Seize États membres ont réduit leurs dépenses consacrées à l'éducation entre 2008 et 2011 (Irlande, Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Danemark, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie, Grèce, Italie, Chypre, Hongrie), et six d'entre eux ont continué à appliquer des restrictions budgétaires importantes en 2012 (Royaume-Uni, Portugal, Lettonie, Grèce, Chypre, Italie), selon le dernier rapport de suivi de l'éducation et de la formation publié le 30 octobre 2013 par la Commission européenne. Un rapport, préparé par la Direction générale Education et culture de la Commission et qui selon cette dernière met en exergue les conséquences des restrictions budgétaires et de l'inadéquation des qualifications dans l’UE.
Publié pour la première fois en novembre 2012, ce rapport annuel – qui a remplacé les rapports annuels d’avancement vers les objectifs de Lisbonne sur l’éducation et la formation - vise à donner un aperçu des progrès de chaque pays mesurés à l'aune de critères de référence et d'indicateurs spécifiques dans le cadre du programme "Éducation et formation 2020".
Il met par ailleurs en évidence les évolutions politiques dans le domaine de l'éducation et de la formation ainsi que les résultats des études les plus récentes en la matière. Agrémenté en outre de 28 rapports nationaux et d'un outil de visualisation en ligne, il fournirait une "abondance de données qui facilitent l'élaboration de politiques à partir d’éléments concrets dans l'ensemble de l'Europe", détaille la Commission dans un communiqué.
"Les données fournies par le rapport de suivi annuel de l'éducation et de la formation sont très précieuses car elles permettent aux États membres de se comparer les uns aux autres et incitent les décideurs à investir de manière efficiente dans la modernisation de leurs systèmes éducatifs afin d'en améliorer la qualité et les résultats. Cet aspect est d'une importance vitale si l'on veut que les jeunes disposent des qualifications nécessaires pour réussir dans la vie", a insisté Androulla Vassiliou, la commissaire européenne chargée de l'éducation.
Pour ce qui est des résultats globaux, le rapport confirme notamment la baisse du taux d'emploi des jeunes diplômés (qui ont décroché au moins un diplôme du second cycle de l'enseignement secondaire): Ainsi seuls 75,7 % d'entre eux ont trouvé un emploi au plus tard trois ans après l'obtention de leur diplôme, alors qu'ils étaient 82 % en 2008.
Par ailleurs, le rapport souligne que si le fait de pouvoir se prévaloir d’un diplôme universitaire procure encore un avantage visible sur le marché du travail dans tous les Etats membres, 21 % des diplômés de l'enseignement supérieur occupent un poste correspondant à un niveau de qualification inférieur. "Malgré des taux de chômage élevés, ceci semble indiquer une asymétrie entre les compétences acquises grâce au système éducatif et celles demandées sur le marché du travail", relèvent les auteurs.
En revanche, des progrès sont à noter en matière de décrochage scolaire. Ainsi, le taux de jeunes en décrochage ou abandonnant une formation, qui s'élève à 12,7 %, est à la baisse, l'objectif de l'UE pour 2020 étant de 10 % au maximum. "Cependant, entre 2009 et 2012, l’Italie, l’Allemagne, la France et Chypre ont fait peu de progrès et la Hongrie, la Roumanie et la Belgique ont même montré une augmentation de leurs taux d'abandon scolaire", poursuivent les auteurs qui ajoutent que la transition entre le monde éducatif et le marché du travail reste le principal défi dans ce domaine.
Selon le rapport, le taux de chômage chez les jeunes décrocheurs dépasse en effet les 40 %, les auteurs soulignant néanmoins que la transition peut être facilitée par des stages, des apprentissages professionnels de qualité et des modèles de formation en alternance, qui associent enseignement et expérience pratique. Cela serait particulièrement le cas dans les États membres qui proposent un système élaboré de formation par le travail (notamment l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark et les Pays-Bas).
Parallèlement, le nombre de retour des jeunes depuis le marché du travail vers l'enseignement reste extrêmement faible: moins de 1 % des 18-24 ans entament un apprentissage non formel après avoir quitté l'enseignement formel.
"Avec l’augmentation du taux de diplômés de l'enseignement supérieur, qui s'élève désormais à 35,7 % alors que l'objectif d'Europe 2020 est de 40 %, la priorité des politiques menées évolue vers la réduction du taux de décrochage scolaire, l'augmentation de la qualité et de la pertinence des programmes et la promotion de la mobilité internationale des étudiants", jugent encore les auteurs. Selon ces derniers, la mobilité internationale dans l'enseignement supérieur permettrait d’accroître "la probabilité de mobilité après l'obtention du diplôme et peut contribuer à lutter contre l'inadéquation des qualifications et les goulets d'étranglement qui en résultent sur le marché du travail européen".
En ce qui concerne les compétences acquises au travers des systèmes d’éducation, le rapport met en évidence "de sérieuses contreperformances dans les compétences basiques et transversales pourtant cruciales pour le marché du travail européen". Ainsi près de 20 % des 16 à 65 ans dans l’UE ne dépasseraient pas le niveau de base en lecture et ils seraient 24 % pour ce qui concerne le calcul. Les objectifs Europe 2020 visent à ramener ces taux à un maximum de 15 %.
"Les résultats de l’enquête sur les compétences des adultes soulignent le besoin de systèmes d’éducation tout au long de la vie. Cependant, le niveau de compétence et la participation des adultes à ces systèmes sont très fortement corrélés. Seuls 9 % des adultes recourent à l’éducation au long de la vie (l’objectif pour 2020 est de 15 %), et la participation est plus importante chez les jeunes et les personnes qui présentent un niveau d’instruction élevé que chez ceux qui en auraient vraiment besoin", relève encore l’étude.
Le rapport met encore en évidence une autre caractéristique persistante de nombreux systèmes en Europe. Ceux-ci seraient marqués par les inégalités, dont témoignent les lacunes marquées en matière de compétences et de qualifications de certains groupes tels que les jeunes issus de l'immigration. "Alors que ces inégalités ont de graves conséquences pour les particuliers ainsi que pour les progrès économiques et la cohésion sociale, la capacité à faire face à ce problème varie fortement d'un État membre à l'autre", peut-on encore lire dans le rapport.
L'évolution démographique affecterait par ailleurs considérablement le corps enseignant: dans de nombreux États membres, la majorité des enseignants appartient à la tranche d'âge la plus élevée et rares sont ceux qui ont moins de 30 ans. Selon les auteurs, il convient dès lors de repenser la manière d'attirer, de recruter et de former les meilleurs candidats et de veiller en outre à ce qu'ils soient soutenus dans leur évolution professionnelle tout au long de leur carrière.
Enfin, les Etats membres accusent un certain retard dans la mise à disposition de ressources éducatives libres et de cours en ligne ouverts et massifs selon les auteurs. Bien que le recours aux technologies numériques soit pleinement ancré dans les usages en ce qui concerne les relations interpersonnelles, le monde du travail et le commerce, ces technologies ne seraient pas exploitées au maximum dans les systèmes d'éducation et de formation en Europe. "Si 70 % des enseignants de l’UE reconnaissent qu’il importe d’utiliser des méthodes d’enseignement s’appuyant sur les technologies de l'information et de la communication, seuls 20 % des étudiants sont formés par des enseignants qui se sentent à l'aise avec les technologies numériques et qui sont favorables à leur utilisation", relèvent les conclusions du rapport.
En termes de dépenses publiques consacrées à l’éducation, le Luxembourg se place dans la moyenne européenne (5,1% du PIB contre 5,3% dans l’UE en 2011), selon la fiche spécifique consacrée au pays. Les auteurs soulignent néanmoins que ces données ne comprennent pas les chiffres relatifs à l'enseignement supérieur, dont la moyenne européenne annuelle atteint pourtant 9 168 euros par étudiant.
Mais si ces dépenses sont dans la moyenne en termes relatifs, ce n'est pas le cas en absolu. Le Grand-Duché présentant un PIB par habitant très élevé, le niveau de dépenses par élève/étudiant y est nettement au-dessus de la moyenne: en 2010, ces dépenses atteignaient 15 262 euros par élève et par an dans le primaire (contre 6 021 euros pour la moyenne de l’UE) et 13 203 euros par tête dans le secondaire (7 123 euros dans l’UE).
Entre 2000 et 2010, le niveau de ces dépenses a par ailleurs augmenté, pour pratiquement doubler, selon les auteurs. Ceux-ci relèvent une hausse importante (+4 %) dans les ressources humaines, ainsi qu’une progression des aides directes pour améliorer les compétences professionnelles et linguistiques dans la population adulte (de14,5 % à 20 % en 2011). Le rapport met encore en évidence une augmentation de 35 % du financement de l’Etat dans des politiques d’emploi spécifiques destinées aux adultes peu qualifiés.
Pour ce qui est des compétences de base des jeunes luxembourgeois, en revanche, les résultats sont relativement faibles et suivent une tendance à la baisse depuis 2003. Ainsi selon la dernière étude PISA (2009), près de 26 % des jeunes de 15 ans ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture (19,6 % dans l’UE), ils sont 23,9 % pour les mathématiques et 23,7 pour les sciences (contre respectivement 22,2 % et 17,7 % en moyenne UE).
"Le fait que Luxembourg est un pays trilingue pose des défis supplémentaires pour les étudiants, en particulier ceux issus de l'immigration", expliquent les auteurs qui soulignent que "l’importante proportion d'immigrés dans la population crée des disparités dans les taux de réussite entre les élèves autochtones et immigrants". Et le rapport d’évoquer dès lors des "inégalités inquiétantes" entre les jeunes du Luxembourg.
Le Grand-Duché connaît un taux relativement faible de décrochage scolaire (8,1% en 2012) par rapport à la moyenne de l'UE de 12,7%, mais ici aussi le problème est plus important parmi la population migrante, même si les auteurs notent aussi qu’il a progressé chez les jeunes garçons autochtones. "Cela souligne la nécessité de prendre des mesures supplémentaires, notamment pour améliorer l'éducation dans la petite enfance, et d'augmenter les ressources disponibles pour les formations linguistiques et les cours de rattrapage", préconise le rapport.
Les données suggèrent également que les jeunes décrocheurs luxembourgeois ont un désavantage plus prononcé sur le marché du travail que la moyenne européenne, pourtant déjà élevée (40 % de chômeurs dans l'UE).
Si le taux de jeunes qui concluent un cycle d’étude supérieur est impressionnant avec 49,6 % au Luxembourg contre 35,7 % en moyenne dans l’UE, ce chiffre doit être relativisé selon les auteurs. En effet la méthodologie d’Eurostat se base sur la population qui exerce une activité professionnelle au Luxembourg, or ces chiffres sont biaisés pour le Grand-Duché qui accueille chaque jour une population supplémentaire de plus de 150 000 travailleurs frontaliers (pour une population de base d’un peu plus de 500 000 habitants). L’objectif Europe 2020 de 40 % a donc été révisé pour le Grand-Duché qui devra atteindre 66 %.
Le chômage des jeunes, qui atteignait 18 % en 2012, reste en dessous de la moyenne européenne, mais se révèle singulièrement élevé au regard du faible taux de chômage dans le pays (6 %), ce qui serait surtout attribuable à un "manque de compétences et de qualifications", estime le rapport. Le taux d’emploi des jeunes diplômés lui est supérieur à la moyenne de l’UE, avec près de 85 %.
Enfin en ce qui concerne l’apprentissage tout au long de la vie, près de 13,9 % des adultes y participent, contre 9 % dans l’UE. Dans les grandes entreprises, pas moins de 60 % des employés ont recours à des formations, quand ils sont 48 % en moyenne dans l’UE. En revanche, le Luxembourg n’a communiqué aucun chiffre sur la maîtrise des compétences de base chez les adultes résidents.
En conséquence, les recommandations de la Commission européenne au Luxembourg dans le domaine de l'éducation appellent "à redoubler d'efforts pour réduire le chômage des jeunes en améliorant la conception et le suivi de politiques d'emplois actives. Le Luxembourg est également appelé à renforcer l'éducation générale et professionnelle afin de faire mieux correspondre les compétences des jeunes à la demande de main-d'œuvre, en particulier pour les personnes issues de l'immigration. En outre, le pays devrait prendre des mesures énergiques pour accroître le taux de participation des travailleurs âgés, notamment en améliorant leur employabilité au travers de la formation continue", conclut le rapport.