Le Parlement européen a confirmé le 2 avril 2014 l’accord qui avait été trouvé en trilogue en décembre 2013 sur le futur règlement qui va encadrer les essais cliniques en Europe.
La Commission avait mis sur la table une proposition visant à revoir la réglementation des essais de médicaments de façon à renforcer l’attrait de la recherche clinique dans l’UE en juillet 2012. L’enjeu était de répondre aux critiques dont faisait l’objet la directive sur les essais cliniques de 2001 (2001/20/CE). Parmi les reproches émis, tant par les patients, les chercheurs que les entreprises du secteur, la Commission citait par exemple les coûts élevés induits par des exigences réglementaires jugées disproportionnées ou encore l’absence d’harmonisation des règles applicables nécessaires dans le cas d’essais cliniques multinationaux. L’enjeu était donc, pour la Commission de restaurer la compétitivité de l'Union dans la recherche clinique et de stimuler l'élaboration de nouveaux traitements et médicaments innovants, en réduisant les formalités administratives et en rétablissant en Europe une recherche axée sur le patient.
L’accord trouvé en trilogue en décembre 2013 avait été salué par la Commission, qui admettait toutefois qu’elle aurait souhaité un règlement "plus ambitieux".
Il en ressort notamment que les entreprises pharmaceutiques et les chercheurs seront tenus de télécharger les résultats de leurs essais cliniques en Europe dans une base de données accessible au public. Le règlement facilitera par ailleurs la coopération transfrontalière pour étendre les essais cliniques, les rendre plus viables et plus fiables, ce qui devrait stimuler le développement des traitements spéciaux, par exemple pour les maladies rares. Le texte prévoit des procédures de rapport simplifiées et la possibilité pour la Commission européenne de mener des contrôles. Dès qu'un promoteur d'essai clinique soumettra une demande à un État membre, ce dernier sera tenu de répondre dans les délais impartis.
Lors des négociations, les députés ont modifié le projet législatif pour accroître la transparence, en exigeant que les résumés détaillés des essais soient publiés dans une base de données européenne accessible au public.
Les rapports d'études cliniques complets devraient également être publiés dès qu'une décision de mise sur le marché pour le produit testé est prise ou si l'autorisation de mise sur le marché est retirée. Des amendes seraient imposées aux promoteurs qui ne respectent pas ces exigences.
Le rapport de Glenis Willmott (S&D), qui a suivi le dossier tout au long des négociations, a été adopté par 594 voix pour, 17 contre et 13 abstentions.
"Je suis ravie qu’une écrasante majorité de députés ait soutenu cet accord. Il rendra les essais plus transparents, donnera de l'espoir aux patients qui ont besoin de nouveaux traitements plus adaptés, et augmentera le nombre d'emplois qualifiés en Europe", a-t-elle souligné à l’issue du vote.
"La nouvelle législation offrira de l’espoir aux millions de personnes en Europe qui souffrent de maladies rares, en facilitant la réalisation des essais cliniques transfrontaliers. Il n’y a tout simplement pas assez de patients dans un seul pays donné pour développer ou pour améliorer les traitements contre une maladie rare. En travaillant à l'échelle européenne, nous pouvons réduire l’énorme coût et la charge de la réalisation d'essais cliniques transfrontaliers", a-t-elle ajouté.
Aussitôt, le vote a été salué comme "une victoire pour la transparence en matière de santé dans l'UE" par la Médiatrice européenne, Emily O'Reilly. Selon la Médiatrice, la nouvelle législation, qui prévoit l'obligation de rendre publique l'information sur les essais cliniques, pourrait sauver d'innombrables vies. "Au cours des cinq dernières années, mon bureau a traité plusieurs plaintes de citoyens qui se sont vu refuser l'accès à des données concernant des essais cliniques. Grâce aux nouvelles règles, les résultats de tous les essais cliniques en Europe seront accessibles au public via Internet. Il sera désormais possible de vérifier si les médicaments sont aussi efficaces qu'ils sont censés l'être et s'ils ont des effets secondaires potentiellement dangereux. Ceci apportera une meilleure protection aux patients et pourrait sauver d'innombrables vies à travers l'Europe", a-t-elle déclaré.
La nouvelle législation prendra la forme juridique d’un règlement, de façon à garantir l’homogénéité de la réglementation en matière d’essais cliniques dans toute l’Union européenne. Ce point est essentiel pour que les États membres puissent s’appuyer sur les mêmes règles en vue d’autoriser un essai clinique et d’en superviser le déroulement.
Le nouveau règlement facilitera la tenue d’essais cliniques multinationaux, c’est-à-dire menés dans plus d’un État membre. Les mesures réduisant les formalités administratives et simplifiant les règles actuelles sont les suivantes:
- une procédure d’autorisation claire, qui permettra un examen rapide et approfondi de la demande par tous les États membres concernés et aboutira à un résultat d’examen unique. Elle laissera également les États membres déterminer les fonctions des organismes en charge de l’examen, à condition que celui-ci soit mené d’une façon pleinement indépendante et avec toute l’expertise requise;
- des procédures de notification simplifiées qui éviteront aux chercheurs de devoir présenter séparément à plusieurs organismes et États membres des informations en grande partie identiques sur l’essai clinique envisagé;
- la possibilité pour la Commission de procéder à des contrôles dans les États membres et les pays tiers pour vérifier que la surveillance et le respect de la réglementation sont effectifs.
Le principe d’autorisation tacite dans la phase d’examen d’une demande, déjà inscrit dans la directive actuelle sur les essais cliniques, sera étendu à tous les examinateurs, de manière à résorber les goulets d'étranglement et les retards dans la procédure. Le but est de remédier à une restriction inutile et contrariante à laquelle les promoteurs d’essais cliniques sont confrontés actuellement. Les États membres auront toujours la possibilité de mettre un terme à un essai clinique s'ils estiment qu'il est potentiellement dangereux pour la santé de ses participants.
Tout en continuant de préserver la sécurité des patients, le règlement est censé mieux prendre en considération les risques réels auxquels s’exposent les sujets au cours de l’essai et adapte les contraintes réglementaires en conséquence. Il introduit la notion d'«essai clinique à faible intervention» qui désigne par exemple des essais cliniques visant à comparer des médicaments déjà autorisés. Les exigences réglementaires sont plus légères dans ces cas.
Le règlement veillera au respect des règles fondamentales en matière de protection des participants, quel que soit le lieu où est mené l’essai, y compris en dehors de l’UE. Il contient par conséquent des dispositions sur les essais cliniques réalisés dans des pays tiers dont se prévalent les demandes d’autorisation relatives à un essai clinique organisé dans l’Union européenne. Pour ces essais, le texte impose le respect d’exigences réglementaires au moins équivalentes à celles qui sont en vigueur dans l’Union, y compris en matière de transparence.
Le règlement renforce les règles de transparence. La transparence permet d'éviter les redondances et les doubles emplois. Elle fait en sorte que même les essais cliniques dont l’issue est défavorable soient rendus publics, ce qui évite d’éventuels biais dans la publication des résultats. Enfin, elle permet aux patients de se renseigner sur les essais cliniques en cours auxquels ils pourraient souhaiter participer. Depuis mai 2011, les essais cliniques autorisés dans l’Union européenne sont publiés dans un registre officiel : https://www.clinicaltrialsregister.eu/
Ayant reçu le vote favorable du Parlement, le règlement doit désormais être adopté formellement par le Conseil et publié au Journal officiel. Son application dépend du fonctionnement opérationnel de la base de données et du portail européens que développe actuellement l'Agence européenne des médicaments. Il devrait prendre effet au second semestre 2016, au plus tôt.