Dans un document d'orientation adopté le 26 mai 2011, la Commission européenne définit une série de mesures visant à permettre aux procureurs et aux juges de lutter plus efficacement contre la fraude affectant les intérêts financiers de l'Union européenne. La Commission prévoit de renforcer le droit pénal matériel en précisant la définition des infractions telles que le détournement de fonds ou l'abus de pouvoir et d'accroître les capacités de l'Office de lutte antifraude (OLAF) et de l'Unité européenne de coopération judiciaire (Eurojust). L'Union examinera aussi la manière dont un Parquet européen spécialisé pourrait appliquer des règles communes en matière de fraude et d'autres infractions portant atteinte aux fonds publics européens. Le traité de Lisbonne, qui a renforcé la capacité de l'Union de combattre la fraude en lui conférant une compétence législative dans le domaine du droit pénal, rendra ces mesures possibles.
La protection de l'argent public européen constitue une priorité de la Commission. Les contribuables doivent avoir l'assurance que les fonds de l'Union européenne ne servent qu'à financer les politiques approuvées par les législateurs européens. Or, les instruments dont dispose actuellement l'Union pour prévenir ou détecter tout usage irrégulier de ces fonds se révèlent parfois inadaptés ou insuffisants. Les autorités nationales demeurent confrontées à de nombreux obstacles qui les empêchent de protéger efficacement l'argent public européen contre les activités criminelles. Cela tient à la coexistence de réglementations différentes en matière de procédures, d'infractions pénales et de sanctions, qui nuisent aux enquêtes et aux poursuites transfrontalières en matière de fraude.
Viviane Reding, vice-présidente de la Commission et commissaire chargée de la justice, a souligné que, "durant la seule année 2009, les cas présumés de fraude portant sur des fonds publics européens se sont montés à 280 000 000 d’euros". Si ce montant ne dépasse pas 0,2 % du budget total de l'UE, la commissaire prévient que "l'UE ne tolérera aucune utilisation irrégulière des deniers publics européens". Algirdas Šemeta, commissaire chargé de la lutte antifraude, a déclaré quant à lui qu’il s’agissait de "faire en sorte que les cas présumés de fraude donnent non seulement lieu à une enquête de l'OLAF et des autorités nationales, mais aussi à des poursuites".
L'UE est désormais dotée de tous les instruments juridiques nécessaires pour s'attaquer à ce défi. Les traités prévoient des possibilités intéressantes aux fins de la protection des intérêts financiers de l'Union, telles que l'établissement de règles minimales en matière pénale (article 83 du TFUE) ou de nouveaux pouvoirs d'enquête pour Eurojust (article 85 du TFUE), ainsi que la possibilité d'instituer un Parquet européen pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union (article 86 du TFUE).
La communication de la Commission cible plusieurs domaines dans lesquels le droit pénal pourrait être encore amélioré pour mieux protéger les intérêts financiers de l'Union:
Du fait de la coexistence de systèmes juridiques nationaux très différents en Europe, la protection des intérêts financiers de l'Union constitue un réel défi. Les formes de fraude et de corruption portant sur des fonds de l'Union et commises au niveau national sont multiples: il peut s'agir du détournement de fonds destinés à des projets dans les domaines agricole, de la recherche, de l'éducation ou des infrastructures, ou bien du versement de pots-de-vin à des fonctionnaires en vue de faire pression sur eux.
Dans les États membres, la police, les procureurs et les juges des différents États membres décident, sur la base de leurs propres règles nationales, de l’opportunité et des modalités des interventions destinées à protéger les fonds publics européens. Par conséquent, le taux de condamnation dans les cas d'infraction portant atteinte au budget de l'Union varie considérablement d'un État membre à l'autre, allant de 14 % à 80 %.
En coopération avec l'OLAF et Eurojust, les enquêteurs, procureurs et juges nationaux combattent déjà activement ces infractions. Ils se heurtent cependant bien souvent à de sérieux obstacles juridiques ou pratiques.
Leur compétence peut, par exemple, se limiter aux cas survenant dans leur propre pays; des preuves recueillies par des autorités étrangères peuvent ne pas être recevables dans le cadre de la procédure nationale; les règles des États membres en matière de lutte contre la fraude et les infractions connexes peuvent différer. Cette situation aboutit au classement d'affaires par les autorités nationales sans qu'aucune action en justice n'ait été engagée, et ce même lorsque l'OLAF a déjà procédé à une enquête et jugé la fraude présumée suffisamment grave.
Par exemple, dans une affaire impliquant plusieurs États membres et pays tiers, des soupçons de fraude douanière à grande échelle (plus de 1,5 million d’euros) n’ont pas donné lieu à des poursuites par les autorités nationales des États membres concernés.
Depuis 2000, 93 des 647 cas examinés par l'OLAF ont été classés sans suite par les ministères publics nationaux sans raison particulière et 178 pour des motifs discrétionnaires.