Le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg, Jean Asselborn, a participé au Conseil "Affaires étrangères" (CAE) de l’Union européenne (UE) le lundi, 16 décembre 2013 à Bruxelles.
Le Conseil a débuté par une introduction de la Haute Représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Catherine Ashton, sur l’accord des E3+3 avec l’Iran et sur les modalités de sa mise en œuvre. Saluant le succès diplomatique que constitue l’accord du 24 novembre 2013 sur le nucléaire iranien, les ministres ont insisté sur l’importance de sa mise en œuvre par toutes les parties, afin de poursuivre sur la voie du regain de confiance et de l’apaisement des tensions.
Le CAE a donc approuvé l'accord sur un plan d'action conjoint du 24 novembre à Genève. Pour le Conseil, "une mise en œuvre rapide des mesures volontaires prises par toutes les parties est maintenant essentielle". Ainsi, si "l'Iran doit mettre en œuvre ses engagements de bonne foi", "le Conseil s'est engagé à prendre les mesures nécessaires et à suspendre les sanctions de l'UE figurant dans le Plan d'action conjoint immédiatement après que l'AIEA aura vérifié la mise en œuvre des mesures liées au nucléaire par l'Iran et sur la base d'une recommandation de la Haute représentante". "Cet accord est un signal tant attendu de l'engagement de toutes les parties à bâtir la confiance, à réduire les tensions et à poursuivre les efforts diplomatiques en vue d'une solution globale aux préoccupations majeures concernant les activités nucléaires de l'Iran".
Les ministres se sont ensuite penchés sur la situation en Syrie et au Liban. Dans ce contexte, les ministres ont abordé les derniers développements politiques en la matière et ont notamment traité des préparatifs de la conférence de Genève II qui devrait se tenir en janvier 2014. Ils ont également fait le point sur la mise en œuvre de l’accord de démantèlement de l’arsenal chimique syrien et ont discuté des contributions que l’UE peut apporter sur le volet humanitaire, avant de mener un débat sur les implications de la crise syrienne au Liban en termes tant économiques, que sécuritaires et politiques.
Le CAE a également adopté plusieurs amendements à des mesures restrictives de l'UE contre la Syrie. Ils ont autorisé l'importation ou le transport d'armes chimiques ou de matériel connexe de la Syrie dans l'UE "si ces mouvements sont à l'appui des travaux de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) sur l'élimination des armes chimiques de la Syrie". De l’autre côté, le CAE a interdit l'importation et l'exportation de biens et articles d'importance archéologique, culturelle et religieuse, sortis illégalement de Syrie depuis le début de la crise. Par ailleurs, lorsque des fonds ou ressources économiques gelés sont dégelés pour fournir une aide humanitaire, cela sera uniquement fait pour assurer la conduite d'activités humanitaires et protéger contre le risque d'abus en les débloquant à l'Organisation des Nations unies pour l'acheminement de l'aide en Syrie dans le cadre du Plan d'intervention humanitaire d'aide à la Syrie.
Le Conseil a ensuite consacré ses travaux au Partenariat Oriental de l’Union européenne, en accordant une attention particulière à la situation en Ukraine. Les ministres européens ont été rejoints par le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov, pour le déjeuner de travail offert par la Haute Représentante, Catherine Ashton.
Les discussions ont permis de passer en revue les relations bilatérales UE-Russie et d’aborder des sujets d’actualité politique internationale tels notamment la situation en Iran et en Syrie. Le débat a en outre permis d’avoir un échanges de vues franc et approfondi entre le ministres de l’UE et le ministre russe sur les derniers développements en Ukraine.
Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, a amplement informé la presse sur cette réunion et l’a commentée, de sorte qu’il est cité par de nombreuses agences et journalistes.
L’Agence Europe le cite ainsi en réaction au message Twitter du commissaire européen à l’élargissement, Stefan Füle, qui avait dit que les négociations pour l’accord d’association avec l’Ukraine étaient suspendues faute d’engagement clair de la part du gouvernement de Kiev: "Il faut écouter le peuple ukrainien et ne pas fermer la porte. Fermer la porte serait un signal tout à fait négatif". Mais pour Jean Asselborn, le commissaire n’a pas voulu dire qu’il fallait fermer la porte à l’Ukraine, mais a voulu "faire pression pour que le régime bouge dans la bonne direction".
De la discussion avec le ministre russe, Sergueï Lavrov, Jean Asselborn a dit avec un petit sourire au coin de l'oeil que ce dernier a été "horriblement gentil". Il a ajouté : "Dès qu'on s'approche de la zone entre l'UE et la Russie, il y a de la nervosité et des problèmes." Selon Jean Asselborn, cité par l’Agence Europe, Sergueï Lavrov aurait demandé aux Européens de confirmer leur disposition à organiser une rencontre technique à trois, sur l'implication économique de l'accord. "Les Russes disent que ce n'est pas politique, pas contre les Européens, mais qu'ils ont peur pour leur marché", a expliqué le ministre luxembourgeois, qui a souligné que les Russes ont peur de l'arrivée de produits européens bon marché via l'Ukraine sur le marché russe.
"Ce serait une terrible erreur de demander à l'Ukraine de choisir entre la Russie et les Européens", a dit Jean Asselborn, pour qui l'Ukraine a besoin des deux partenaires pour "survivre économiquement, socialement et politiquement", c’est-à-dire les Russes et les Européens. Pour Jean Asselborn, "il faut trouver une solution dans l'intérêt des trois".
Au Luxemburger Wort, il a expliqué qu’une solution à long terme serait dans ce contexte d’impliquer l’Ukraine dans la zone de libre échange qui est prévue de l’Atlantique jusqu’à l’Oural. Il a aussi estimé que cela n’avait rien apporté à personne que l’UE se soit positionnée en 2005 en faveur de Ioulia Timochenko et Victor Iouchtchenko. Pour lui, la population ukrainienne devra s’exprimer aux prochaines élections présidentielles, et celles-ci auront lieu en 2015, même s’il est évident "qu’une grande partie du peuple ukrainien s’est prononcé pour l’UE".
Au Tageblatt, Jean Asselborn a expliqué que la Russie et l’UE sont des partenaires, et que leur coopération a été "exemplaire" sur le dossier iranien tout comme en Afghanistan ou dans le cadre du "Quartette" au Proche-Orient. Un accord devrait donc être à terme possible.
Le Conseil a aussi mené un débat sur la situation qualifiée d’extrêmement préoccupante en République centrafricaine (RCA). Condamnant l’ensemble des exactions et les violations massives de droits de l’Homme et du droit international humanitaire en RCA, les ministres ont salué l'intervention de la France en appui à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) conformément à la résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU)., une intervention que Jean Asselborn, cité par le Tageblatt, a qualifiée comme "n’allant pas de soi".
Dans le cadre d’une approche globale, le Conseil a affirmé la disponibilité de l’UE à examiner l’utilisation des instruments pertinents pour contribuer aux efforts en cours visant à la stabilisation du pays, y compris dans le cadre de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC), dans ses deux dimensions militaire et civile. C’est ainsi que la crise en République centrafricaine sera aussi à l’ordre du jour du Conseil européen des 19 et 20 décembre à la demande de la France, qui veut que soit débattue son idée de créer un fonds d'urgence permanent pour soutenir le type d'intervention militaire actuellement en cours (SANGARIS) en appui à la MISCA, idée qui s’insère dans cette logique d’examen "d’instruments pertinents" en matière de PSDC.
Parallèlement, la Commission européenne a décidé le même jour d'accroître son aide humanitaire de 18,5 millions d'euros et le Conseil de mobiliser 23 millions d'euros (du 10ème FED) pour renforcer les projets en RCA prêts à redémarrer dès que les conditions sécuritaires le permettront, en plus d'un programme de 10 millions d'euros pour appuyer la stabilisation du pays.