Principaux portails publics  |     | 

Justice, liberté, sécurité et immigration
A la suite du Parlement européen, Transparency International appelle au renforcement de la protection légale des lanceurs d’alerte dans l’UE
05-11-2013


TI-whistleblowersLe 5 novembre 2013, Transparency International a publié un rapport intitulé "L’alerte éthique en Europe", qui consiste en une étude comparative des législations des 27 pays membres, pour ce qui est de la protection juridique des lanceurs d’alerte, également connus sous leur appellation anglo-saxonne de whistleblowers.

Réalisé avec le soutien de l’Union européenne, le rapport sonde également les facteurs politiques et sociétaux qui permettent de comprendre la situation de chaque pays par rapport à un phénomène, l’alerte éthique (ou whistleblowing), dont il constate qu’il a pris de l’ampleur depuis quelques années. L’alerte éthique est "davantage monnaie courante depuis que la crise financière persistante et un sentiment croissant de désenchantement poussent les gens à travers l’Europe à dénoncer la corruption, la fraude et l’injustice", constate-t-il. Transparency International est d’autant plus ravie de ce développement que, rappelle-t-elle dans son rapport, "les lanceurs d’alerte sont des acteurs importants dans les efforts nationaux et mondiaux de lutte contre la corruption".

Toutefois, ces personnes "risquent leur carrière et parfois leur propre sécurité pour exposer les dysfonctionnements qui menacent la santé et la sécurité publiques, l’intégrité financière, les droits de l’homme, l’environnement et l’Etat de droit", lit-on encore dans le rapport. Ainsi, deux obstacles principaux s’opposent aux personnes tentés de donner l’alerte : "la peur des représailles" et "le sentiment que leurs révélations ne changeront rien". "En l’absence d’une solide protection garantie par la loi, les agents publics et les salariés courent le risque d’être licenciés, sanctionnés ou harcelés en signalant des crimes ou des actes de corruption", dit le rapport. Pourtant, "des scandales de corruption et des catastrophes qui ont coûté de lourdes pertes humaines ou financières auraient pu être évités si les salariés, ayant eu la garantie d’une telle protection, avaient lancé l’alerte". Ainsi, le renforcement de la législation et des procédures devraient permettre à l’alerte éthique de se répandre davantage et d’être mieux accepté par la public.

La Commission doit suivre le Parlement européen

"L’UE aspire à guider le monde en termes de droits de l’homme, de libertés individuelles et de justice. Mais comme le montre ce rapport, la plupart des Etats européens sont en retard par rapport aux standards internationaux quand il s’agit de protéger les lanceurs d’alerte et leur fournir des voies sures pour rapporter des dysfonctionnements", dit l’ONG dans l’introduction à ce rapport.  

Le rapport constate que seuls quatre pays de l’UE peuvent être considérés comme ayant une législation suffisante. Parmi eux, figure, aux côtés de la Roumanie, du Royaume-Uni et de la Slovénie, le Luxembourg. Ces pays sont dits "avancés", au sens où, grâce à leur législation, “un fonctionnaire ou un employé d’une entreprise qui révèle des dysfonctionnements graves serait légalement protégé de certaines formes de représailles ». Parmi les 23 autres Etats membres pris en compte par le rapport, 16 protègent partiellement les lanceurs d’alerte tandis que sept autres (Bulgarie, Finlande, Grèce, Lituanie, Portugal, Slovaquie et Espagne) offrent une protection "très limitée"  voire aucune protection.

En somme, de nombreuses lois sont imprécises ou comportent des lacunes et des exceptions, constate l’ONG. La mise en place de procédures pour recueillir les alertes fait régulièrement défaut, de même qu’une définition claire de l’alerte éthique, une garantie de confidentialité et une protection contre des poursuites abusives pour diffamation

En conséquence, Transparency International appelle tous les pays européens à promulguer et renforcer leur législation en matière de droit d’alerte. « Les gouvernements et les entreprises doivent soutenir les lanceurs d’alerte qui révèlent de graves dysfonctionnements », dit-elle dans le communiqué de presse diffusé par sa section française.

Mais le renforcement de la législation ne suffit pas complètement s’il n’est pas accompagné d’efforts pour renforcer l’acceptation des lanceurs d’alerte. Ainsi, les Etats membres sont invités par l’ONG à "commencer un dialogue public qui mènera à une plus grande estime des lanceurs d’alerte en tant que figures importantes dans la lutte contre la corruption".

L’ONG exhorte également la Commission européenne à suivre l’appel en ce sens formulé par le Parlement européen dans une résolution sur le crime organisé adoptée le 23 octobre 2013. Les eurodéputés y invitent "la Commission à présenter avant fin 2013 une proposition législative visant à mettre en place un programme européen efficace et complet pour protéger, dans le secteur privé comme dans le secteur public, ceux qui détectent des erreurs de gestion et des irrégularités et qui dénoncent des cas de corruption nationaux et transfrontaliers liés à des intérêts financiers de l'Union européenne, ainsi que les témoins, les informateurs et les collaborateurs de justice, et en particulier les témoins déposant contre des organisations mafieuses et autres organisations criminelles, qui apporte une solution aux conditions de vie difficiles qu'ils connaissent (risques de représailles, rupture des liens familiaux, déracinement, exclusion sociale et professionnelle, etc.)" et les États membres "à assurer une protection adéquate et efficace aux dénonciateurs".  

Transparency International ajoute que la proposition devrait être basée sur "une vaste et solide consultation publique" déterminant les moyens légaux pour renforcer la législation, les procédures et les pratiques en définissant des standards minimums communs. Ces derniers ont notamment été développés par le Conseil de l’Europe et l’OCDE ainsi que des ONG conseillant et soutenant les lanceurs d’alerte, telles Transparency International, rappelle cette dernière.

La situation au Luxembourg

Le Luxembourg, classé parmi les quatre pays avancés, est distingué par le rapport de Transparency International pour sa loi du 13 février 2011 renforçant les moyens de lutte contre la corruption, adoptée en réponse "à des obligations internationales".

Cette loi offre ainsi une protection aux informateurs qui dénoncent des cas de corruption, de conflits d’intérêts ou d’abus de pouvoir.  Cette loi a pour mérite de permettre au lanceur d’alerte de formuler un appel devant le tribunal du travail, au cas où il serait licencié pour ce motif et laisse la charge de la preuve à l’employeur. Toutefois, il n’existe pas encore de cas connu par l’ONG où elle aurait été utilisée. "Soit personne n’a lancé d’alerte soit personne n’a commis de réprésailles contre un lanceur d’alerte", suppose-t-elle. Néanmoins, cette protection ne leur est pas accordée s’ils s’adressent à des médias ou à des ONG.  

L’ONG voit donc la nécessité d’améliorer la législation, notamment en créant une agence indépendante qui serait chargée de recueillir et d’enquêter sur les alertes éthiques. Par ailleurs, elle estime qu’il y aurait un travail de sensibilisation du public, à la fois sur les mérites des lanceurs d’alertes et sur l’intérêt de la législation, à réaliser.  Etant donné "ses relations personnelles et professionnelles proches, des cercles politiques et économiques interconnectés et un très haut revenu par habitant" qui caractérise le pays, "la population se rend très peu compte de la manière dont la corruption et d’autres crimes peuvent se manifester". En même temps, l’alerte éthique n’est "pas positivement perçue dans les administrations de l’Etat, les compagnies privées et la population en général".