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Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
UCITS V – Un accord a été trouvé entre Commission, Conseil et Parlement européen
25-02-2014


En juillet 2012, la Commission européenne mettait sur la table une proposition visant à modifier la directive UCITS IV, qui encadre le marché des fonds d’investissements, les OPCVM. L’objectif était d’adapter cette directive qui a grandement contribué au développement de la place financière luxembourgeoise en tenant compte de l’expérience tirée de la crise financière.

La Commission proposait notamment une définition précise des tâches et responsabilités de tous les dépositaires agissant pour le compte d'un fonds d'OPCVM, à savoir les sociétés qui détiennent les titres achetés par les gérants de fonds.

Le texte de la proposition prévoyait aussi des règles claires concernant la rémunération des gestionnaires d'OPCVM de façon à ce que la manière dont ils sont rémunérés n’encourage pas une prise de risques excessive.

La Commission proposait aussi une approche commune de la manière de sanctionner les principales infractions au cadre juridique régissant les OPCVM, instaurant des normes communes concernant les niveaux des amendes administratives, de manière à ce qu'elles soient toujours supérieures aux bénéfices potentiels découlant de la violation des dispositions en vigueur.

Le Parlement européen adoptait sa position sur ce texte en juillet 2013.

Le 25 février 2014, un accord provisoire a été trouvé entre Conseil et Parlement européen, ainsi que s’en est félicité le ministre des Finances grec Yannis Stournaras, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE. "L’accord sur la directive UCITS V renforce la confiance des investisseurs et leur protection en introduisant de nouvelle garanties sur les fonctions de dépositaire, elle évite une prise de risque excessif en établissant des règles de rémunération et elle harmonise les sanctions administratives au niveau européen", a-t-il résumé.

"Cet accord (...) permettra d’éviter que les abus que l’on a connu lors du scandale Madoff ne puissent se répéter à l’avenir", a souligné pour sa part Michel Barnier, commissaire en charge du marché intérieur qui était l’auteur de cette proposition. Il s’est naturellement réjoui de voir soutenue sa proposition par le Conseil et le Parlement européen. "Gardons toujours à l’esprit que le cadre OPCVM est largement considéré comme la norme de référence de la réglementation sur les fonds à l’échelle mondiale, et il est important de le maintenir comme tel".

Pour Sven Giegold (Verts/ALE), rapporteur sur ce dossier, l’accord trouvé va offrir "une meilleure protection aux investisseurs, tout en réduisant les prises de risque inconsidérées dans le secteur des fonds d’investissement". Les dispositions sur les rémunérations vont assurer que les intérêts des investisseurs seront mieux conciliés avec ceux des gestionnaires de fonds, salue l’eurodéputé. Il se félicite aussi des dispositions plus strictes concernant les responsabilités des dépositaires, et des sanctions plus fortes qui sont prévues. A ses yeux, le renforcement des règles existantes associé à une approche plus européenne va rendre plus difficile le contournement des règles, et les règles plus strictes sur les dépositaires devraient limiter les risques de voir survenir en Europe des scandales à la Madoff.

Des règles plus strictes et une plus grande responsabilité pour les dépositaires

Ainsi que l’avait proposé la Commission, seules les banques centrales, les banques ou les sociétés d'investissement agréées et disposant d'un capital suffisant pourront exercer la fonction de dépositaires.

Par ailleurs, en cas d’insolvabilité du dépositaire, les actifs du fonds UCITS seront protégés car ils seront clairement séparés de ceux du dépositaire. L’investisseur pourra intenter un recours directement auprès du dépositaire qui pourra être tenu pour responsable des pertes engendrées par des sociétés à qui les actifs auraient été confiés.

Sven Giegold se félicite que les propositions induites par les lobbies et visant à introduire des exemptions aux règles portant sur la responsabilité des dépositaires quand ils délèguent la gestion d’actifs dans des pays tiers n’aient pas été retenues.

Rémunération : les gestionnaires de fonds UCITS seront soumis à des règles équivalentes à celles introduites par la directive AIFM pour plafonner les bonus

Les règles relatives à la rémunération visent à éviter que les pratiques en la matière n’encouragent une prise de risque excessive et conduisent au contraire à une gestion plus efficace et plus saine de la prise de risque. La transparence en matière de rémunération sera renforcée, et les règles vont être alignées sur celles introduites par la directive AIFM.

La moitié de la part variable de la rémunération des gérants de fonds UCITS devra ainsi être versée sous forme de parts dans le fonds UCITS. Sven Giegold précise que l’accord trouvé limite cette rémunération  aux parts du fonds UCITS directement concerné, excluant par conséquent les parts dans la société de gestion, ainsi que certains Etats membres le souhaitaient. "Cela aurait récompensé les gestionnaires de fonds augmentant les profits de la société de gestion plutôt que la valeur du fonds géré", souligne l’eurodéputé.

De plus, 40 % d'un bonus seront versés à l'issue d'une période d'au moins trois ans, 60 % en cas de bonus très élevé.

Ces règles ne vont toutefois pas s’appliquer aux tierces parties auxquelles des tâches auront été confiées, ainsi que le regrette l’eurodéputé qui précise que l’ESMA, l'autorité européenne des marchés, élaborera des orientations pour identifier les professionnels qui seront soumis à ces règles. L’enjeu est à ses yeux d’éviter que ces règles ne soient contournées en externalisant la gestion d’actifs dans des pays tiers.

Sven Giegold regrette toutefois que les nouvelles règles ne s’attaquent pas aux honoraires liés à la performance des sociétés de gestion qui sont pour lui "opaques" et qui reviennent à "arnaquer l’investisseur". "Des règles plus strictes ont été bloquées par les libéraux et les conservateurs lors d'un vote préalable au Parlement européen", déplore le rapporteur qui voit là "une occasion manquée".

Assurer une meilleure surveillance et renforcer le régime de sanctions

L’accord trouvé renforce le régime de sanctions existant de façon à assurer des sanctions administratives efficaces et harmonisées. Il s’agit notamment d’assurer une meilleure coopération entre les autorités de surveillance ainsi que la transparence sur les sanctions appliquées : l’enjeu est d’améliorer la détection d’éventuelles infractions aux règles. 

En cas de manquement à leurs obligations, les gérants de fonds s’exposent ainsi à des amendes pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros ou 10 % du chiffre d’affaires d’une société, et jusqu’à 5 millions pour une personne physique.

Comme le souligne Sven Giegold, le Parlement européen souhaitait introduire des sanctions plus élevées en les alignant sur celles fixées dans le cadre de la directive sur les abus de marché, mais le Conseil s’y est opposé, sous la pression de l’Allemagne notamment.

Les règles prévoient pour les fraudeurs la suspension d’une autorisation de gestion de fonds, et même son retrait temporaire ou permanent.

Les négociateurs du Parlement européen ont par ailleurs insisté pour que les Etats membres ne puissent introduire des sanctions pénales à la place des sanctions administratives prévues que dans les deux années suivant l’entrée en vigueur de la directive.

L’accord prévoit des dispositions visant à permettre aux  lanceurs d’alerte de dénoncer anonymement des abus

En vertu de l’accord trouvé, des lanceurs d'alerte pourront dénoncer anonymement l'existence d'abus aux autorités nationales et à l'autorité européenne des marchés (ESMA).

"C'est la première fois que de telles dispositions sur les lanceurs d'alerte ont été incluses dans la législation sur les services financiers", s'est félicité Sven Giegold qui espère que cette première encouragera les lanceurs d’alerte à dénoncer des abus.