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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Le Parlement européen a adopté une résolution en faveur de la suspension de l’accord SWIFT
23-10-2013


pe-swiftLe 23 octobre 2013, le Parlement européen, réuni en plénière, a adopté par 280 voix pour, 254 contre et 20 abstentions, une résolution dans laquelle il demande à la Commission européenne la suspension de l'accord SWIFT conclu avec les Etats-Unis et entré en vigueur en juillet 2010 après l'approbation du Parlement européen. Ce vote fait suite aux révélations de l’ancien ingénieur informatique américain, Edward Snowden, diffusées dans la presse le 10 septembre 2013 et selon lesquelles les services secrets américains (NSA) auraient secrètement surveillé et transféré des données financières personnelles de la banque de données de transferts bancaires internationaux, Swift, au mépris du traité sur le programme de surveillance du financement du terrorisme (TFTP), communément nommé accord Swift.

La commission LIBE du Parlement européen s’était déjà emparé de ce nouveau volet du scandale de la surveillance  de données européennes par la NSA, dans le cadre de son "enquête spéciale sur la surveillance de masse de la NSA". Le 23 septembre 2013, la commissaire européenne en charge des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, avait envisagé la suspension de l’accord Swift, au vu de l’indigence de la réponse américaine aux questions européennes. Le 9 octobre 2013, elle avait toutefois estimé que l’absence de preuves ne permettait pas la suspension de l’accord Swift.

Le Parlement européen met son approbation de futurs accords internationaux dans la balance

La résolution adoptée le 23 octobre 2013 par le Parlement européen est une proposition commune des groupes politiques S&D, Verts et ADLE, selon l’agence de presse AFP. Le PPE aurait pour sa part proposé un texte exigeant des clarifications, mais demandant, "pour des raisons de sécurité", qu'il n'y ait pas de suspension de l'accord.  

Dans sa résolution, le Parlement européen se dit "gravement préoccupé" par les révélations relatives aux activités de la NSA "qui constitueraient une infraction grave à l'accord". Les eurodéputés estiment que ces allégations méritent une "enquête technique complète sur place", qui serait menée par Europol, l'agence européenne chargée de la coopération policière et de contrôler le respect des termes de l'accord, ainsi que le révèle un communiqué de presse diffusé par le Parlement européen à l’issue du vote.

Les eurodéputés mettent dans la balance leur future inclination à ratifier de prochains accords internationaux, comme avait déjà eu l’occasion de l’évoquer l’eurodéputé libérale, Sophie In’t Veld, le 9 octobre 2013. En effet, le texte de la résolution affirme que, même si le Parlement n'a pas de compétences formelles pour engager la suspension ou la dénonciation d'un accord international, "la Commission devra agir si le Parlement retire son soutien à un accord particulier" et que le Parlement européen se base sur la réponse de la Commission à cette résolution, "pour donner ou non son approbation à de futurs accords internationaux".

"L'accord SWIFT a été le premier accord international pour lequel, en vertu du traité de Lisbonne, le Parlement européen a dû donner son feu vert. Le consentement du Parlement est nécessaire pour la conclusion d'accords internationaux, mais pas pour la résiliation ou la suspension. Cependant, en retirant son soutien à l'accord TFTP (ou Swift, ndlr), le Parlement envoie un signal très fort. Ce sera un test pour les relations institutionnelles dans le cadre du traité de Lisbonne, et les prochaines demandes pour obtenir le consentement du Parlement pour les traités internationaux", a expliqué l’eurodéputé libérale, Sophie In't Veld, vice-présidente de la commission des libertés civiles, dans un communiqué de presse diffusé par son groupe (ADLE).

Par ailleurs, les eurodéputés estiment que ce dossier précis justifie la prolongation de l’enquête plus large, menée par la commission des libertés civiles (LIBE) sur la surveillance de masse des citoyens de l'Union, afin de vérifier elle aussi si ces allégations sont avérées, rapporte le communiqué de presse du Parlement européen.

Dans un communiqué de presse, les socialistes et démocrates (S&D) indiquent que la Commission européenne doit d’abord lancer l’initiative de la suspension et que celle-ci doit ensuite être soutenue au Conseil par la majorité des deux tiers des Etats membres. L’accord Swift serait alors effectivement suspendu, jusqu’à ce que Washington fournisse une réponse claire aux allégations.

Ecologistes, libéraux, socialistes et démocrates et gauche unie européenne sont sur la même longueur d’onde

"Une réponse positive à la recommandation du Parlement européen serait une chance décisive pour les Etats membres d’exprimer leurs préoccupations pour la protection des données suite aux révélations NSA/PRISM", ajoute la vice-présidente du groupe S&D, Sylvie Guillaume, estimant que "nous mettre en sécurité ne peut jamais être une excuse pour une surveillance excessive aux dépens de la liberté". 

Enquêteur pour le Parlement européen sur le scandale de la NSA, l’eurodéputé socialiste Claude Moraes, rappelle que les USA n’ont toujours pas nié ni apporté de "preuve irréfutable" qu’ils n’ont pas violé les dispositions de l’accord SWIFT. Dans ce contexte, « seule une enquête peut assurer une coopération loyale et en toute confiance pour cet accord comme pour les accords futurs. »

Dans un communiqué de presse diffusé sur le site des Verts européens, Jan Philipp Albrecht, eurodéputé, rapporteur de  la nouvelle règlementation européenne sur la protection des données (lien) , s’est réjoui que "le Parlement européen a envoyé aujourd’hui le message clair que ça suffit !" Les révélations sur l’interception par la NSA de données SWIFT "ridiculisent" cet accord. "L’UE ne peut pas continuer à rester silencieuse face à ces révélations continues : cela donne l’impression que nous ne sommes pas beaucoup plus que le chienchien des Américains", s’agace-t-il. S’ils attendent une "relation saine avec les USA, basée sur le respect et l’intérêt mutuels, les gouvernements européens ne doivent pas avoir peur de défendre les valeurs européennes quand elles sont enfreintes", dit-il dans l’espoir d’une "position claire et sans ambiguïtés" du Conseil européen à ce sujet lors de sa réunion des 24 et 25 octobre 2013.

Mentionnant le nouveau scandale de l’interception de 70 millions d'appels téléphoniques français en 30 jours par la NSA, l’eurodéputée libérale Sophie In’t Veld souligne que "les États membres peuvent considérer qu'ils n'ont pas à se justifier auprès de leurs concitoyens sur le fait que leurs données personnelles sont violées, mais le Parlement européen prend pour sa part au sérieux sa responsabilité, d'autant que nous avons signé à contrecœur l'accord TFTP".

Dans son communiqué de presse le groupe GUE/NGL appelle pour sa part à la fin de l’accord Swift. Le vote du Parlement européen est ainsi qualifié de "premier pas positif vers la cessation complète de l’accord" par l’eurodéputé Kyriacos Triantaphyllides. Même avant les révélations d’Edward Snowden, "et accord a démontré que notre droit à la vie privée n’est pas complètement respectée mais bradée au nom du soi-disant combat américain contre le terrorisme" déclare-t-il. Cet accord ne fut "rien d’autre que de la poudre aux yeux pour cacher le dédain total de la NSA pour la vie privée des citoyens européens”, a pour sa déclaré l’eurodéputé GUE-NGL Cornelia Ernst.

Cecilia Malmström veut poursuivre les consultations

Cecilia Malmström a réagi par communiqué de presse. Elle y prend note de la résolution du Parlement européen. Comme elle l’avait fait devant les eurodéputés le 9 octobre 2013, elle y insiste sur le fait que des consultations, prévues dans l’Accord Swift, ont déjà été lancées avec les autorités américaines. "ans le cadre de ces consultations, la partie américaine a fourni des explications et des garanties détaillées. Nous n’avons aucun indice que l’accord TFTP a été violée, mais nous attendons toujours les garanties écrites supplémentaires que la Commission européenne a demandé aux autorités américaines" explique-t-elle.

Suite à cette résolution du Parlement européen, la Commission va suivre "sans délai" cette dernière requête et en tiendra informé le Parlement, précise-t-elle. "En attendant, les dispositions de l’accord restent en place", conclut Cecilia Malmström.