Le Parlement européen a donné le 3 juillet 2013 son accord de principe à l’accord politique sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 qui avait été trouvé juste avant le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013.
Les eurodéputés ont ainsi approuvé par 474 voix pour, 193 contre et 42 abstentions une résolution soutenant le compromis trouvé le 27 juin 2013. Mais ils reviendront sur la question à l’automne pour un vote formel sur le règlement finalisant ce compromis qui sera accompagné d’un accord interinstitutionnel.
Les eurodéputés réunis en plénière avaient eu l’occasion de discuter de ce sujet dans le cadre d’un débat qui s’était tenu la veille du vote et qui portait plus largement sur le bilan de la présidence irlandaise qui s’est achevé fin juin sur toute une série d’accords arrachés au prix de longues négociations.
Le président du groupe PPE, Joseph Daul, avait salué l’accord, soulignant l’importance du cadre financier pluriannuel pour la lutte contre le chômage des jeunes, et, plus largement, pour la croissance et l’emploi. Au cours des négociations qui, du côté du Parlement européen étaient conduites par l’eurodéputé PPE Alain Lamassoure, "nous avons demandé des conditions basées sur le bon sens", a expliqué le chef de file du PPE qui a souligné qu’il n’était pas question d’accepter que l’UE "soit entraînée sur le terrain glissant de la dette". Il s’est toutefois montré critique à l’égard de la longueur du processus de décision. "Nous ne pouvons pas passer par un tel marchandage tous les sept ans", prévient l’eurodéputé qui juge par conséquent nécessaire de "définir clairement les domaines financés par les États membres et par l'Union".
Hannes Swoboda, qui s’exprimait au nom du groupe S&D, a assuré du soutien de son groupe, mais il n’a pas manqué de déplorer l’austérité qui marque ce budget. "Nous devons nous diriger vers une politique de croissance", a-t-il plaidé, regrettant que les progrès réalisés dans ce sens dans les négociations aient été a minima. "Nous nous sommes battus jusqu'au bout pour obtenir davantage de fonds, mais le Conseil a rendu ce souhait impossible", a expliqué le chef de file du groupe des socialistes et démocrates pour qui "la discipline budgétaire est nécessaire mais l'austérité est inacceptable".
Le chef des files des libéraux, Guy Verhofstadt, a salué le fait qu’en vertu de cet accord, "nous avons une flexibilité presque totale, garantissant que les 908 milliards d'euros seront pleinement disponibles, contrairement à la période précédente durant laquelle 55 milliards d'euros ont été perdus". Mais au-delà de cette question de flexibilité, le leader du groupe ADLE a aussi rappelé que tant que le Conseil n’aura pas approuvé le paiement de 3,9 milliards d’euros pour régler les factures restantes de 2013, une clause de révision contraignante et le développement d’un nouveau système de ressources, le Parlement ne doit pas donner son feu vert formel à l’accord.
Mais du côté des Verts et de la Gauche unitaire, il était hors de question de valider un accord jugé "mauvais". Comme l’a expliqué Rebecca Harms après le vote, le groupe des Verts, qu’elle co-préside, a dénoncé un compromis qui aboutit à "un budget incohérent et rétrograde" pour les sept prochaines années. Le cadre financier pluriannuel ne répond pas aux défis actuels que constituent un chômage à la hausse et la récession, estime-t-elle en déplorant que le président du Parlement européen ait finalement cédé à la pression des Etats membres. Pour Helga Trüpel, qui suit les questions budgétaires pour le groupe politique des Verts, le feu vert du Parlement à cet accord n’est rien moins qu’une "capitulation devant les exigences du Conseil", ce qui va nuire à sa crédibilité à long terme dans ses relations avec le Conseil et la Commission. L’eurodéputée écologiste ne se satisfait pas de la flexibilité obtenue, qui est "brandie comme une baguette magique", alors qu’elle ne contient que peu de substance, d’autant que c’est une flexibilité limitée qui a été obtenue. Les négociations sur ce budget pluriannuel auront été en effet à ses yeux une opportunité manquée de contrer les effets des politiques d’austérité et de donner un élan nécessaire à la croissance.
En toute logique, l’eurodéputé écologiste luxembourgeois, Claude Turmes, a donc voté, comme son groupe, contre cet accord politique, témoignant ainsi sa profonde déception à l’égard du compromis trouvé. Le futur budget va être réduit de près de 10 % et ne fait que poursuivre la ligne de l’austérité que suit aveuglément l’UE ; c’est toute une génération qui va payer le prix de cette erreur, estime Claude Turmes qui pense aux jeunes chômeurs, toujours plus nombreux.
Pour Claude Turmes, la flexibilité à laquelle ont abouti les négociations est très limitée, tandis que la clause de révision est liée à l’unanimité du Conseil. Quant à l’exigence du Parlement européen que l’UE discute de ses ressources propres pour les prochaines années, elle n’a pas été discutée sérieusement, mais fera l’objet de travaux ultérieurs d’un groupe de travail, déplore l’eurodéputé luxembourgeois.
Autre grief de Claude Turmes, ce budget ne va pas sortir l’UE de la crise institutionnelle qu’elle traverse puisque, selon lui, il livre l’UE au diktat des gouvernements nationaux. Enfin, Claude Turmes voit dans ce mauvais accord un échec de Martin Schulz, qui a "démarré les négociations comme un tigre pour atterrir comme une carpette".
Robert Goebbels pour sa part a frondé, refusant de donner sa voix, comme l’a fait le groupe S&D auquel il appartient, à cet accord qu’il a dénoncé sans fard dans son explication de vote. "Les budgets des sept années à venir seront marqués par l'austérité voulue par les Merkel, Cameron et co", déplore l’eurodéputé socialiste qui souligne que "maintenant nous sommes 28, mais avec moins d'argent qu'à 15".
Robert Goebbels est d’autant plus amer qu’il ne perd pas de vue que le Parlement européen avait pour la première fois le pouvoir de dire non au diktat des chefs d’Etat et de gouvernement sur les perspectives financières de l’UE. Or, "le Parlement, après avoir résisté une première fois, s'est finalement plié aux exigences des grandes capitales", regrette-t-il. Et s’il reconnaît que les négociateurs du Parlement ont réussi à engranger une certaine flexibilité dans les dépenses, il constate aussi que le Conseil n’a pas transgressé ses lignes rouges sur ce point.
"Comme le verre n'est même pas à moitié plein, je refuse de trinquer à la santé du Conseil", a-t-il conclu.
Les eurodéputés luxembourgeois du PPE, Georges Bach, Frank Engel et Astrid Lulling, ainsi que l’eurodéputé libéral Charles Goerens ont tous les quatre voté en faveur de l’accord, comme l’ont fait leurs groupes politiques respectifs dans leur majorité.