Pour abreuver les discussions qui se tiennent dans le cadre de la Semaine mondiale de l’eau à Stockholm du 1er au 6 septembre 2013, l’OCDE a publié, le 2 septembre 2013, deux rapports, l’un sur le défi de la sécurité de l’approvisionnement en eau, le second sur la politique d’adaptation au changement climatique, qui appellent les décideurs politiques à agir sans retard pour répondre aux futurs problèmes que posera la question de l’eau.
C’est sur le premier de ces deux rapports, intitulé "Water Security for Better Lives" ("La sécurité d’approvisionnement en eau pour de meilleures vies"), que le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría s’est le plus attardé lors de la présentation de ces deux documents. Le secrétaire général, qui a fait de la question de l’eau une des trois priorités de son mandat entamé en 2005, a déploré le manque d’attention aux problèmes futurs liés à l’eau.
"La question de l’eau est noyée dans la cacophonie de la crise économique. Les incertitudes concernant la disponibilité et la qualité de l’eau, les inondations et les sécheresses, croissent, tandis que les perspectives sur le stress hydrique et la pollution de l’eau sont sombres. Cela nécessite une action urgente !", a-t-il déclaré. Pour cause, les pénuries d’eau, la pollution des ressources, les sécheresses et les inondations ont la propriété de menacer à la fois les vies humaines, les écosystèmes et l’économie.
Selon le premier rapport de l’OCDE, 40 % de la population mondiale vivra dans des régions soumises à un stress hydrique prononcé d’ici 2050. De même, 1,6 milliard de personnes, mais aussi 45 000 milliards de dollars d’actifs, seront exposés à des inondations, devenues plus fréquentes, d’ici 2050. La dégradation de la qualité de l’eau inquiète aussi l’OCDE, en raison de l’augmentation prévisible des quantités d’effluents d’azote de 180 % à l’échelle de la planète d’ici 2050.
Pour faire face à des défis, l’Organisation estime qu’un changement radical dans l’approche de cette thématique est requis. La priorité devrait être donnée à la gestion des risques, à la définition de niveaux acceptables de risque et à la cohérence politique entre la politique de l’eau et d’autres objectifs environnementaux. L’OCDE évoque, quant à ce dernier point, la nécessité de trouver un compromis avec les autres objectifs politiques, qu’ils aient trait à l’approvisionnement en énergie et en nourriture, au changement climatique ou encore à la biodiversité. Elle cite comme exemple d’incohérence le développement de la production de biocarburant qui, en sécurisant l’approvisionnement en énergie, n’en serait pas moins nuisible en matière de sécurité d’approvisionnement en eau.
Cette nouvelle approche "nous mènera au-delà du bon sens commun qui, de manière erronée, assimile la sécurité de l’approvisionnement en eau à un accès suffisant à l’eau", a expliqué encore Angel Gurria. "Le niveau acceptable de risque pour la société et l’environnement dépend de l’équilibre entre les conséquences économiques, sociales et environnementales d’une part et le coût de l’amélioration d’autre part."
Ainsi, la gestion des risques devrait, aux yeux de l’OCDE, non seulement s’attaquer au risque de pénurie d’eau, mais également au risque d’excès d’eau (incluant le risque des inondations), au risque de pollution de l’eau et à celui du "dépassement d’un point critique en matière d’environnement qui pourrait saper la résilience des systèmes aquatiques naturels, comme les rivières, les lacs et les aquifères".
Dans son rapport, l’OCDE évoque, parmi les moyens de réduire la consommation, la hausse des prix ou encore la mise en place de marchés de l’eau régionaux et transnationaux. "Plusieurs études suggèrent que les marchés de l’eau peuvent à la fois réduire la demande en eau et augmenter le bien-être général" et qu’ils "peuvent créer des incitations à utiliser l’eau utilement", y lit-on.
Dans ses deux rapports, l’OCDE évoque à de nombreuses reprises la situation en Europe. Elle souligne que le nombre de personnes affectées par des inondations a augmenté de 20 % entre 1976 et 2006, tandis que le coût moyen annuel des sécheresses a quadruplé pour atteindre un total de 100 milliards d’euros sur les 30 dernières années, selon des chiffres de la Commission européenne publiés en 2007.
La Directive sur les inondations de 2007 exige des Etats membres la réalisation de cartes de risques d’inondation, se réjouit l’OCDE. Il y a également plus d’informations sur les zones à risques de déficit en eau et de pollution. De même, en 2007, la Commission européenne a adopté une communication sur les problèmes de rareté de la ressource en eau et de sécheresse.
Néanmoins, pour ce qui est de la qualité de l’eau, l’Europe est particulièrement concernée par la pollution due à l’agriculture, souligne l’OCDE. Elle constate certes que des efforts sont faits dans divers pays pour assurer la transition d’un système direct d’aide à la production encourageant l’usage d’eau, de fertilisants et de pesticides à des paiements prenant en compte les soucis environnementaux. Toutefois elle demande aux États membres de se conformer aux normes européennes sur les substances chimiques. "Des exigences plus strictes sont nécessaires dans certains cas. Des zones protégées doivent être introduites pour la préservation d’habitats de zones humides uniques et de valeur, de ressources en eau potable et d’eaux de baignade", pense l’OCDE, comme le rapporte Euractiv dans un article publié le 4 septembre 2013.
5 % de la population européenne est confrontée à une concentration excessive d’azote (supérieure à 25 mg/L) dans l’eau potable tirée des eaux souterraines, tandis que 50 % de la population vit dans des zones où les eaux de surface contiennent une concentration de nitrate supérieure à 25 mg/L. Or, ce seuil, de moitié inférieur au seuil fixé par la directive sur l’eau potable de 1998 mais aussi la directive sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, est celui à partir duquel on observe un risque de cancer du colon. L'OCDE souligne que les cancers du colon, qui sont dus à l’excès d’azote dans l’eau potable dans les seules eaux souterraines, ont un coût estimé à 1 milliard d’euros par an.
"Nous avons également besoin d’aider les décideurs politiques, économiques et les citoyens à comprendre l’échelle et la signification du défi que pose le changement climatique à la sécurité d’approvisionnement en eau", a également déclaré Angel Gurría, avant de mentionner la publication du deuxième rapport, consacré à la politique d’adaptation au changement climatique.
Ce dernier offre un instantané du défi posé par le changement climatique pour les eaux douces et les réponses politiques qui y sont apportées. Il se veut "une base solide pour échanger les expériences et partager les meilleures pratiques".
Comme le fait remarquer Euractiv, l’Agence européenne de l’environnement (AEE) a prédit le 2 mai 2013 une hausse du nombre de phénomènes météorologiques extrêmes dus au changement climatique alors que des inondations ont provoqué des décès et de nombreux dégâts matériels en Europe centrale.
L’OCDE rapporte que quasiment tous ses Etats membres projettent des risques grandissants dus au changement climatique, avec des événements extrêmes (sécheresses et inondations) cités le plus souvent comme problème principal, devant les pénuries.
Dans sa réponse à l'OCDE, le Luxembourg prévoit une détérioration de la qualité de l’eau en raison de l’intensification des pluies (parce qu’elles provoquent une érosion plus forte et une infiltration plus rapide vers les eaux souterraines) et d’un changement dans la période principale de recharge des eaux souterraines.
Des changements dans le cycle de l’eau, l’augmentation du risqué d’inondations en hiver et de sécheresses en été, l’augmentation de la population et donc de la consommation d’eau feront également en sorte que la qualité, la quantité et l’approvisionnement en eau devraient reculer.
En réaction à ces prévisions, le conseil de gouvernement luxembourgeois a adopté un Plan national d’adaptation en juin 2011, qui fixe pour priorités la biodiversité, l’eau, l’agriculture et les forêts, lit-on dans le document.
Il prévoit d’agir, par des instruments règlementaires, sur la quantité d’eau consommée, les concessions et le dosage du captage d’eaux de surface, l’interdiction de certains usages comme l’irrigation et la mise en place de limitation de la consommation dans les périodes critiques.
Les autres instruments consistent entre autres à réduire l’usage inutile de l’eau, à promouvoir les systèmes d’économie et de captage des eaux de pluie, à lutter contre l’érosion, à œuvrer au développement de l’usage durable des sols, à l’évaluation préliminaire des risques d’inondations, à l’établissement d’un plan de gestion des risques prévu pour 2015, à la création de nouveaux espaces de rétentions de l’eau pour prévenir des inondations et à éviter de nouvelles sources de pollution des eaux qui pourraient résulter de nouvelles stratégies énergétiques (telles le choc thermique, le stockage de CO2, les forages géothermiques, l’exploitation de gaz de schiste et le bio fuel).