Plus de 90 délégations des deux continents ont participé au 4e sommet UE-Afrique qui se déroulait les 2 et 3 avril 2014 à Bruxelles. Parmi elles, étaient présents plus de 60 chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne (UE) et d'Afrique, le président du Conseil européen, le président de la Commission européenne, le président de l'Union africaine (UA) et la présidente de la Commission de l'Union africaine (CUA), ainsi que le secrétaire général des Nations unies. Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, y représentait le Luxembourg.
Placé sous le thème "Investir dans les populations, la prospérité et la paix", l'objectif étant de "relever des défis communs et d'apporter des avantages concrets à nos citoyens", comme le souligne la déclaration du sommet, la réunion a permis de passer en revue la mise en œuvre de la stratégie conjointe UE-Afrique adoptée lors du Sommet de Lisbonne en 2007 ainsi que le plan d’action 2011-2013 adopté à Tripoli en 2010 "et de fixer le cadre pour le prochain exercice" 2014 - 2017, relève le communiqué diffusé par le Ministère luxembourgeois à l’issue du sommet.
La Déclaration du sommet précise ainsi que les participants ont pris acte "des progrès bien réels qui ont été accomplis" et qu’ils réaffirment leur "détermination à donner un nouvel élan à notre partenariat". Ils conviennent par ailleurs "de mobiliser des ressources à cette fin", y lit-on.
"Conscients de la forte interdépendance entre l'Afrique et l'Europe, guidés par les principes que nous partageons de partenariat d'égal à égal et de responsabilité commune, nous sommes particulièrement fiers de l'étendue et de la profondeur de notre partenariat, qui est profondément ancré dans les valeurs partagées de la démocratie, du respect des droits de l’homme, d'Etat de droit, de bonne gouvernance, ainsi que du droit au développement", déclarent en préambule les participants.
Pour la période 2014-2017, le sommet a convenu que la mise en œuvre de la Stratégie conjointe devra être axée sur les domaines prioritaires que sont la paix et sécurité ; la démocratie, bonne gouvernance et droits de l'Homme ; le développement humain ; le développement et croissance durables et inclusifs et intégration continentale ; ainsi que les questions globales et émergentes.
Ces objectifs ont été entérinés par les dirigeants européens et africains dans une Feuille de route qui définit les "priorités stratégiques et identifie les moyens de les mettre en œuvre dans les domaines d'intérêt mutuel", précise la déclaration. "Pour chacun de ces objectifs, un certain nombre d'actions ont été recensées aux niveaux interrégional, continental ou mondial, qui pourraient avoir une incidence réelle sur les populations des deux continents. Ces actions s'ajouteront à la coopération aux niveaux national et régional", ajoute le communiqué du Ministère luxembourgeois. La mise en œuvre des priorités fera appel à un large éventail d'initiatives politiques et d'instruments de financement. "Pour la période 2014-2020, plus de 28 milliards d'euros seront alloués à l'Afrique par l'UE, auxquels s’ajoutera la coopération bilatérale des Etats membres de l’UE", lit-on dans la déclaration.
La déclaration du sommet souligne par ailleurs que "sans la paix et la sécurité, il ne saurait y avoir de développement ni de prospérité. En Afrique et en Europe, les conflits et l'instabilité peuvent ruiner tous les efforts que nous faisons pour réduire la pauvreté et accélérer la croissance. Nous nous engageons à garantir un environnement transparent, démocratique, responsable, pacifique pour ceux que nous représentons et à défendre nos valeurs et objectifs communs dans la poursuite de la bonne gouvernance, de la démocratie et de l'Etat de droit".
Soulignant le "lien intrinsèque" qui existe entre la sécurité et le développement, le ministre Jean Asselborn a affirmé "qu’il importait de poursuivre les efforts dans ces domaines par une approche conjointe". Il a rappelé que l’UE, "avec son éventail de politiques et d’instruments, dispose des moyens adéquats pour soutenir la recherche de solutions africaines aux problèmes africains et de solutions conjointes aux défis partagés. Face à des menaces qui sont transnationales par définition, il importe de se doter des outils adéquats qui permettent de conjuguer les efforts et de partager les expériences", relate encore le communiqué.
Les participants, qui soutiennent "fermement la vocation et l'engagement africain à assurer paix, sécurité et stabilité en Afrique dans le cadre de l'Architecture africaine pour la Paix et la sécurité (AAPS)" se sont notamment engagés à renforcer "l’opérationnalisation de l'AAPS, notamment en appuyant la Force africaine en attente ainsi que les capacités permettant de la déployer, de la soutenir et de la gérer de manière durable. Nous contribuerons à la formation et au renforcement des capacités des forces africaines, y compris les composantes civiles et de police", poursuit la déclaration. Dans son discours de clôture, le président du Conseil, Herman Van Rompuy, a ainsi souligné qu'"en 2016, plus de 17 000 militaires africains auront été formés grâce au soutien des Européens".
A ce sujet, Jean Asselborn a par ailleurs rappelé qu’en tant que membre non-permanent du Conseil de sécurité pour 2013 et 2014, "le Luxembourg a fait de son partenariat avec l’Afrique une priorité". Membre actif de la Commission de consolidation de la paix de l’ONU, le Luxembourg participe de même régulièrement aux missions de paix et de sécurité, civiles et militaires, en Afrique, plus récemment au sein des missions européennes au Mali et au Niger, au large de la Corne de l’Afrique, en République démocratique du Congo et bientôt en République centrafricaine. Le Luxembourg soutient par ailleurs de nombreux projets de l’UA dans les domaines de la prévention des conflits, de la réforme du secteur de la sécurité, de la formation et du renforcement du leadership africain – que ce soit au Sahel, en Centrafrique ou dans la lutte contre l’Armée de résistance du Seigneur.
Les discussions ont en outre permis d’aborder, en plus de l’actualité politique régionale, des défis communs comme notamment le changement climatique, les épidémies, le crime organisé transfrontalier, y compris la traite d'êtres humains, les trafics de drogues et d'armes, la piraterie, le terrorisme et le commerce illégal de la faune. Défis à propos desquels les dirigeants ont assuré qu’ils renforceront "la coopération pour s’attaquer aux causes profondes des conflits ainsi qu’aux questions transversales d'intérêt commun", y lit-on.
Alors que l’Afrique connaît une croissance forte et que l’UE amorce une légère reprise, les ministres et chefs d’Etat et de gouvernement se disent "convaincus que la croissance sur nos deux continents sera mutuellement bénéfique". "Nos économies restent étroitement liées et nous ferons en sorte que la croissance de l'une contribuera à celle de l'autre" constatent-ils en soulignant que "les populations doivent rester au cœur de notre partenariat. Aussi nous engageons-nous aujourd'hui à leur offrir les possibilités dont elles ont besoin".
Les échanges de vues ont ainsi également porté sur les moyens d’attirer des investissements réciproques, de stimuler la croissance et créer des emplois "dans la perspective de valoriser le capital humain dont disposent les deux continents, en particulier à travers l’éducation et la formation", précise encore Jean Asselborn.
L’UE assure notamment de son appui à la "décision de l'UA de rapidement créer en Afrique une zone de libre-échange à l'échelle continentale, et propose de mettre à profit l'expérience qu'elle a tirée de la création du marché unique pour renforcer les capacités nécessaires à cette initiative. Nous continuerons à travailler en vue des Accords de Partenariat Economique (APE) qui doivent soutenir les efforts d’intégration commerciale intra africaine et régionale et en vue de la zone continentale de libre-échange prévue".
La déclaration finale appuie par ailleurs que "le moment est venu d'opérer un changement fondamental et de privilégier à l'aide, le commerce et l'investissement, comme moyens de réduire la pauvreté et de favoriser la croissance et l'emploi". Cela étant, "l'aide au développement n'en perd pas pour autant toute son utilité, bien au contraire, et nous prenons acte de la décision de l'UE de maintenir le niveau de son aide au développement et notamment l'aide pour le commerce. Nous nous engageons à travailler de concert pour rendre l'aide au développement plus efficace", souligne-t-elle encore.
Lors du sommet, une déclaration commune spécifique sur la migration et la mobilité a été adoptée et il a été convenu de mettre en œuvre un plan d'action pour la période 2014-2017 afin de "lutter contre l'immigration illégale en promouvant une coopération efficace et complète pour éviter les conséquences dramatiques de la migration illégale et protéger la vie des migrants".
Conformément à cette déclaration, les participants ont promis de favoriser les synergies entre la migration et le développement, notamment en réduisant les coûts des envois de fonds et en renforçant le rôle et l'implication de la diaspora et la consolidation de l'Institut africain des transferts de fonds. Il s’agit également d’organiser de manière plus efficace la mobilité de la main-d’œuvre ainsi que celle des opérateurs économiques aux niveaux intra et inter-régional.
La coopération sera renforcée en termes de lutte contre la traite des êtres humains, notamment en renforçant le partenariat et la coopération en matière de prévention, de protection et de poursuites. "Nous coopérerons également sur la problématique de la migration irrégulière, en abordant tous ses aspects importants, y compris le renforcement de la gestion des migrations et des dispositions en matière de retour et de réadmission, ainsi que la promotion d'alternatives à la migration irrégulière. Enfin, nous coopérerons dans le domaine de la protection internationale et de l'asile et œuvrerons ensemble à la promotion du respect des droits de l'homme des migrants", assurent les parties.
La transformation du secteur agricole, qui vise à améliorer la résilience alimentaire, la sécurité alimentaire et nutritionnelle et le dynamisme du secteur commercial revêtent une importance particulière pour l'Afrique souligne la déclaration.
"A cette fin, nous convenons de soutenir le Programme détaillé du développement de l'agriculture africaine (PDDAA), dont l'objectif est notamment d'atteindre un taux de croissance supérieur en développant un marché des produits agricoles qui fonctionne mieux et en assurant plus de sécurité alimentaire pour la région. Nous prenons note de l’évolution de la Politique agricole commune de l’UE et nous œuvrerons à la réalisation d’avancées en matière de cohérence avec les objectifs de développement de l’agriculture en Afrique", peut-on y lire.
L'UE et l'Afrique sont déterminées à adopter, à Paris en 2015, un accord "juste, équitable et juridiquement contraignant dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le changement climatique et guidé par ses principes qui s'appliquera à toutes les parties et entrera en vigueur en 2020 au plus tard", poursuit la déclaration.
Cet accord devrait avoir une portée plus universelle et plus efficiente pour produire des résultats en termes d'atténuation, d'adaptation, de financement, de mise au point et de transfert de technologies, de transparence des mesures ainsi que de soutien et de renforcement des capacités, jugent encore les participants.
"L'UE et l'Afrique s'engagent à initier ou intensifier leurs préparatifs domestiques pour leurs contributions prévues et déterminées au niveau national en vue d'atteindre l'objectif ultime de la Convention et de les communiquer suffisamment en amont de la 21ieme session de la Conférence des Parties pour le premier trimestre 2015, pour les parties prêtes à le faire. L'UE est déterminée à soutenir l'Afrique a cet égard".
Lors d’une conférence de presse conjointe en marge du sommet UE-Afrique, le 2 avril, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont annoncé lun plan des deux pays en vue d’une alliance entre l’UE et l’Afrique : "J'ai proposé (...) une alliance entre nos deux continents, autour de trois enjeux: la sécurité, donc la paix, mais aussi le développement, donc la croissance, et enfin l'environnement, donc le changement climatique", a déclaré François Hollande, soulignant que "l'Allemagne et la France peuvent agir et animer cette alliance entre les deux continents".
Selon le président français, "l'Europe peut apporter" à l'Afrique "sa technologie, son savoir-faire, sa solidarité", ainsi que "ses forces armées pour éviter des conflits, des massacres, et lutter contre le terrorisme". "L'Allemagne et la France veulent jouer un rôle moteur" dans le développement et la sécurité de l'Afrique, a poursuivi Angela Merkel. Mentionnant la participation de militaires allemands à des opérations européennes, elle a estimé que "c'est un nouveau parcours qui se dessine" pour l'Allemagne. "Nous sommes désormais présents sur le terrain au Mali (...) et nous participons à la mission en Centrafrique".