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Parlement européen - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Midi de l'Europe - Pétitions: comment fonctionne ce droit fondamental du citoyen européen?
13-11-2013


lowe (Source: Parlement européen)Tout citoyen peut, à n'importe quel moment, que ce soit à titre individuel ou en association avec d'autres, exercer son droit de pétition auprès du Parlement européen.  Ce droit est l'un des droits fondamentaux du citoyen en Europe. Mais à quoi sert une pétition? Quels sont les cas de figure où le recours à cette procédure a un sens? Comment se déroule la procédure? Sur quoi portent les pétitions émanant du Luxembourg?

Ces questions étaient le point de départ de la conférence des Midis de l’Europe, organisée le 13 novembre 2013, à l’occasion de laquelle le chef d’unité du secrétariat de la commission des pétitions du Parlement européen, David Lowe était invité à s’exprimer et à débattre avec  le public à la Maison de l’Europe. L’occasion aura aussi servi à présenter le service "Demandes d'informations des citoyens" du Parlement européen, basé au Luxembourg.

Selon David Lowe, la commission des pétitions du Parlement européen ne serait pas une commission parlementaire comme les autres. Elle serait "exceptionnelle car elle est la seule à avoir pour vocation explicite d’être à l’écoute de la réalité des citoyens. Toutes les autres commissions parlementaires ont des responsabilités législatives, c’est-à-dire de projeter en avant, de présenter et d’amender les nouvelles législations proposées par la Commission européenne. Notre rôle en revanche est plutôt de faire en sorte que le citoyen qui se trouve face à cette législation européenne dans sa réalité quotidienne puisse venir s’exprimer  auprès des parlementaires pour dire ce qu’il pense de ces lois et de leur application dans chaque Etat membre", a ainsi rappelé le chef d’unité.

Quelque 80 % des pétitions transmises au Parlement européen concernent l’application du droit communautaire, la commission parlementaire n’ayant d’ailleurs pas de compétence au-delà des domaines de compétences de l’Union européenne, à l’exclusion donc de ceux relevant des Etats membres. "Il faut dire d’emblée que pour le citoyen, la distinction est parfois un peu floue", a-t-il poursuivi.

Face notamment aux critiques et aux plaintes des citoyens sur le thème "c’est la faute de Bruxelles", le travail de la commission des pétitions nécessiterait un sens important de coopération tant avec les citoyens qu’avec les Etats membres pour expliquer notamment aux citoyens que les Etats ont aussi leur part de responsabilité.

Le droit de pétition

Le droit de pétition est basé sur l’article 27 du traité de Lisbonne qui confère à tout citoyen et à tout résident de l’UE le droit de pétition auprès du Parlement européen. En 2013 la commission a jusqu’à présent reçu plus de 2 000 pétitions qui sont en cours d’analyse. En 2012, 1 986 pétitions avaient été enregistrées, dont 1 406 ont été déclarées recevables, c’est-à-dire qu’elles entraient dans le champ de compétences de l’UE.

"Ce n’est qu’après la décision de recevabilité, qui est prise démocratiquement par les 35 députés de la commission des pétitions, que le vrai travail d’analyse commence. Chaque personne, avec une seule signature, à le droit de déposer une pétition et chacun recevra une réponse, dans sa langue. C’est une charge importante mais nous y tenons pour exprimer le respect que le Parlement doit avoir pour chaque citoyen et résident de l’UE", a précisé David Lowe.

Différentes pistes en fonction des sujets abordés dans les pétitions déclarées recevables. En 2012, près de 25 % des pétitions touchaient le domaine des droits fondamentaux, domaine couvert par la charte éponyme intégrée au traité de Lisbonne. "Pour le citoyen cette charte à une importance mais nous constatons qu’il est dans la réalité très difficile d’exiger des Etats membres, et même parfois des institutions européennes, le respect total des principes qui y sont incarnés. Sur ce sujet, donc un quart des pétitions, nous nous trouvons donc très souvent en porte-à-faux face à la Commission européenne qui dit que selon l’article 51 de la Charte, ce n’est que quand les lois européennes sont appliquées que la Charte elle-même est applicable".

"Or sur les questions de droit à la propriété, à la vie familiale, aux enfants, les citoyens viennent vers la commission des pétitions pour demander des comptes et les députés, contrairement à ce qui se passe à la Commission, entendent et traitent chacune de ces demandes sur la base de ses mérites. Ce n’est pas parce qu’on se réclame de la Charte ou de ses applications qu’on peut forcément trouver une solution politique pour le citoyen, mais il n’empêche que c’est un devoir de notre commission d’agir là où ils estiment que c’est justifié pour les citoyens concernés, que ce soit auprès de leur Etat membre, de leur administration locale ou autre", a insisté le chef d’unité.

La mise en cause de l’Allemagne par un grand nombre de citoyens sur la question du fonctionnement du Jugendamt, notamment chargé de la protection de la jeunesse, est un exemple. Dans le cas de divorces entre binationaux, la commission des pétitions a ainsi constaté des cas de discrimination en faveur du parent allemand par rapport au parent d’une autre nationalité "qui dans un certain nombre de cas, portaient préjudice aux droits de l’enfant. Nous avons donc travaillé avec les autorités pour mettre en place un certain nombre de lignes de conduite qui limitent les possibilités de discrimination, contraires au traité", a-t-il appuyé.

Plus d’un quart des pétitions seraient par ailleurs consacrées aux questions environnementales – protection, déchets, pollutions, eau, etc. Très souvent, il s’agit de protester contre le tracé d’une autoroute ou un chemin de fer qui traverserait une zone protégée au sens d’une directive ou d’un règlement communautaire "qui limitent les possibilités de création d’infrastructures dans ces zones. Il s’avère que souvent les autorités responsables ignorent ou n’appliquent pas les directives. Ici aussi c’est à travers la coopération avec les Etats membres que nous essayons d’intervenir pour soutenir les pétitionnaires", appuie Lowe.

Selon le chef d’unité, "parfois cela demande beaucoup de contacts et d’échanges pour trouver les moyens d’une part de soutenir une plainte légitime de la part des citoyens, d’autre part de conforter les autorités, qui ont le droit de construire des autoroutes, mais pas n’importe où, seulement là où c’est autorisé. C’est une question essentielle de primauté du droit communautaire".

Les questions du marché intérieur, le droit d’asile, les visas, mais également les pensions  (qui relèvent des autorités nationales) notamment pour les citoyens travaillant dans un autre Etat membre que celui dans lequel ils vivent soulèveraient aussi beaucoup d’interrogations chez les citoyens.

Le fonctionnement de la commission des pétitions

Un des aspects-clé de la commission des pétitions et qui la différencie des autres commissions est que le citoyen peut assister à ses réunions à Bruxelles, la plupart des décisions étant prises en présence des pétitionnaires assure le chef de service. "Ils peuvent ainsi présenter leur vision devant les députés, devant la Commission européenne qui assiste toujours à nos travaux, devant les représentants des Etats membres et d’autres parties intéressées ce qui fait que le citoyen devient non seulement celui qui présente un problème mais aussi acteur pour la solution de son problème".

La commission des pétitions a également le pouvoir de mener des missions d’enquête au sein des Etats membres. Ce fut notamment le cas lors d’une pollution provoquée par une entreprise en Espagne ayant mené à des taux de maladies pulmonaires et de cancers bien au-delà de la normale. "Nous nous sommes rendus sur place avec les pétitionnaires pour rencontrer les syndicats, les autorités et les responsables de l’entreprise pour demander des explications et exiger que la directive soit mieux respectée. La Commission européenne a d’ailleurs donné suite via une procédure d’infraction contre l’Espagne qui était clairement en porte-à-faux par rapport au droit communautaire", a-t-il ajouté.

La question des déchets à Naples en Italie a également donné lieu à une mission de ce genre. "Les citoyens voient quand le Parlement européen se déplace. C’est un événement qui sans être une baguette magique qui règle tous les problèmes, agit très souvent comme catalyseur. Notre présence rapproche parfois des pétitionnaires et des autorités qui ne s’étaient jamais rencontrés et souvent, c’est la clé pour trouver des solutions. C’est un agissement « soft », mais la pression politique peut quand même est très forte dans les cas où le droit communautaire est bafoué".

Cet élément de participation et d’implication des députés irait selon lui  bien au-delà de l’idée que les gens ont souvent de l’action du Parlement européen. L’institution  serait en effet perçue comme très distante et déconnectée des réalités et des problèmes des uns et des autres. "Nous essayons à la commission des pétitions avec une portée modeste et dans le domaine de notre responsabilité de faire le maximum pour donner un vrai droit de parole aux citoyens et résidents de l’UE pour montrer que le Parlement n’est pas seulement là pour légiférer mais aussi pour agir pour ces citoyens et résidents".

David Lowe parle ainsi d’un travail passionnant qui touche la réalité des citoyens, mais également très frustrant lorsqu’il s’agit de constater les obstructions existantes à l’application des droits des citoyens, y compris le manque de temps en séance plénière pour les débats. "Selon moi ça ne rend pas justice au citoyen nous devons donc toujours exiger plus et de notre institution et de nos citoyens, pour qu’ils viennent davantage vers nous."

La conférence a par ailleurs été l’occasion de présenter le service des "Demandes d'informations des citoyens" du Parlement européen, basé au Luxembourg. Celui-ci se présente comme une unité administrative du Parlement européen qui a pour mission de donner au citoyen qui se pose des questions sur l’UE, des informations sur l’organisation, les activités et  les compétences du Parlement.

Le service, qui est en première ligne sur les sujets d’intérêt pour les citoyens, se propose par ailleurs de rapporter ces contributions au Parlement européen. Près de 8 000 courriers sont adressés au service chaque année, l’Allemagne étant en tête (ce qui s’expliquerait notamment par la taille du pays). Les sujets traités sont en majorité des problèmes internes de l’UE ou  des Etats membres mais également le fonctionnement des institutions. Les libertés civiles, la justice et le bien-être animal sont également des sujets très mis en avant par les citoyens.