Le 11 mars 2014, un Parlement européen divisé a rejeté à une courte majorité un rapport d’initiative sur l’égalité entre les hommes et les femmes au sein de l’UE en 2012. Ce rapport, préparé par Inês Cristina Zuber (GUE-NGL), avait été adopté le 31 janvier 2014 par la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres.
A neuf voix près, le rapport soumis au vote de la plénière a été rejeté : 298 parlementaires ont voté contre, 289 pour et 87 se sont abstenus.
Une alliance des groupes conservateurs, à savoir les groupes PPE, CRE et EFD, a permis de rejeter ce texte qui suscite la polémique.
Un communiqué du PPE explique la position du groupe par "le manque d’objectivité et de concertation dans l’élaboration de ce rapport annuel". "La gauche fait de l'égalité hommes/femmes une question idéologique", titre le service de presse du groupe politique qui cite Anne Delvaux, rapporteur fictif : "Dès le début, la gauche a centré son rapport sur les effets néfastes des mesures d'austérité et les conséquences de ces dernières sur l'emploi et les services publics, s'éloignant sans arrêt du sujet pourtant fondamental du rapport : l'égalité entre hommes et femmes dans l'Union! À plusieurs reprises, nous avons souhaité recentrer et objectiver le débat".
Le groupe avait donc déposé son propre projet de résolution, qui a été rejeté lui aussi. Pour Anne Delvaux, il était en effet "fondamental de proposer une alternative au rejet pur et simple du rapport". "Au final, il est déplorable de constater que sur un débat aussi fondamental, le Parlement européen qui est en général à la pointe de la défense des droits des femmes, n'ait pas pu dépasser des considérations idéologiques et proposer un travail objectif et digne de cette institution, digne de ce qu'attendent non seulement les femmes, mais aussi les hommes", déplore-t-elle.
Le résultat de ce vote a suscité de très vives réactions au sein des autres groupes politiques.
En premier lieu, le groupe d’Inês Zuber, le GUE/NGL, a condamné le résultat de ce vote, dénonçant dans ce rejet "un signal honteux pour le Parlement européen", qui n’est "pas même capable d’être en faveur des droits des femmes sur le papier".
Le groupe S&D accuse "la droite de refuser de faire face au problème essentiel de l’inégalité des sexes". Pour l’eurodéputée Zita Gurmai, la droite a adopté "une position idéologique contre les femmes", ce qu’elle juge "inacceptable". En effet, selon elle, "la crise et ses conséquences exigent un approfondissement de l’égalité des sexes, pas sa réduction".
Les propos tenus après le vote par Mojca Kleva Kekuš, rapporteur fictif pour le Groupe S&D, éclairent la polémique sous un autre angle que celui des conséquences de la crise. "Le droit des femmes à disposer de leur corps ne devrait jamais faire l’objet d’une discussion", affirme-t-elle en effet, ce qui permet de noter que le droit à l’avortement, mentionné dans ce texte, divise profondément le Parlement européen, comme l’avait déjà clairement montré le rejet d’une résolution d’initiative sur la santé et les droits sexuels et génésiques en décembre 2013.
L’abstention d’une majorité de verts européens a par ailleurs suscité la polémique, obligeant le groupe Verts/ALE à réagir le 12 mars 2014 par voie de communiqué pour défendre une position liée à la façon dont est considérée la prostitution dans ce rapport. "Derrière cette abstention, c’est en fait le débat complexe et néanmoins fondamental sur la meilleure façon de lutter contre le fléau de la prostitution qui émerge", explique le groupe des Verts qui fait référence au paragraphe 67 du rapport qui souligne que "la prostitution constitue une forme de violence, un obstacle à l’égalité des genres et un moyen pour le crime organisé de se développer" et "invite les États-membres à reconnaître la prostitution comme une forme de violence à l’encontre des femmes et à ne pas la considérer comme un travail, même lorsqu’elle est "volontaire". Un sujet qui divise les écologistes de longue date. "Nos abstentions ont pesé plus lourdement que prévu: c'est regrettable", a déclaré à ce sujet l’eurodéputée Nicole Kiil-Nielsen.
Le vote des six eurodéputés luxembourgeois illustre à quel point le Parlement est divisé : Georges Bach, Frank Engel et Astrid Lulling ont voté, comme leur groupe politique, le PPE, contre la résolution d’Inês Zuber, tandis que Charles Goerens l’a soutenue, à l’instar du groupe ALDE. Claude Turmes fait partie quant à lui des eurodéputés écologistes qui ont soutenu le texte, tandis que Robert Goebbels a choisi de s’abstenir, contrairement à la majorité de son groupe, le S&D, qui a voté pour le texte.
Le rapport constate que, en dépit des progrès enregistrés depuis les premières directives européennes sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes, de nombreuses inégalités subsistent, que ce soit en termes de perspectives de carrière, d'emploi et de conditions salariales, d'accès à l'éducation et aux services de santé, de participation à l'économie et aux processus décisionnels ou de représentativité politique.
Le texte souligne par ailleurs que si les femmes sont affectées différemment par la crise, elles subissent une précarisation plus importante de leurs conditions de travail, en particulier en raison du développement de formes de contrats atypiques. L'inégalité salariale avoisine en moyenne les 16,2 % dans l'Union et les salaires inférieurs perçus par les femmes conduisent inévitablement à des cotisations moindres au régime de retraite, ce qui se traduit par des retraites moins élevées.
Le rapport d’Inês Cristinas Zuber appelle donc les gouvernements des États membres ainsi que les partenaires sociaux à élaborer un plan d'action, à arrêter des objectifs concrets et ambitieux et à évaluer les incidences de la crise économique et financière sur l'égalité entre les hommes et les femmes, en recourant à des évaluations d'impact.
Le texte souligne également l'essor du travail à temps partiel subi et la multiplication des emplois précaires ou à durée déterminée au détriment des emplois plus stables. Ainsi, l’eurodéputée portugaise indiquait-elle dans son rapport que le travail à temps partiel comptait environ pour un tiers de l'emploi total des femmes en 2012 (32,1 % contre 8,4 % pour les hommes) et que le travail à temps partiel subi a augmenté à hauteur de 24 % de l'emploi à temps partiel total chez les femmes en 2012 (contre 20 % en 2007).
Le rapport fait une série d’observations et invite les États membres à :
Le rapport insiste sur la nécessité de redoubler d'efforts au niveau européen pour augmenter la représentation des femmes dans les sphères politiques et dans les différentes institutions européennes, y compris au Parlement européen. Il souligne que les femmes n'occupent que 15,8 % des sièges d'administrateurs dans les plus grandes sociétés cotées en bourse et que la présence des femmes dans les conseils peine à progresser. Il invite dès lors la Commission et les États membres à prendre des mesures pour encourager un meilleur équilibre entre les sexes aux postes de direction des entreprises. Violence faite aux femmes
Le rapport adopté en commission parlementaire insiste pour que la tolérance zéro à l'égard de toutes les formes de violence vis-à-vis des femmes soit l'une des priorités de l'ensemble des institutions en Europe. Il invite les États membres à renforcer les programmes de prévention ciblée qui permettent de s'attaquer aux sources des violences affectant les femmes, et à garantir l'accès à des formes de prévention, de protection juridique et d'assistance en cas de violence domestique, notamment en matière de harcèlement.