A quelques jours de la tenue d’un Conseil européen de printemps qui traitera notamment de compétitivité industrielle, mais aussi de climat et d’énergie, 64 représentants de l’industrie sidérurgique européenne ont adressé aux chefs d’Etat et de gouvernement une lettre ouverte datée du 12 mars 2014 pour les appeler à "rééquilibrer les politiques en matière d’industrie, d’énergie et de climat afin de préserver la compétitivité des industries".
"Nous partageons tous l’ambition de trouver une réponse efficace au changement climatique", affirment les signataires de cette lettre qui estiment toutefois que "les espoirs de trouver rapidement un accord au niveau mondial offrant des conditions de concurrence égale ont été déçus". Les patrons de la sidérurgie européenne liste par conséquent leurs revendications : ils estiment par exemple que "l’Europe ne doit pas s’imposer à elle-même de façon unilatérale des objectifs de réduction de CO2 que personne d’autre ne suivra", ou appellent encore à modifier le système européen d’échange de quotas d’émissions (SEQE ou ET ETS) afin que les installations les plus efficaces bénéficient de quotas d’émission gratuits à 100 %. En matière d’aides d’Etat, ils plaident par ailleurs pour exempter les industries à forte intensité énergétique de toute taxe nationale liée à la décarbonisation tant que leurs concurrents sur les marchés mondiaux n’auront pas à assumer de tels coûts.
"Il y a des solutions pour une politique de l’UE en matière de climat et d’énergie vraiment 'win-win' qui ne porte pas préjudice aux industries manufacturières d’Europe", concluent les signataires sans en dire plus aux chefs d’Etat et de gouvernement.
Un communiqué publié le 13 mars 2014 par Eurofer, l’association européenne des sidérurgistes, en dit un peu plus long sur les solutions qu’ont en tête les sidérurgistes. Ce texte, qui cite la lettre ouverte de la veille, évoque le contexte de la crise ukrainienne comme preuve "de la forte corrélation qui existe entre la sécurité de l’approvisionnement et l’augmentation des prix de l’énergie en Europe". Gazprom a livré à l’UE et à la Turquie le chiffre record de 162 milliards de mètres cubes de gaz en 2013, dont 86 ont été livrés via l’Ukraine, rappellent les sidérurgistes qui s’inquiètent de la menace brandie par Gazprom de couper les livraisons de gaz à l’Ukraine en cas d’impayés, mais aussi des conséquences que pourrait avoir une escalade des tensions entre la Russie et l’Occident sur la Crimée. Sans compter que le gaz naturel en provenance des Etats-Unis ne pourrait pas arriver sur les marchés européens avant 2016 et ne pourrait donc pas offrir une alternative dans le contexte de la crise ukrainienne.
"L’efficacité énergétique et les énergies renouvelables sont une partie de la solution, mais ne sont pas suffisants", concluent les représentants de l’industrie sidérurgique qui appellent par conséquent "à un débat ouvert d’esprit à l’égard des ressources alternatives européennes, comme les gaz de schiste".
Gordon Moffat, directeur d’Eurofer, explique alors que l’extraction de ressources énergétiques pose toujours des défis environnementaux et il dit "ne pas sous-estimer les inquiétudes soulevées par le développement des gaz de schiste en Europe, où la densité de population et le cadre réglementaire sont très différents des Etats-Unis". Pour autant, affirme-t-il, "étant donnée l’absolue nécessité qu’a l’Europe de diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz et de trouver des solutions aux énormes écarts de prix de l’énergie par rapport à ses principaux concurrents, nous ne voyons pas d’autre alternative que d’agir aussi vite que possible pour ajouter au mix énergétique européen l’exploitation de gaz de schiste tout en prenant toutes les précautions nécessaires".
Une argumentation très proche de celle déployée par Markus Beyrer, secrétaire général de BusinessEurope, dans un entretien qu’il a accordé à Euractiv le 13 mars 2014. Il y plaide pour "un débat plus rationnel, moins émotionnel sur d’autres possibilités [que l’efficacité énergétique et les renouvelables], à commencer par des ressources européennes, parmi lesquelles les gaz de schiste" au vu de la dépendance énergétique du continent à l’égard de la Russie et de la compétitivité.