La Commission européenne recueille selon le Financial Times depuis quelques mois des informations auprès de l'Irlande, des Pays-Bas et du Luxembourg au sujet de certains accords d'allègement fiscal passés par ces pays avec quelques multinationales, pour déterminer si ces accords constituent des aides d'État illégales en donnant à ces entreprises des avantages sélectifs indus par rapport à leurs concurrents, créant ainsi des distorsions de concurrence.
Le premier à confirmer ce processus a été par Antoine Colombani, porte-parole du commissaire à la Concurrence, Joaquin Almunia, le 12 septembre 2013. Mais c’est le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, qui a lui aussi confirmé l’information lors d’un point de presse à l’occasion de son entrevue avec Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen. Le Premier ministre a ajouté que cela ne l’inquiétait pas outre mesure.
Antoine Colombani a déclaré que l'enquête n'en était encore qu'à un stade très préliminaire, qu’il ne s'agissait pas encore d'une enquête formelle et que des informations du même genre pourraient être demandées à d'autres États membres. "Nous sommes chargés du contrôle des aides d'Etat. L'objectif est de vérifier si des aides sélectives assises sur des ressources publiques ont été accordées à des entreprises et si ces aides sont conformes aux règles européennes", a expliqué Antoine Colombani.
Selon les explications qu’il a fournies à Bruxelles, telles que les rapporte l’Agence Europe, les accords visés ne sont souvent pas publiés, mais prennent la forme de "lettres de confort" ('tax rulings') qui donnent aux entreprises concernées - dans quelques cas, avant leur décision de se transférer dans le pays concerné - des indications sur la fiscalité qui leur sera applicable. Les multinationales peuvent ainsi se servir de ces avantages pour minimiser leur imposition globale dans le marché unique, souvent au détriment d'autres entreprises et des budgets des autres États membres.
Selon le Financial Times, l'Irlande est soupçonnée de favoriser certaines entreprises (comme Apple), qui peuvent minimiser l'impôt local sur les sociétés grâce à un mécanisme complexe de gonflement des dépenses à travers le paiement de droits de propriété intellectuelle à des sociétés enregistrées en Irlande mais ayant leur résidence fiscale dans un paradis fiscal tel que les Bermudes ou les Îles Cayman. Mais selon son ministre des Finances, l’Irlande "ne passe pas d'accord sur les taux d'imposition."
Les Pays-Bas appliquent, selon la même source un mécanisme similaire à travers des filiales locales auxquelles sont transférés les droits de propriété intellectuelle et qui les chargent aux autres filiales du groupe concerné.
Le Luxembourg est lui visé pour ce qui est défini comme un mécanisme d'intérêts notionnels, qui permet à des filiales financières sur place de minimiser l'impôt sur des capitaux reçus à taux d'intérêt nul d'une maison mère située dans un "paradis fiscal" et reprêtés à une entreprise dans un autre pays.
Contacté par le quotidien Journal, le ministre des Finances luxembourgeois, Luc Frieden a lui aussi réagi et parle d'une "complication de la loi fiscale dans un cas concret". Il ajoute : "Je trouve absolument inacceptable que trois pays reçoivent des lettres car d'autres connaissent également le ruling." Pour lui, "il est essentiel que tous les pays aient un régime fiscal compétitif." Par ailleurs, "la Commission ne dit pas que ce n'est pas conforme." Pour le ministre, il s’agit d'une "concurrence fiscale saine", et "comme nous connaissons des succès économiques, ça crée des jaloux", notamment dans "des pays à haute fiscalité" qui auraient poussé la Commission vers ce processus d’enquête.