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Fiscalité
La Chambre des députés vote la transposition d’une directive qui entraînera dès 2014 l’échange automatique d’informations sur les salaires, les jetons de présence et les pensions
Seul Déi Lénk critiquent la transposition parce qu’elle favorise "ceux qui se soustraient tout le temps à l’impôt "
12-03-2014


Chambre des DéputésLe 12 mars 2014, la Chambre des députés a adopté par 58 voix pour et 2 abstentions, celles des députés de Déi Lénk, un projet de loi (6632) qui transpose l’article 8 de la directive 2011/16/UE  sur la coopération administrative dans le domaine fiscal et dont le député socialiste Claude Hagen était le rapporteur. Cet article 8 introduit l’échange automatique et obligatoire d’informations (EAI) pour cinq catégories spécifiques de revenu et de capital, à déterminer au sens de la législation nationale de l’Etat membre qui communique les informations, à savoir, les revenus de l’emploi, les tantièmes et jetons de présence, les produits d’assurance sur la vie non couverts par d’autres actes juridiques de l’Union européenne concernant l’échange d’informations et d’autres mesures similaires, les pensions, et la propriété et les revenus de biens immobiliers.

L’autorité compétente d’un Etat membre doit ainsi échanger de manière systématique, sans demande préalable, des informations au sujet de personnes résidant dans un autre Etat membre et se rapportant aux périodes imposables à partir du 1er janvier 2014. Elle n’est pourtant tenue d’échanger des informations que pour les catégories de revenus ou de capital pour lesquelles elle dispose d’informations.

Un accord politique sur la directive 2011/16/UE avait été trouvé le 7 décembre 2010 au Conseil ECOFIN. Dans le cadre de cet accord, le Luxembourg s’était engagé à échanger des informations dans trois des cinq catégories de revenu et de capital, à savoir, les revenus de l’emploi, donc les salaires, les tantièmes et jetons de présence ainsi que les pensions.

La raison : Les données en relation avec ces trois catégories ne sont pas couvertes par le secret bancaire ou autre secret professionnel et peuvent aisément être collectées à partir des fichiers électroniques gérés par l’Administration des contributions directes. Tel n’est pas le cas pour les deux autres catégories visées par la directive, à savoir les produits d’assurance sur la vie et la propriété et les revenus de biens immobiliers.

Alors que le CSV, le DP et les Verts ne sont intervenus que pour donner leur simple approbation au projet, le député Justin Turpel de Déi Lénk est intervenu de manière plus exhaustive pour justifier l’abstention de sa sensibilité politique. Pour lui, la directive à transposer n’est pas anodine et doit être située dans le contexte de l’échange automatique d’informations (EAI) sur les revenus de capitaux. Il a cité le premier considérant du texte de cette directive qui dit : "À l’ère de la mondialisation, il est plus que jamais nécessaire pour les États membres de se prêter mutuellement assistance dans le domaine fiscal."

Pour Justin Turpel, la fraude fiscale n’est pas le fait des salariés mais de ceux qui possèdent beaucoup d’argent, car le salarié est soumis à des contraintes des administrations fiscales auxquelles il ne peut que difficilement se soustraire. Il juge que la coopération entre Etats membres est absolument indispensable, mais a jusque-là été inefficace  sur base d’une directive de 1997, la législation courant à ses yeux constamment derrière les évolutions pour combler les lacunes.

La directive 2011/16/UE est pour Justin Turpel un bon début dans cinq domaines, parmi lesquels tout Etat membre a dû choisir les trois domaines sur lesquels il passerait à l’échange automatique d’informations. Le député de la Gauche constate que le Luxembourg a opté pour les salaires, les jetons de présence et les pensions, et a dit non quand il était question de propriété et revenus immobiliers et de produits de l’assurance-vie. Bref, le Luxembourg a dit non dans un domaine où "l’on ne peut pas dire qu’il s’agisse de revenus limités", ironise Justin Turpel, qui conteste par ailleurs que l’on limite les revenus professionnels aux salaires, alors qu’il y a d’autres formes de revenu du travail.

Pour le député de Déi Lénk, il est évident que ce sont les données des « simples mortels qui doivent payer leurs impôts « qui seront échangées, et non pas les données de "ceux qui se soustraient tout le temps à l’impôt", et de citer les fonds d’investissement, les trusts et les multinationales, qui ont investi beaucoup d’argent dans l’immobilier et les assurances-vie. Il s’agit là d’une démarche avec "deux poids et deux mesures", l’une pour les "simples mortels", l’autre pour "ceux qui ont du gros fric et de grosses sociétés". Justin Turpel pense que le Luxembourg devrait dépasser sa retenue à l’égard du secret bancaire ou professionnel et devrait aussi collecter des données dans les domaines des produits d’assurance-vie et la propriété et des revenus de biens immobiliers, afin d’échanger ces informations. D’où aussi l’abstention de Déi Lénk en ce qui concerne la transposition de la directive et leur revendication que le Luxembourg collecte aussi des données dans les domaines où il a choisi de ne pas intervenir.

Dans son intervention à l’issue du débat, le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a déclaré que "l’EAI nous occupera encore longtemps". Pour lui, les produits de l’assurance-vie et du revenu immobilier étant couverts par le secret bancaire et le secret professionnel, leur exclusion de la liste était "la seule conséquence logique possible". L’EAI est soumis pour lui à "une terrible accélération ces derniers mois". Il a conclu en expliquant que la directive 2011/16/UE aurait son importance car "il faut la voir en relation avec la directive sur la fiscalité de l’épargne".