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Agriculture, Viticulture et Développement rural
La plénière du Parlement européen vote pour que le pollen ne soit pas considéré comme un ingrédient du miel, mais comme un composant naturel, et s’oppose ainsi à sa commission de l’environnement et à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE
15-01-2014


Abeille mellifèreRéuni en séance plénière, le Parlement européen a adopté le 15 janvier 2014, par 430 voix pour, 224 voix contre et 19 abstentions, un rapport favorable à la proposition modifiant la directive 2001/110/CE relative au miel, qui avait été présentée par la Commission européenne en septembre 2012.

Ce projet vise à définir le pollen comme un composant naturel du miel, plutôt que comme un ingrédient, contrairement à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ainsi qu’à l’avis du 27 novembre 2013 de sa commission parlementaire de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI), pourtant compétente sur le fond du dossier. Par cette initiative, la Commission européenne entendait revenir à la situation antérieure à celle créée par l’arrêt de la CJUE.

La plénière du Parlement européen se prononce contre sa commission de l’environnement…

La plénière du Parlement européen a donc rejeté la proposition de sa commission ENVI, qui s’était prononcée pour que le pollen génétiquement modifié soit considéré comme un ingrédient plutôt que comme un composant naturel du miel. Cette proposition de la commission ENVI, qui avait choisi de "privilégier les intérêts des apiculteurs, des abeilles et des consommateurs européens", selon l’eurodéputée en charge du dossier chez les Verts, Sandrine Bélier, allait dans le sens de la jurisprudence de a CJUE.

La législation n'affirmant pas explicitement si le pollen représente ou non un ingrédient du miel, la Cour de Justice avait tranché en septembre 2011, décidant que le pollen était un "ingrédient" du miel. Cette décision contraignait les producteurs à indiquer le pollen sur la liste des ingrédients figurant sur l'étiquette du produit, mais surtout, elle impliquait que la référence pour le seuil d’étiquetage avec OGM soit calculée en fonction de la quantité de pollen et non plus du volume total du "mono-ingrédient" que serait le miel.

Concrètement, la jurisprudence de la Cour de Justice imposait ainsi l’étiquetage du pollen génétiquement modifié s'il représentait plus de 0,9 % du pollen présent dans le miel.

… et contre la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne

La décision de la plénière va finalement dans le sens opposé. Le pollen étant défini comme un composant du miel, la législation européenne actuelle sur l'étiquetage s'appliquera: celle-ci précise que les OGM doivent être indiqués s'ils sont présents dans une quantité supérieure à 0,9 % du miel (et non du pollen). C’est d’ailleurs ce que demandait la commission agriculture (AGRI) du Parlement européen. Dans un avis consultatif, elle s’était prononcée le 6 novembre 2013 en faveur de la proposition de la Commission, en mettant en avant les coûts supplémentaires pour les apiculteurs induits par la jurisprudence de la CJUE.

"Le débat ingrédient/composant est né en raison des implications liées à l'étiquetage de ces deux options. Si le pollen continue d'être considéré comme un 'composant', tout pollen génétiquement modifié présent dans le produit ne sera pas nécessairement étiqueté. Conformément à la réglementation sur les OGM, seul le contenu génétiquement modifié dépassant 0,9 % du produit doit être étiqueté. Étant donné que le pollen n'est présent qu'à hauteur de 0,5 % environ dans le miel, il ne dépasserait jamais le seuil qui nécessiterait son étiquetage", a affirmé la rapporteure du texte, la Britannique Julie Girling (ECR).

Dans un communiqué publié le 15 janvier 2014, le groupe des Verts/ALE a réagi de manière très critique à ce vote, soulignant que "les OGM sont protégés aux dépens des apiculteurs".

"Suite à l'arrêt de 2001 de la Cour de Justice de l'Union européenne qui impose que le miel contenant du pollen OGM soit étiqueté, la Commission européenne a préféré présenter une révision de la directive miel qui évite cet étiquetage par une astuce sémantique qui permet de considérer le pollen OGM comme un constituant naturel du miel. Les Verts au Parlement européen se sont mobilisés aux côtés des associations et des professionnels du secteur afin de rejeter cette proposition hypocrite. 

Pourtant, une majorité de parlementaires européens a aujourd'hui refusé que le miel soit étiqueté en acceptant la proposition de la Commission, aux dépens des apiculteurs qu'elle prétend protéger. En cachant la contamination du miel par des OGM aux consommateurs, ce sont les producteurs d'OGM qui sortent gagnants face aux apiculteurs qui souhaitent produire du miel sans OGM. Il est simplement intolérable qu'on refuse aux ruches et aux apiculteurs européens la protection qui est offerte aux agriculteurs face aux cultures et à la contamination par les OGM",  ont regretté les eurodéputés français Sandrine Bélier et José Bové, membres des commissions Environnement et Agriculture du Parlement européen.

Les votes des eurodéputés luxembourgeois

Les eurodéputés luxembourgeois ont largement voté en faveur du rapport soutenant la proposition de la Commission européenne. C’est le cas des trois députés du PPE, Georges Bach, Frank Engel et Astrid Lulling, de celui de l’ALDE Charles Goerens et de Robert Goebbels du groupe S&D. En revanche, l’eurodéputé Vert Claude Turmes s’est pour sa part prononcé contre le rapport adopté en plénière.