Le 9 octobre 2013 a eu lieu au Parlement européen un débat sur la situation des Roms en Europe après l’affaire des fichiers de la police suédoise, mais aussi, en filigrane, après les déclarations du ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, qui avait déclaré au Figaro qu’il est "illusoire de penser qu'on réglera le problème (..) à travers uniquement l'insertion", que "ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres", et que "les Roms ont vocation à rester en Roumanie, à y retourner".
Vytautas Linkevicius, le ministre lituanien des Affaires européennes fut le premier à intervenir, parlant des situations d’extrême pauvreté dans lesquelles vivent les Roms et du peu de chances qu’ils ont de sortir de cette situation s’ils ne sont pas soutenus. Pour lui, il s’agit d’une "question de justice sociale". Il a dit aussi qu’il devenait difficile pour l’UE d’agir au niveau international en faveur de la protection des minorités et de leur inclusion quand un si grand nombre de citoyen européens – plus de 12 millions - sont, comme les Roms, exclus, alors qu’ils ont beaucoup de choses à donner, mais que leur potentiel est détruit par la pauvreté. Il a réitéré les quatre points-clés autour desquels devraient s’articuler le politique des Etats membres, en fonction du "Cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’à 2020", c’est-à-dire l’emploi, la santé, l’éducation et le logement. Des recommandations sur ce cadre devraient être adoptées en décembre 2013, mais la principale responsabilité reste toujours à charge des Etats membres.
L’intervention de la commissaire européenne en charge de la justice et des droits fondamentaux, Viviane Reding, était d’abord axée sur la mise en œuvre des plans d’action nationaux élaborés pour ce cadre de l’UE (voir le texte du Luxembourg)et ci-dessous . Elle a dû reconnaître que ces plans qui devaient être appliqués aux niveaux national, régional et local n’ont pas avancé beaucoup dans la pratique. Elle a mis en cause le manque de coordination des acteurs qui travaillent en faveur de l’intégration des Roms, le manque de volonté politique au niveau national et les difficultés à mobiliser les moyens financiers nécessaires pour mettre en œuvre les objectifs convenus. Pourtant, a-t-elle indiqué, il y a des fonds structurels en faveur des Roms, mais on ne peut y accéder qu’à condition de mettre en œuvre le plan d’action national.
L’eurodéputée hongroise Livia Jaroka (PPE), elle-même d’origine Rom, a dénoncé dans son discours les pseudo-plans en faveur des Roms et le fait que seulement 10 % des fonds destinés aux Roms arrivent aux groupes concernés. Ce sont, selon elle, la libre circulation et les grandes disparités régionales qui provoquent les "migrations spectaculaires et massives" des Roms qui deviennent une charge dans les pays d’accueil. Il faut donc une stratégie pour changer la situation des Roms et leurs migrations s’arrêteront le jour où ils auront un travail et "se sentiront libres".
Sa compatriote Kinga Göncz (S&D) a, elle aussi, évoqué le détournement des fonds publics destinés aux Roms par des acteurs politiques dans différents Etats membres, tout en évoquant les difficultés à mettre en place des mesures avec des personnes dont on sait peu, dont on ne connaît pas les dettes ou le possible passé criminel. Il faut un engagement fort des Etats membres. Pour elle néanmoins, en Hongrie, il y a une nouvelle approche de la question des Roms et l’argent est bien dépensé.
La députée libérale suédoise Cecilia Wikström a évoqué l’affaire des fichiers de la police suédoise basée sur des Roms, un fichier contenant des milliers de mentions, y compris d’enfants. La révélation de l’existence de ce fichier "a secoué la Suède ", qui ne permet pas de "registre sur une base ethnique". Elle a recommandé à la Commission de suivre l’enquête. Pour elle, toutes les politiques en faveur des Roms tombent à plat si la police les stigmatise. Elle a critiqué ensuite les évacuations de camps de Roms en France, les agressions dont ils ont été victimes en Italie, et en Hongrie.
La députée verte Hélène Flautre a demandé à ce que les décideurs politiques soient emmenés sur le terrain pour voir des projets d’intégration des Roms qui fonctionnent, afin que l’on évite des stratégies verbales qui conduisent à la désintégration des politiques de l’UE. Pour elle, les évacuations de camps de Roms en France ont touché la moitié de la population concernée et interrompu des projets d’intégration. La Commission devrait, selon Hélène Flautre, manifester son autorité en menaçant de lancer des procédures d’infraction.
Le député bulgare libéral Stanimir Ilchev pense que les détournements de fonds ont aussi à voir avec l’attitude des dirigeants des communautés Roms vis-à-vis de l’éducation et avec leur peu de sens des responsabilités. Par ailleurs, il a mis en garde contre la confusion entre assimilation et intégration des Roms.
Le député roumain Cristian Dan Pedra (PPE) a lui aussi regretté que la communauté Rom n'ait pas vraiment de représentant et ne pouvait ainsi pas parler pour elle-même, avec pour résultat qu'elle se retrouve "marginalisée" et que l'on "se permet de dire n'importe quoi » à son sujet".
Dans sa réponse aux députés, la commissaire Viviane Reding a déclaré que les Roms sont "des êtres humains (…) et, en tant que tels, ont les mêmes droits et obligations que tout autre citoyen". Elle a ajouté que, de ce fait, les responsables européens avaient les mêmes obligations envers eux qu'envers n'importe quel autre Européen.
Répondant à la question des détournements de fonds destinés aux Roms, elle a demandé que l’on agisse à tous les niveaux pour que cela change. Sa réunion en fin d’année avec des maires européens servira aussi à expliquer le fonctionnement des fonds et les moyens d’atteindre les objectifs de l’UE en matière d’intégration des Roms ainsi qu’à donner des exemples positifs d’intégration. Viviane Reding a néanmoins mis l’accent sur la difficulté d’agir pour un maire « quand un groupe important de personnes vient s’établir » et qu’il faut arriver à de nouveaux équilibres dans une commune. Pour elle, l’argent du Fonds social européen (FSE) doit être consacré à la lutte contre la pauvreté. Mais c’est aux Etats membres de décider s’il faut les utiliser.
Viviane Reding a par ailleurs relevé que le droit à la libre circulation implique aussi des obligations comme celle qu’une personne ne doit pas trop grever le budget social d’un pays d’accueil et respecter les lois en général. "Mais ne stigmatisons pas nos concitoyens Roms à cause de leur origine ethnique !", s’est-elle exclamée.
Le document du gouvernement luxembourgeois de janvier 2012 rédigé dans le cadre de l'UE pour une stratégie d'intégration des Roms s’efforce, dans une "remarque préliminaire", de définir le groupe cible de la stratégie, à savoir les "Roms". Jugeant tout d’abord la définition de la Commission "simplifiée à l’extrême", c’est le glossaire sur les Roms et les Gens du voyage du Conseil de l’Europe, considéré comme "beaucoup plus précis", qui est cité. "On doit constater qu'aucune de ces définitions n'est suffisante pour fonder une politique ciblée vers un groupe et pour déterminer une stratégie opérationnelle", conclut le document du gouvernement avant d’avancer que "seule la définition du Conseil de l'Europe permet aux personnes concernées de s'autodéterminer et se révéler appartenir à une telle ethnie". Or, "aucun ressortissant étranger, citoyen communautaire, ne s'est déclaré officiellement faisant partie de ce groupe". "Il n’est pas dans les usages politiques d’établir des politiques spécifiques pour un groupe ethnique particulier fondées sur un style de vie spécifique ou sur une ethnicité", est-il encore indiqué dans le document du gouvernement, qui considère "une telle approche" comme "préventive de la xénophobie et de l'antitziganisme". Le document du gouvernement insiste aussi sur le fait que la discrimination est interdite au Luxembourg, et que le principe d’égalité de traitement s’impose, ce qui exclut logiquement une politique spécifique par rapport aux Roms. Le texte a été ensuite l'objet de critiques.