Le Parlement européen a adopté le 20 novembre 2013 l’accord conclu avec le Conseil portant sur les cinq projets législatifs réformant la politique agricole de l'UE (PAC) pour la période 2014-2020. La réforme de la PAC ainsi adoptée visera à mettre après 2013 davantage l'accent sur la protection de l'environnement, à garantir une distribution plus équitable des fonds européens et à aider les agriculteurs à mieux relever les défis du marché.
Le paquet mis aux voix incluait les quatre règlements sur la politique agricole commune 2015-2020 ainsi qu'un règlement fixant des règles transitoires pour 2014. Les eurodéputés réunis en plénière ont ainsi adopté :
Le processus de réforme de la PAC, lancé en 2010 au Parlement, avait atteint sa phase finale en juin 2013, lorsque les négociateurs du Parlement, du Conseil et de la Commission ont conclu un accord politique sur les thèmes principaux.
Le vote final en plénière est pour sa part intervenu suite à un autre tour de négociations lors desquelles les questions en suspens ont été résolues.
"La toute première réforme de la politique agricole de l'UE, conclue conjointement par les ministres et les députés directement élus, vient d'être finalisée. Au cours de négociations difficiles, le Parlement a apporté des améliorations importantes. La nouvelle PAC cherchera un équilibre plus juste entre la sécurité alimentaire et la protection de l'environnement, préparera mieux les agriculteurs à relever les défis à venir, et sera plus équitable et plus légitime", a commenté le président de la commission de l'agriculture et principal négociateur, l’eurodéputé italien Paolo De Castro (S&D), à l’issue du vote.
Tout comme les Etats membres réunis en Conseil l’avaient déjà exprimé, plusieurs députés se sont inquiétés des actes délégués présentés par la Commission quant à leur cohérence avec l'accord politique de juin scellé entre les institutions. Selon la majorité des Etats membres et de nombreux députés, ceux-ci risquent en effet de modifier l’équilibre atteint dans le compromis. D’autre part, les groupes Verts/ALE et GUE/NGL ont particulièrement critiqué l’accord, de même que les eurosceptiques (CRE).
Paolo De Castro a ainsi réclamé que les actes délégués respectent bien l'accord politique sur la réforme, assurant que le Parlement jouerait son rôle avec sérieux et détermination.
"J'ai entendu les demandes de modifications qui ont été formulées sur un certain nombre de points", a répondu le commissaire en charge de l’agriculture, Dacian Ciolos. "Nous n'avons aucune intention d'aller au-delà de l'accord politique", mais la Commission doit préciser certaines choses, c'est son rôle, a-t-il assuré. L'esprit de ces actes délégués ne serait ainsi en aucun cas de rouvrir les discussions politiques, mais, au contraire, d'appliquer pleinement le compromis. Le Parlement européen devrait d’ailleurs être consulté dans le processus visant à clarifier les points susceptibles de soulever des doutes en rapport avec l'accord politique a encore promis le commissaire Ciolos, cela alors que la procédure ne le prévoit pas.
Parmi les réactions au sein du Parlement européen, le PPE s’est félicité de l’adoption de la réforme. Le rapporteur sur le financement de la PAC, Giovanni La Via (PPE, italien) a insisté pour que "maintenant que nous avons une nouvelle PAC, nous devons donner aux agriculteurs plus de temps pour se familiariser avec les nouvelles règles, c'est une question d'équité. Par conséquent, aucune des sanctions ne seront imposées dans les deux premières années de la nouvelle PAC et c’est uniquement à partir de là qu’elles augmenteront graduellement jusqu'à un niveau de 25 %".
Le groupe ALDE a pour sa part voté contre le règlement sur l'organisation commune de marché unique. Le Britannique George Lyon (ADLE) a particulièrement critiqué le maintien de dispositifs "inefficaces" du passé concernant les mesures de marché selon des propos que rapporte l’Agence Europe.
Pour le groupe des Verts/ALE, qui a voté contre le texte, le Parlement a adopté une réforme injuste et inefficace de la politique agricole commune, avançant que la problématique du plafonnement des aides directes aux agriculteurs et les avancées sur les questions environnementales ont été balayées du revers de la main.
Le Vert français José Bové, vice-président de la commission de l'agriculture du Parlement européen, a ainsi dénoncé "le manque de respect des pratiques démocratiques qui caractérisent ce vote final sur la PAC. La décision du Président, Martin Schultz, de faire voter directement en bloc les textes consolidés pour que les derniers amendements déposés ne soient pas discutés et mis au vote a empêché le débat politique et va à l’encontre de l’esprit du Parlement européen". Il a aussi critiqué l’absence de plafonnement des aides qu’il juge "insupportable", dans la mesure où "les grandes exploitations céréalières vont continuer à toucher des centaines de milliers d’euros chaque année alors que d’autres secteurs comme l’élevage dans les zones de montagne ne reçoivent que des miettes".
Et de poursuivre: "Aujourd’hui, le Parlement européen a suivi la volonté du Conseil européen de renationaliser la PAC. L’Europe a sabordé la seule politique commune que nous avions réussi à mettre en place en permettant aux Etats membres d’imposer les mesures les moins contraignantes pour l’agro-industrie. La concurrence entre les différentes régions de l’Union s’en trouve exacerbée. C’est la porte ouverte au dumping social et au renforcement d’un modèle productiviste qui va droit dans le mur comme le montre l’effondrement de l’économie agricole de la Bretagne en France. Les égoïsmes nationaux et les intérêts des lobbys ont primé sur l’intérêt général et la mise en place de la souveraineté alimentaire en Europe. Une fois encore ce sont les petits paysans, l’agriculture familiale, les consommateurs et l’environnement qui vont payer les pots cassés. La logique de la concurrence l’a emporté sur l’esprit de solidarité."