Les négociateurs du Parlement européen et les représentants du Conseil ont abouti le 20 mars 2014 à un accord informel en trilogue qui souligne que toute personne qui réside légalement dans l'UE devrait avoir le droit d'ouvrir un compte de paiement de base et ne devrait pas être privée de ce droit en raison de sa nationalité ou de son lieu de résidence. Les frais de ces comptes et les dispositions qui y sont liées devraient être transparents et comparables, et il devrait être plus facile d'opter pour un autre compte de paiement qui offre de meilleures conditions.
Le 8 mai 2013, la Commission européenne présentait une proposition de directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l'accès à un compte de paiement assorti de prestations de base visant à améliorer et à développer le marché unique des services bancaires de détail. La Commission constatait en effet que "le manque de transparence et de comparabilité des frais et la difficulté de changer de compte en banque continuent de faire obstacle au déploiement d’un marché intégré des services bancaires de détail".
Une enquête menée par Eurobaromètre en 2012 montre que seulement 3% des consommateurs ont déclaré avoir ouvert un compte de paiement dans un autre État membre et il ressortait des enquêtes et des plaintes des consommateurs "que de nombreux citoyens rencontrent des difficultés pour ouvrir un compte en banque parce qu'ils ne peuvent justifier d'une adresse permanente dans l’État membre où se trouve le prestataire de services de paiement". Ce problème touche un nombre important de consommateurs de l’UE qui résident dans un autre État membre que celui dont ils sont ressortissants (12,3 millions de personnes en 2010).
De plus, selon les estimations de la Banque mondiale, quelque 58 millions de consommateurs de l’UE n'auraient pas de compte en banque alors qu'environ 25 millions d’entre eux souhaiteraient en ouvrir un. "Le fait qu’un grand nombre de consommateurs reste en marge du marché intérieur des services financiers a des répercussions négatives tant pour les prestataires que pour les consommateurs de ces services", jugeait la Commission.
Le 19 novembre 2013, la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) avait adopté le rapport de Jürgen Klute (GUE/NGL, Allemagne) sur la position du Parlement européen qui avait par la suite été amendé en séance plénière le 12 décembre suivant.
Selon l’accord négocié, tous les établissements de crédit, ou à tout le moins un nombre suffisant d'entre eux, devraient proposer des comptes de paiement de base afin que tous les consommateurs puissent y avoir accès, quel que soit le pays de l'UE. Par ailleurs, les établissements devraient proposer des offres concurrentielles, qui ne devraient pas être limitées aux banques fournissant uniquement des services en ligne.
"Toutes les personnes résidant légalement dans l'UE, y compris les clients sans adresse fixe, pourront ouvrir un compte de paiement de base. Cependant, les Etats membres pourraient, tout en respectant les droits fondamentaux des clients, les contraindre à prouver leur réelle volonté d'ouvrir un tel compte bancaire dans un pays déterminé, sans rendre cette demande trop compliquée ou fastidieuse", précise ainsi le communiqué diffusé sur le site du Parlement.
Toute personne qui ouvre un compte de paiement devrait pouvoir comprendre son mécanisme de redevances et ses taux d'intérêt, et comparer les offres de compte – ces informations devraient être claires et standardisées dans l'ensemble de l'UE.
Chaque Etat membre devrait compter au moins un site Internet indépendant pour comparer les frais imposés par les banques. Les pays de l'UE pourraient également imposer que ce site web compare les niveaux de services offerts, tels que le nombre de filiales et leur localisation. De plus, les banques seront tenues d'informer leurs clients si elles proposent de tels comptes.
Les comptes de paiement "de base" permettront aux clients de verser de l'argent, de retirer des liquidités et d'exécuter des opérations de paiement dans l'UE. Ce droit sera garanti indépendamment de critères comme la situation financière, le statut de l’emploi ou l’historique du crédit.
Cependant, les Etats membres seront libres de décider si de tels comptes doivent inclure ou non une autorisation de découvert ou de limiter le montant de telles autorisations. Les clients pourront exécuter un nombre illimité d'opérations, à titre gratuit ou à un prix raisonnable.
Pour bénéficier des offres les plus adaptées, les clients devraient pouvoir opter pour un autre compte de base proposé par une banque située dans l'UE, à un coût raisonnable. Par ailleurs, les banques devraient apporter une aide au client, notamment en fournissant une liste des ordres permanents, en transférant tout solde positif restant sur le nouveau compte et en fermant l'ancien compte. Les banques seront tenues de rembourser, dans les plus brefs délais, toute perte financière résultant directement d'erreurs dans le processus de changement de compte.
"De nos jours, il est aussi indispensable de disposer d’un compte bancaire que d’un téléphone", a souligné Olle Ludvigsson, co-négociateur du dossier pour le Groupe S&D, rapporte un communiqué diffusé sur le site du groupe.
"Sans compte bancaire, la vie devient très difficile. Des choses simples comme la location d’un appartement, le paiement d’une facture ou l'encaissement d'un salaire mensuel deviennent fastidieuses et chères", a-t-il poursuivi, notant que "l’exclusion financière défavorise fortement l’intégration sociale. Lorsque les institutions financières vous refusent, il est difficile de jouer un rôle actif dans la société".
"Nous ne pouvons accepter la situation actuelle où les pauvres, les sans domicile fixe ou les chômeurs sont repoussés aux marges de la société parce qu’ils ne disposent pas de compte bancaire. Dans le même esprit, il est inacceptable que les étudiants se retrouvent dans un cercle vicieux : sans compte bancaire ils ne peuvent louer un appartement, sans appartement ils ne peuvent avoir de compte bancaire", a conclu Evelyne Gebhardt (S&D), co-négociatrice du dossier.
Du côté des Verts/ALE, Sven Giegold s’est félicité du fait qu’ "aujourd'hui, l'accès des citoyens au marché unique européen a été amélioré. Pour les plus de un million de personnes qui vivent sans un compte en Allemagne, l'Europe a construit un pont vers le marché intérieur". Et de souligner que sur initiative des Verts, "les réfugiés, les étudiants venus de pays lointains ou les titulaires de carte verte peuvent désormais ouvrir un compte".
"Nous avons atteint un juste équilibre entre les intérêts des consommateurs et du secteur bancaire. Tous les citoyens européens auront accès à un compte courant. Ce ne sera pas gratuit, cependant. Malgré l'opposition du conseil, les consommateurs seront en mesure de changer leur fournisseur de compte bancaire à travers les frontières", a déclaré Werner Langen pour le Groupe PPE.
Pour entrer en vigueur, les nouvelles dispositions devront être approuvées par le Parlement dans son ensemble lors de la seconde session plénière d'avril et adoptées par les États membres de l'UE.