Le 1er avril 2014, la Chambre des députés a approuvé deux projets de lois ratifiant des accords conclus entre l’UE et l’Amérique centrale d’une part et avec la Colombie et le Pérou d’autre part. Deux accords adoptés par 58 voix pour, et deux contre, à savoir celles des députés du parti déi Lénk.
Comme l’a rappelé le rapporteur de ces deux projets de loi, Marc Angel (LSAP), il s’agissait d’une part de ratifier un accord commercial avec la Colombie et le Pérou, et d’autre part un accord d’association avec les six pays d’Amérique centrale, à savoir Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama.
L’accord commercial avec la Colombie et le Pérou, signé le 26 juin 2012 et approuvé par le Parlement européen en décembre 2012, a pour objectif de favoriser l’ouverture des marchés des deux parties et de renforcer la stabilité et la prévisibilité de l’environnement commercial.
Les pourparlers en vue d’un accord commercial entre l’UE, d’une part, et la Colombie, l’Équateur et le Pérou, d’autre part, ont été lancés en janvier 2009. En juillet 2009, l’Équateur a suspendu sa participation. Un accord a été obtenu à l’issue de neuf cycles de négociations qui se sont succédés de janvier 2009 à mars 2010.
Selon les estimations de la Commission, cet accord devrait permettre aux exportateurs de l’UE d’économiser 270 millions d’euros par an au titre des droits de douane, tandis qu’en Colombie et au Pérou, les plus grands bénéficiaires de la suppression des droits de douane seraient les producteurs de fruits, en particulier de bananes et de raisin, et de crevettes. Une fois en vigueur, l'accord devrait faire augmenter le PIB du Pérou de 0,7 % et de 1,3 % pour la Colombie.
Une fois entièrement mis en œuvre, l’accord permettra de supprimer les droits de douane sur tous les produits industriels et de la pêche, d’élargir l’accès aux marchés pour les produits agricoles, d’améliorer l’accès aux marchés publics, ainsi qu’aux marchés des services et des investissements, de réduire davantage encore les obstacles techniques au commerce et d’établir des normes communes, notamment en matière de droits de propriété intellectuelle, de transparence et de concurrence.
Les échanges bilatéraux de biens de l’UE avec la Colombie et le Pérou se sont élevés à 21,1 milliards d’euros en 2011:
Pour ce qui est des échanges avec le Luxembourg, la Chambre de Commerce faisait le point dans l’avis qu’elle a rédigé sur ce projet de loi.
En ce qui concerne les exportations du Luxembourg de biens à destination de la Colombie, elles ont affiché une valeur de près de 4 millions d’euros en 2012 (5,2 millions d’euros sur les onze premiers mois de 2013). Elles étaient principalement composées de machines et appareils, de métaux communs et ouvrages en ces matières, de matières plastiques/caoutchouc et d’instruments de précision.
Les importations de biens en provenance de la Colombie ont affiché une valeur de 202 000 euros en 2012 (66 000 euros sur les onze premiers mois de 2013). Ces importations comprenaient principalement des instruments de précision, des matières plastiques respectivement en caoutchouc et des produits végétaux.
La balance des services entre les deux pays est également excédentaire pour le Luxembourg. A partir de 2002 on peut observer une augmentation continue du crédit, pour arriver à un pic de 55 millions d’euros en 2007. Avec la crise économique de 2008 une baisse s’est toutefois amorcée avant de remonter vers des niveaux avant-crise en 2012.
Les échanges commerciaux entre le Pérou et le Luxembourg sont actuellement de faible intensité et font l’objet de fluctuations en fonction de commandes ponctuelles de la part de sociétés péruviennes. Les exportations du Luxembourg se sont élevées à 1,3 million d’euros en 2012 (4 millions d’euros sur les dix premiers mois de 2012), en forte progression par rapport à 2010 et 2009, due à une forte augmentation de la demande de métaux communs, matières plastiques, machines et appareils en provenance du Grand-Duché. Les importations du Luxembourg sont négligeables (19 000 euros en 2011, 67 000 euros sur les dix premiers mois de 2012).
L'UE entretient avec les six pays d'Amérique centrale - Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama - de vastes relations portant notamment sur un dialogue politique, un cadre de coopération et un régime commercial préférentiel.
Lancé en 1984, le dialogue de San José forme la pierre angulaire des relations entre l'UE et l'Amérique centrale. Son objectif était de trouver des solutions aux conflits armés par la voie de la négociation. Depuis, l'UE a grandement contribué à la paix, à la démocratisation et au développement socioéconomique de la région. Elle a toujours soutenu l'intégration régionale en Amérique centrale, en tenant compte de ses particularités et de ses multiples expressions. Les deux régions ont conclu un accord-cadre de coopération en 1993 et un accord de dialogue politique et de coopération signé en 2003.
En juin 2007, des négociations ont été lancées en vue de conclure un accord d'association entre l'UE et l'Amérique centrale (AC). Ces négociations ont pris fin en 2010, lors du sommet UE-ALC à Madrid. Les pays participants étaient le Costa Rica, le Guatemala, El Salvador, le Nicaragua et le Honduras (le Panama a rejoint les négociations en tant que membre à part entière à la fin du processus).
Le vaste accord d'association conclu porte sur tous les aspects des relations (dialogue politique, coopération et zone de libre-échange) et permettra de renforcer les liens entre les deux parties. Il s'agit du premier accord de région à région conclu par l'Union européenne. Il contribuera à accélérer l'intégration régionale, à consolider la démocratie et à améliorer la situation en matière de sécurité en Amérique centrale.
L'accord d'association a été paraphé à Bruxelles en mars 2011. L'accord a été signé au Honduras en juin 2012. Il prévoit une application provisoire du volet commercial, qui est entré en vigueur immédiatement après l'approbation du Parlement européen, le 11 décembre 2012.
Comme l’a souligné Marc Angel, cet accord d’association repose s’articule en trois volets : le dialogue politique, la coopération et le commerce.
La partie politique de l’accord (Partie I) vise principalement à mettre en place un partenariat politique privilégié fondé sur des valeurs, des principes et des objectifs communs, ainsi qu’à renforcer la collaboration dans divers domaines, notamment les droits de l’homme, la prévention des conflits, la bonne gouvernance, l’intégration régionale, la réduction de la pauvreté, la lutte contre les inégalités et le développement durable.
La deuxième partie de l’accord porte sur la coopération en soi, ce qui devrait se traduire par des actions concrètes dans tous les aspects d’intérêt commun, y compris le développement économique, la cohésion sociale, les ressources naturelles, la culture, la justice et les sciences.
La partie commerciale de l’accord entre l’UE et l’Amérique centrale définit les conditions dans lesquelles les opérateurs économiques des deux blocs peuvent exploiter pleinement les possibilités commerciales et les complémentarités émergentes entre les économies concernées.
L’UE est le deuxième partenaire commercial du Costa Rica et du Salvador. Les flux commerciaux entre l’UE et le Costa Rica ont constamment augmenté au cours des dix dernières années, atteignant 8,7 milliards d’euros en 2012. La même année, les investissements directs étrangers en provenance de l’UE ont représenté 400 millions d’euros, principalement dans les secteurs des télécommunications, du tourisme, de l’industrie et des transports.
Les exportations du Costa Rica et du Salvador à destination de l’UE consistent essentiellement de produits industriels (micropuces, instruments médicaux et d’optique) ainsi qu’en produits agricoles (café, bananes, ananas, sucre et produits de la pêche). L’Union exporte principalement des produits pharmaceutiques, de l’huile de pétrole, des voitures et des machines
Les échanges de biens et services entre le Luxembourg et les pays de l’Amérique centrale sont encore très faibles avec des exportations du Luxembourg à destination de l’Amérique centrale de 1,7 million d’euros pour toute la région en 2012, se composant principalement de machines et appareils et de métaux communs. Les importations du Luxembourg en provenance de l’Amérique centrale sont négligeables à 17 000 euros en 2012 et sans grands changements dans les années précédentes.
Lors de la présentation des deux rapports, Marc Angel, qui s’est dit surpris de voir le communiqué de presse diffusé à la veille du vote par trois ONG luxembourgeoises et qui a affiché l’espoir de pouvoir établir un meilleur dialogue à l’avenir, s’est surtout efforcé de contrer les critiques dont ces deux accords ont pu faire l’objet. Et il n’a pas manqué par ailleurs de souligner que beaucoup des craintes et critiques exprimées avaient été évoquées par les députés lors des trois réunions de la commission des Affaires étrangères qui ont été consacrées à ce sujet.
Ainsi, Marc Angel a-t-il insisté sur la place que prennent dans le texte de l’accord d’association avec l’Amérique centrale les droits de l’homme, mais aussi la protection de l’environnement ou encore la dimension sociale, qu’il a présentés comme des "fils rouges" de ce document.
Sur le volet commercial de l’accord d’association, "le plus important" des trois, ainsi que l’a reconnu Claude Wiseler (CSV) au cours du débat, Gusty Graas (DP) a pour sa part souligné les avantages qu’il présentait pour l’économie luxembourgeoise, tout en ajoutant qu’il pouvait contribuer à augmenter les revenus des pays signataires.
Le rapporteur a pour sa part mis l’accent sur les garanties prévues.
Marc Angel a ainsi insisté sur le fait que l’UE préservera les tarifs préférentiels et asymétriques en faveur de l’Amérique centrale qui seraient venus à échéance en 2014 (fin du système de préférences généralisées).
Par ailleurs, si, dans l’agriculture, les droits de douane sur les produits agricoles essentiels seront largement éliminés, l’accord prévoit que des „zones sensibles“ seront définies pour les marchés locaux.
Les accords impliquent par ailleurs que ces pays auront de nouveaux accès substantiels aux marchés de l’UE, en particulier pour leurs principales exportations agricoles: bananes, sucre, viande bovine et rhum, alors que l’UE accordera 100 % de franchise de droit aux produits industriels et aux produits de la pêche originaires d’Amérique centrale au moment de l’entrée en vigueur de l’accord.
Marc Angel a aussi souligné qu’une clause de sauvegarde était également prévue pour certains produits agricoles (notamment les bananes) afin d’éviter une hausse excessive des importations aux dépens des producteurs de l’Union.
L’accord fait par ailleurs référence à la nécessité de promouvoir la diversité biologique, ainsi que n’a pas manqué de le souligner le rapporteur qui a aussi évoqué les engagements pris en matière de pêche durable, le développement durable étant un des objectifs spécifiés dans l’accord à maintes reprises et faisant l’objet d’un chapitre à part entière.
Les indications géographiques sont par ailleurs protégées, ce qui était un élément important des négociations pour l’UE.
Autant d’éléments qui n’ont pas suffi à convaincre Justin Turpel (déi Lénk), qui a pris à son compte l’analyse des ONG qui dénoncent les conséquences désastreuses des deux accords. La suppression des droits de douane donnera un coup de pouce à l’exportation des produits de l’UE subventionnés, ce qui risque de menacer les petits agriculteurs outre Atlantique. Ils libéraliseront les marchés de service, y compris des services d’intérêt général. Ils menaceront l’intégration régionale, dans le cas notamment de l’accord conclu avec le Pérou et la Colombie, et non plus avec la Communauté Andine, comme c’était prévu initialement. En ce qui concerne l’accord sur l’Amérique latine, Justin Turpel a mis l’accent sur la situation des Droits de l’Homme dans plusieurs des pays signataires.
Comme Fernand Kartheiser (ADR), qui avait souligné avant lui que les Verts au Parlement européen avaient voté, comme la Gauche d’ailleurs, contre ces deux accords en décembre 2012, Justin Turpel aurait souhaité entendre les arguments des députés du groupe déi Gréng, dont aucun n’a pris la parole dans le débat et qui ont tous voté pour la ratification de ces deux traités.
Fernand Kartheiser, qui a établi un lien avec le partenariat transatlantique (TTIP) actuellement en cours de négociations, a parlé d’une "fiction de l’équilibre" entre les parties, glissant par ailleurs que le système de règlement des différends entre investisseurs et Etats qui fait l’objet de vives discussions dans le cadre du TTIP était prévu dans cet accord.
Au sujet du hearing sur le TTIP, dont Marc Angel a annoncé qu’il ne pourrait pas se tenir avant la fin mai ou le début du mois de juin 2014, Justin Turpel a regretté qu’il ne soit pas possible de l’organiser avant les élections européennes du mois de mai.