Le 1er avril 2014, les députés luxembourgeois ont adopté à une large majorité (55 voix pour, 5 abstentions) un projet de loi transposant la directive 2010/75/UE sur les émissions industrielles (IED).
Ce texte aurait dû être transposé en droit national pour le 7 janvier 2013 et le Luxembourg s’était vu adresser un avis motivé par la Commission européenne en février 2014. Ce qui explique "l’urgence" évoquée tant par le rapporteur, Henri Kox (déi gréng), que par la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, lors du débat qui s’est tenu à la Chambre des députés.
Le projet de loi 6541 avait été déposé en février 2013 et, en plus de transposer la directive en questions, il modifie en conséquence plusieurs articles de la loi commodo/incommodo de 1999.
La directive IED est venue remplacer la directive relative à la prévention et à la réduction intégrées des pollutions, appelée directive IPCC, et qui encadrait les installations industrielles les plus polluantes. Elle permet aussi d’intégrer en un seul texte sept autres directives. L’objectif est de prévenir et de réduire la pollution de l’air, de l’eau et du sol causée par des installations industrielles, selon le principe du pollueur/payeur. La directive prévoit une approche intégrée de la prévention et de la réduction des émissions dans l’air, l’eau et le sol, de la gestion des déchets, de l’efficacité énergétique et de la prévention des accidents.
La nouvelle directive couvre les activités industrielles à potentiel majeur de pollution, à savoir les industries d’activités énergétiques, la production et transformation des métaux, l’industrie minérale, l’industrie chimique, l’incinération de déchets, ou encore l’élevage d’animaux, et notamment de porcs.
La liste des 36 entreprises concernées au Luxembourg, sur près de 52 000 dans toute l’UE au moment de l’adoption de la directive, est disponible sur le site du Ministère de l’Environnement et comprend tant les centrales d’énergie, les sites du géant de la sidérurgie ArcelorMittal ainsi que des exploitations agricoles ou encore l’abattoir d’Ettelbruck.
Les installations industrielles visées doivent respecter des obligations fondamentales. Il s’agit ainsi de prendre les mesures de prévention contre la pollution des sols, de l’eau et de l’air, d’appliquer les meilleures techniques disponibles (MTD), de ne causer aucune pollution importante, de limiter, recycler ou éliminer les déchets de la façon la moins polluante, de maximiser l’efficacité énergique, de prévenir les accidents et limiter leur impact et enfin de remettre les sites en état lorsque les activités prennent fin.
La directive introduit notamment de nouvelles obligations découlant principalement de l’application, dorénavant obligatoire, des meilleures techniques disponibles (MTD) et des valeurs limites d’émission qui leur sont associées.
Les directives européennes en matière d’émissions industrielles sont fondées sur le recours aux MTD à un coût économiquement acceptable. La directive IPPC avait renforcé ce fondement en fixant les MTD comme objectif à atteindre et en prévoyant, en parallèle, la mise à disposition de dossiers techniques à destination d’exploitants d’installations concernées par les MTD, les „dossiers BREF“. Les dossiers BREF sont élaborés au niveau européen, depuis la directive IPPC, par différents groupes techniques sectoriels et sont révisés régulièrement. Jusqu’à présent, les dossiers BREF n’avaient pas de valeur réglementaire, ce qui change avec la nouvelle directive IED.
Désormais, les prescriptions des installations existantes devront être revues dans un délai maximum de 4 ans après publication des conclusions des dossiers BREF. Les exploitants qui ne pourront s’y conformer et, en particulier, qui ne pourront respecter les valeurs limites d’émission qui en découlent devront cesser leur activité.
Des dérogations à la cessation d’activité seront toujours possibles à condition que les exploitants concernés démontrent, dans une étude technico-économique, que les niveaux d’émission associés aux MTD entraînent une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement.
Le fait que ces dossiers puissent faire l’objet d’actes délégués adoptés par la Commission européenne explique l’abstention des députés de l’ADR, ainsi que l’a expliqué Fernand Kartheiser à la Chambre. En effet, ces éléments d’application directe expriment selon lui "une vue fédérale" que son parti souverainiste est loin de partager. De son point de vue, le Luxembourg devrait conserver son influence, par exemple par une procédure d’approbation.
Pour Henri Kox, cette nouveauté va permettre d’éviter toute concurrence déloyale au sein de l’UE. Ce dont s’est félicité aussi Gilles Baum (DP), qui voit dans ce projet de loi "un bon compromis" entre la protection de l’environnement et un cadre réglementaire raisonnable pour les entreprises.
Marcel Oberweis (CSV) a souligné pour sa part les investissements que vont impliquer ces nouvelles règles pour les entreprises. L’occasion pour l’ancien rapporteur du projet de loi de soulever une question restée sans réponse : à savoir qui va payer la dépollution en cas de faillite de l’entreprise industrielle qui a causé les dégâts ? Pour Justin Turpel (déi Lénk), qui dénonce le "tout chimique" dont nous payons encore les conséquences et qui s’est abstenu avec son collègue Serge Urbany, la réponse est toute trouvée : il faudrait créer un fonds de garantie pour prévenir de tels cas.
Comme l’a souligné Roger Négri (LSAP), un des changements importants apportés par cette directive et la loi qui la transpose est la simplification administrative. Il relève notamment le recours à l’administration électronique pour les demandes d’autorisation, mais aussi, et c’est ce qui est nouveau, pour leur suivi. Le texte prévoit en effet un suivi du respect des obligations tant par l’exploitant que par l’administration.
Autre amélioration, la possibilité de participation du public dans le processus d’octroi d’autorisations et de dérogations, déjà prévue par la directive IPPC, est accrue. Cela prend d’autant plus sens que les obligations en matière de surveillance et de communication des données concernant les émissions et les inspections environnementales, ainsi que les conditions d’accès du public à l’information, sont également renforcées. Les progrès introduits en matière de transparence ont ainsi été salués, notamment par la ministre.