, afin que les contrevenants sachent qu’ils seront poursuivis et traduits en justice. L'effet produit sera fortement dissuasif.
En vertu des traités de l’Union, le Danemark ne participera pas au Parquet européen. Le Royaume-Uni et l'Irlande n'y participeront pas non plus, sauf décision volontaire et explicite de leur part (opt in).
Parallèlement à la création du Parquet européen, la Commission propose une réforme d'Eurojust, qui deviendra l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, et présente une communication sur la gouvernance de l’Office de lutte antifraude de l’UE (OLAF).
Le Parquet européen aura une structure décentralisée, intégrée dans les systèmes judiciaires nationaux. Les procureurs européens délégués mèneront les instructions et engageront les poursuites dans l’État membre concerné, avec l’aide de personnels nationaux et en application du droit national. Leurs actions seront coordonnées par le Procureur européen, qui sera garant d'une approche uniforme dans toute l’UE, ce qui est un aspect essentiel, surtout dans les affaires transfrontalières. La structure tout entière étant fondée sur des ressources existantes, elle ne devrait entraîner aucune dépense supplémentaire importante.
Les juridictions nationales seront chargées du contrôle juridictionnel, ce qui signifie qu'elles pourront être saisies de recours à l'encontre des actes du Parquet européen. Parallèlement, la proposition renforce considérablement les droits procéduraux des suspects qui seront soumis à une enquête du Parquet européen.
Un "collège" de dix personnes, réunissant le Procureur européen, quatre adjoints et cinq procureurs délégués, veillera à une intégration sans heurt des activités au niveau de l'UE et à l'échelon national, notamment en convenant de règles générales sur la répartition des affaires.
Des droits procéduraux renforcés
La proposition prévoit de garantir aux personnes faisant l'objet d'une instruction du Parquet européen une protection plus large, sous l'angle des droits procéduraux, que celle actuellement offerte par les systèmes nationaux. Citons, par exemple, le droit à l'interprétation et à la traduction, le droit à l'information et l'accès aux pièces du dossier ou le droit à l'assistance d'un avocat en cas de mise en détention.
En outre, les dispositions qui instituent le Parquet européen définissent d’autres droits n’ayant pas encore été harmonisés par la législation de l’UE, afin de conférer des garanties solides en matière de droits procéduraux. Parmi ceux-ci figurent le droit de garder le silence et la présomption d'innocence, le droit à une assistance juridique et le droit de produire des éléments de preuve et de faire citer des témoins.
La proposition fixe en outre des règles claires et harmonisées sur les mesures d'instruction que le Parquet européen peut appliquer lors de ses enquêtes, ainsi que des dispositions sur la réunion et l’exploitation des éléments de preuve.
La Commission propose de consolider la gouvernance de l’OLAF et de renforcer ses garanties procédurales dans le cadre de ses enquêtes, compte tenu des dispositions relatives au Parquet. Deux grandes initiatives sont prévues à cet égard. Tout d'abord, un contrôleur indépendant serait institué pour les garanties procédurales, afin de renforcer le contrôle juridictionnel des mesures d’enquête de l’OLAF. Ensuite, il est prévu une garantie procédurale spécifique sous forme d’autorisation donnée par le contrôleur pour les mesures d’enquête plus intrusives (perquisition de bureaux, saisies de document, etc.) que l’OLAF peut être appelé à prendre dans les institutions de l’UE.
En outre, le rôle de l’OLAF évoluera à la suite de la création du Parquet européen.
L'Office restera responsable des enquêtes administratives dans des domaines qui ne relèveront pas de la compétence du Procureur européen, notamment en matière d’irrégularités touchant les intérêts financiers de l’UE et de fautes graves ou d'infractions commises par le personnel de l’UE sans incidence financière.
L’OLAF n'effectuera plus d'enquêtes administratives sur la fraude au niveau de l’Union ou d’autres infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE. En effet, ces infractions relèveront de la compétence exclusive du Parquet européen une fois qu’il sera en place. Si l’OLAF a des soupçons au sujet de telles infractions pénales, il sera tenu d'en référer au Parquet européen dans les plus brefs délais. Même s'il ne mènera plus d'enquêtes dans ce domaine, l’OLAF continuera à fournir une assistance au Parquet européen à la demande de celui-ci (comme il le fait déjà aujourd’hui pour les procureurs nationaux). Cette évolution facilitera l’accélération du processus d’enquête et contribuera à éviter un chevauchement des enquêtes administratives et pénales portant sur les mêmes faits. De cette manière, les poursuites auront plus de chances d'aboutir.
Le règlement proposé doit à présent être adopté à l’unanimité par les États membres au sein du Conseil, après approbation du Parlement européen.
En l'absence d'unanimité au sein du Conseil, les traités prévoient qu’un groupe composé d’au moins neuf États membres peut instaurer une coopération renforcée (article 86 du TFUE).
Selon les États membres, un montant de quelque 500 millions d’euros en dépenses et en recettes de l’UE est perdu chaque année à la suite de fraudes présumées.
Le traité de Lisbonne (TFUE) appelle à la création du Parquet européen (article 86), ainsi qu'au renforcement d’Eurojust (article 85).
En mai 2011, la Commission a adopté la Communication sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne par le droit pénal et les enquêtes administratives, qui contenait des propositions visant à améliorer la protection des intérêts financiers de l'UE.
En juillet 2012, la Commission a proposé une directive relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal. Celle-ci prévoyait notamment des définitions communes pour les infractions au préjudice du budget de l’UE, une harmonisation des sanctions minimales (y compris l’emprisonnement pour les infractions graves) et des délais de prescription communs.
La ministre de la Justice luxembourgeoise, Octavie Modert, a salué dans un communiqué l’initiative de la Commission parce qu’elle permet "de s’attaquer à un phénomène criminel affectant indifféremment l’Union et ses 28 États membres". Selon Octavie Modert, "le parquet européen représente une étape importante et décisive vers la création d’un espace judiciaire européen".
Pour la ministre Octavie Modert, deux éléments de la proposition de la Commission méritent d’être particulièrement signalés : l’intégration du parquet européen avec les systèmes judiciaires nationaux et l’indépendance de la future structure.
Pour la ministre, "le modèle proposé par la Commission d’un parquet européen s’appuyant dans chaque État membre sur un procureur délégué permettra de garantir une interaction adéquate avec les systèmes répressifs nationaux et assure ainsi l’efficacité des poursuites". Elle est convaincue que "les précautions prises par la Commission pour la désignation et le fonctionnement de l’élément central du parquet européen contribueront à asseoir l’indépendance de la nouvelle structure". Or, "cette indépendance est un élément crucial pour établir la crédibilité et l’acceptation du futur parquet européen", car il "sera amené à traiter de la lutte contre la corruption, élément intimement lié à la lutte contre la fraude au budget de l’Union".
La ministre de la Justice se dit confiante que les négociations qui commenceront maintenant permettront de trouver des compromis adéquats pour les différents aspects de la proposition de la Commission européenne.
Octavie Modert rappelle dans son communiqué que les chefs d’État ou de gouvernement ont retenu lors de la réunion du Conseil européen de décembre 2003 que "si un Parquet européen est institué, il aura son siège à Luxembourg conformément aux dispositions de la décision du 8 avril 1965".
Dans l’article 3 de cette décision, il est stipulé que "sont également installés à Luxembourg les organismes juridictionnels et quasi-juridictionnels, y compris ceux qui sont compétents pour l'application des règles de concurrence, existants ou à créer en vertu des traités instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, ainsi qu'en vertu de conventions conclues dans le cadre des Communautés, soit entre États membres, soit avec des pays tiers."