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Commerce extérieur
TTIP – La Commission européenne annonce l'ouverture d'une consultation publique sur le volet "investissement" de l’accord commercial négocié entre l’UE et les USA
21-01-2014


Le nouvel accord entre UE et Etats-Unis sur le transfert de données financières dans le cadre du programme américain de lutte contre le terrorisme et son financement a reçu l'approbation du Parlement européen le 8 juillet 2010 © CommonsLe commissaire européen au commerce, Karel de Gucht, a annoncé le 21 janvier 2014 le lancement d'une consultation publique sur les dispositions sur l'investissement dans le cadre des négociations avec les États-Unis pour un accord de partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement (TTIP). Elle sera circonscrite à la protection des investissements. Devant "un intérêt public sans précédent", Karel De Gucht veut trouver le "juste équilibre" entre le traitement équitable à réserver aux investisseurs et les prérogatives des pouvoirs publics pour protéger les personnes et l'environnement.

La consultation, des parties intéressées décidée par le commissaire européen au commerce, Karel De Gucht, ne durera que trois mois, et portera uniquement sur le volet protection des investissements du projet de partenariat transatlantique. Elle se concentrera sur la possible inclusion d'une clause de règlement des différends entre investisseurs et États dans l'accord. Cette proposition est fortement contestée du côté européen.

Elle devrait commencer début mars 2014, quand Karel De Gucht publiera un texte sur le volet “investissements” des négociations sur le TTIP qui devrait selon lui "inclure des chapitres sur la protection de l’investissement et le règlement des différends entre investisseurs et États, dit ISDS." Il précise que "cette ébauche sera accompagnée par des explications claires pour les non-experts, de sorte que les gens à travers l’UE pourront commenter pendant les trois mois qui suivront."

"Je suis déterminé à rendre le système de protection de l'investissement plus transparent et impartial, et à combler le flou juridique une fois pour toutes. Le TTIP maintiendra fermement le droit des États membres de l'UE de réglementer dans l'intérêt public", a déclaré Karel De Gucht. Mais, a-t-il ajouté, "ils aussi doivent trouver le juste équilibre et traiter les investisseurs de manière équitable afin d’attirer de l’investissement."

Dans son communiqué, la Commission européenne néanmoins insiste sur le fait que les Etats membres ont d’ores et déjà signé 1400 accords commerciaux avec des pays tiers, dont les USA, et ce en partie depuis les années 60’, qui incluent des dispositions de type ISDS. Pour la Commission, ces accords ISDS "constituent une protection importante contre des actions non-équitables de la part de gouvernements. Et ils peuvent se révéler nécessaires : des entreprises européennes sont concernées par chaque second litige depuis 2012."

Quel est le problème ?

Le commissaire Karel De Gucht sait que des accords commerciaux internationaux comme le TTIP "ont causé des problèmes dans la pratique, dans la mesure où ils ont permis à des entreprises d’exploiter des lacunes juridiques quand les textes étaient trop vagues". Le système de protection devrait donc être conçu de manière "plus transparente et impartiale" et ne devrait plus comporter les lacunes que le public craint.

Une de ces craintes concerne le fait qu’une entreprise américaine qui veut investir se trouve confrontée dans un Etat membre à des dispositions spécifiques comme l'interdiction des OGM – c’est le cas pour le Luxembourg - ou celle d'exploiter du gaz de schiste. Elle pourrait faire un recours devant une cour arbitrale pour obtenir des réparations de cet Etat. Une telle clause pour régler ce type de différends pourrait trouver selon plusieurs parties concernées son entrée dans le TTIP et menacer les Etats dont les législations sont plus protectrices.

Avec le lancement de la consultation publique, un peu de transparence entre donc dans le dossier traité jusque-là de manière confidentielle. A signaler que l'accord signé le 18 octobre 2013 entre le Canada et l'Union européenne contient d’ores et déjà un mécanisme de règlement des litiges entre investisseurs et Etat, semblable à un mécanisme existant dans l’accord de libre-échange entre les USA et le Canada, qui a déjà suscité de vives réactions, notamment des partis de gauche représentés au Parlement européen.

Premières réactions à l’annonce de la consultation publique

Le vice-chancelier allemand et ministre de l’Economie, le social-démocrate Sigmar Gabriel a salué l’initiative de Karel De Gucht qui devrait permettre nombre de clarifications.

La ministre française au Commerce extérieur, la socialiste Nicole Bricq, a invité "la société civile française, notamment les organisations non gouvernementales mobilisées sur ce projet, les syndicats de salariés et les entreprises, à participer largement à la consultation qui sera ouverte."

Du côté du Parlement européen, l’eurodéputé S&D Bernd Lange, porte-parole de son groupe politique pour les questions commerciales, a dit l’opposition du S&D au mécanisme de règlement des différends, car il permettrait "à de grandes entreprises de faire valoir leurs intérêts contre la législation de l’UE", ce qui "priverait les Etats de leurs marge de manœuvre politique dans des domaines aussi importants que la santé et l’environnement". Le S&D ne veut pas que le système de règlement des différends commerciaux soit amélioré dans le cadre des négociations sur le TTIP, mais qu’on le laisse tomber tout court. Il rappelle le droit du Parlement européen de rejeter l'accord avec les USA et souhaite que l’on aborde donc les problèmes le plus tôt possible afin qu’un "bon accord" voie le jour.

L’eurodéputé vert Yannick Jadot, vice-président de la commission du commerce international du Parlement européen et coordinateur du groupe des Verts/ALE sur le TTIP, a été très prolixe. Comme le commissaire De Gucht a promis un débat public sur l'investissement, Yannick Jadot exige "qu'il commence par rendre accessible aux citoyens son mandat de négociation et l'accord sur l'investissement signé avec la Canada." Pour lui, "il est encore temps de stopper la machine d'une négociation dont le seul objectif est de donner toujours plus de pouvoirs aux firmes multinationales, au détriment des citoyens, de l'intérêt général, du social, de l'environnement et de la capacité de l'Union européenne à construire un modèle de développement durable".

Yannick Jadot estime que la Commission européenne "commence à redéfinir l'agenda de négociation sur l'investissement sous la pression des critiques". Il observe qu’à "mesure que l'information circule sur l'agenda de négociation commerciale transatlantique, la Commission européenne et les gouvernements qui la soutiennent commencent à opérer des 'replis stratégiques' sur certains sujets hautement conflictuels et dangereux pour notre souveraineté et notre démocratie", comme "le fameux tribunal arbitral investisseur-État". Ce tribunal vise selon lui "à renforcer de manière inacceptable les pouvoirs des investisseurs en leur offrant la capacité d'exiger des compensations financières si l'Union européenne, les Etats-membres ou les collectivités locales prennent par exemple des décisions en matière de protection de la santé, de l'environnement ou des travailleurs qui remettent en cause leurs perspectives de profit."

Partant de là, il estime que "ce recul de la Commission sur l'un des sujets les plus dangereux du traité transatlantique est une bonne nouvelle."

Yannick Jadot cite ensuite en exemple de ce à quoi peut conduire le mécanisme de règlement des différends commerciaux entre investisseurs et Etats qui existe déjà dans le traité entre le Canada et les USA l’affaire de la multinationale Lone Pine qui exiger 250 millions de dollars de dédommagement au gouvernement québécois pour le moratoire qu'il a mis en place sur l'exploitation du gaz de schiste par la fracturation hydraulique. Et de fustiger "la naïveté, la paresse ou l'incompétence des Etats-membres qui découvrent progressivement les dangers et l'absurdité de la négociation transatlantique engagée sous la pression du trio libéral atlantiste : Merkel, Cameron et Barroso."

Même son de cloche du côté de la Gauche unie, pour lequel l’eurodéputé Helmut Scholz s’est exprimé en mettant en avant le travail d’information de la société civile sans lequel la consultation publique promise et saluée n’aurait pas eu lieu.