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Politique étrangère et de défense
Le Conseil lance EUFOR RCA, l'opération militaire de l'UE en République centrafricaine
01-04-2014


logo-eufor-source-seaeAprès l'accord politique intervenu le 20 janvier 2014 au sein de la formation "Affaires étrangères" du Conseil et l’établissement formel, le 10 février suivant, de l'opération militaire de l'Union européenne (UE) en République centrafricaine (RCA), le Conseil a lancé l’opération militaire européenne EUFOR RCA, soit la cinquième opération du genre de l’UE en cours, le 1er avril 2014.

Mise en place sur la base juridique de la résolution 2134 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), l'opération "se donne pour objectif de contribuer à la création d'un environnement sécurisé dans ce pays", détaille le communiqué diffusé par le Conseil à ce sujet. L'EUFOR RCA devra ainsi "apporter un soutien temporaire en vue de l'instauration d'un environnement sûr et sécurisé dans la région de Bangui, dans l'optique d'un passage de relais à une opération de maintien de la paix des Nations unies ou aux partenaires africains", y lit-on.

La force contribuera tant "aux efforts déployés à l'échelle internationale pour protéger les populations les plus exposées qu'à la création des conditions nécessaires à la fourniture de l'aide humanitaire". Il s’agit notamment de se positionner "en soutien aux efforts déployés par la communauté internationale, notamment l’Union Africaine (UA), l’ONU et la France, ainsi que par les autorités centrafricaines", comme le précisaient les conclusions du Conseil du 20 janvier. L'EUFOR RCA opérera à Bangui et à l'aéroport de la capitale.

"Notre mandat est très clair: opérer à Bangui, et pas au-delà. Nous allons concentrer nos efforts sur la zone de l'aéroport M'Poko, où un camp rassemble environ 70 000 personnes déplacées, et dans deux arrondissements adjacents, le 3e et le 5e. Ces derniers ont une importance symbolique avec une population musulmane ou mixte musulmane-chrétienne", a déclaré le général de division français Philippe Pontiès, lors d’une conférence de presse tenue le 2 avril 2014 à Bruxelles.

Nommé commandant de l'opération par le Comité politique et de sécurité de l'UE le 28 janvier dernier, le général a encore précisé qu’"en six mois, en ayant une présence extrêmement visible et robuste, avec des patrouilles fréquentes, nous voulons en faire des secteurs pilotes en termes de sécurité, qui pourront ensuite servir d'exemples à d'autres quartiers de Bangui. Il s'agit donc d'obtenir des effets rapides, en collaboration étroite avec les forces africaine MISCA et française Sangaris".

Le contingent européen en Centrafrique

Le contingent européen était réclamé par la France, qui a envoyé depuis le 5 décembre 2013 quelque 2 000 hommes en Centrafrique (opération Sangaris) en appui à la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (environ 6 000 hommes) sous conduite africaine (MISCA), conformément à la résolution 2127 (2013) du CSNU. Son lancement a été rendu possible grâce au résultat de la dernière conférence de génération de forces, le 28 mars, conférence lors de laquelle l'Italie l'Allemagne et le Royaume-Uni notamment ont fourni des moyens de transport stratégique et logistique qui faisaient défaut jusque-là.

Le Conseil précise encore que la force comprendra "jusqu'à 1 000 soldats" (dont 450 soldats français selon l’AFP), dirigés donc par le général de division français Philippe Pontiès. Son Etat-major opérationnel est situé à Larissa, en Grèce, tandis que l'Etat-major de la force et les troupes se trouveront à Bangui. Lors de sa conférence de presse du 2 avril, le général a évoqué quelque "800 hommes" qui devraient pouvoir être déployés  d’ici "à la fin mai" lorsque "la mission sera pleinement opérationnelle" et "dont les trois quarts seront directement impliqués dans les opérations de rétablissement de la sécurité".

Le commandant de l’opération EUFOR RCA a par ailleurs souligné que treize nations européennes vont y participer, "dont neuf auront des soldats déployés sur le terrain: la France, nation cadre, l'Espagne, l'Estonie, la Lettonie, le Portugal, l'Italie, la Finlande, la Pologne ainsi que la Géorgie, qui ne fait pas partie de l'UE". Etats auxquels s’ajoutent l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg et la Suède qui "contribueront dans le transport aérien des troupes et des équipements", un rôle jugé "essentiel" par le général.

"Ce n'est pas rien, et je considère que ce résultat est tout à fait satisfaisant, même si le processus a été plus lent que prévu. Cela est dû en bonne partie à la détérioration soudaine de la situation internationale. Elle a beaucoup pesé dans l'appréciation qu'ont pu avoir certains pays de l'UE quant à leur participation à EUFOR RCA", a-t-il ajouté.

Les coûts communs de l'opération sont estimés à 25,9 millions d'euros pour la phase préparatoire et le mandat octroyé pourra aller jusqu'à six mois à compter de la date à laquelle la force aura atteint sa pleine capacité opérationnelle. "Les troupes d'EUFOR se déploieront rapidement afin d'obtenir des effets immédiats dans la zone de responsabilité de l'opération", précise encore le communiqué du Conseil, sans toutefois avancer de date quant aux premières arrivées de soldats sur place.

Les réactions

La Haute Représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, s’est félicitée par voie de communiqué du "lancement de cette opération" qui "démontre la volonté de l'UE de participer pleinement aux efforts internationaux pour rétablir la stabilité et la sécurité à Bangui et dans l'ensemble de la République centrafricaine". Elle a poursuivi en soulignant qu’il "est essentiel que l'ordre public soit rétabli le plus rapidement possible, afin que le processus de transition politique puisse reprendre".

Dans son allocution en ouverture d’une réunion spéciale sur la situation en RCA qui s’est tenue en marge du Sommet UE-Afrique, le 2 avril 2014, le président du Conseil de l'UE, Herman Van Rompuy a souligné que la crise en RCA "constitue une préoccupation majeure", du fait d'une "accélération de la dynamique de la violence" entre chrétiens et musulmans, et de l'extension "du cycle d'actes de représailles à l'ensemble du territoire".  Il a insisté sur le "potentiel déstabilisateur" de cette crise pour la région, alors que les capacités d'accueil des pays voisins "atteignent leurs limites" face à l'afflux de réfugiés. "D'avantage d'efforts et contributions restent nécessaires pour soutenir le travail crucial" des forces sur place, a-t-il encore appuyé.

"Cette réunion a permis aux délégations présentes d’apporter leur soutien aux autorités de transition de République centrafricaine dans leurs efforts pour la paix, la sécurité et le dialogue. Elle a aussi mis en évidence l’engagement conjoint de l’Union européenne et de l’Afrique de répondre de manière coordonnée à cette situation de crise et de contribuer ensemble à une stabilisation durable du pays", lit-on dans les conclusions conjointes de ce mini-sommet organisé sur invitation du président du Conseil, Herman Van Rompuy, de la présidente de la Commission de l’Union Africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, du président de la République française, François Hollande et du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon.

asselborn-sommet-rca-source-maeLe ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a pour sa part souligné "que l’ampleur des violations et des abus des droits de l’homme ainsi que des violations du droit international humanitaire commises par toutes les parties en RCA était alarmante et a appelé à leur arrêt immédiat", précise un communiqué diffusé par son Ministère à l'issue de la réunion spéciale.

Il a par ailleurs "fermement condamné les attaques délibérées contre les civils en raison de leur religion, le recours à la torture, les violences sexuelles et le recrutement et l’utilisation d’enfants par les groupes armés". Il a encore souligné que "le Luxembourg suit de près l’évolution de la situation sur le terrain et que la Grand-Duché apporte son soutien à la restauration sans délai de l’Etat de droit, de la sécurité publique et de l’ordre public", assurant dans ce contexte que le Luxembourg "débourserait rapidement les promesses de don faites à l’attention de la RCA, en appui aux efforts pour la paix, la sécurité et le dialogue".

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a de son côté exhorté la communauté internationale à "fournir les troupes supplémentaires nécessaires et des fonds". L'ONU prévoit de déployer d’ici la mi-septembre 12 000 soldats et policiers en RCA pour prendre le relais de la force africaine.

Le contexte

Comme le détaille la fiche d’information du Service européen pour l’Action extérieure (SEAE), relative à la RCA, l'UE est "un partenaire essentiel de la RCA et son principal bailleur de fonds". Leurs relations sont régies par l'accord de Cotonou.

Le SEAE rappelle ainsi que "même avant la crise actuelle, la RCA était confrontée à des défis de taille en matière économique, sociale et humanitaire, ainsi que de gouvernance et de sécurité. L'UE s'est donc engagée, dans de nombreux domaines essentiels, à soutenir le rétablissement socioéconomique à long terme du pays, dans le cadre d'un programme global de renforcement de l'État et de consolidation de la paix, et à contribuer à asseoir la stabilité du pays".

L'UE s'inquiète néanmoins de la détérioration constante de la situation politique et humanitaire, ainsi que de la sécurité en RCA, en particulier depuis 2012, relève la fiche du SEAE.

"La mise en œuvre échelonnée des accords de paix antérieurs, conjuguée au sous-développement chronique du pays et à son instabilité politique de longue date, a débouché sur l'éclatement d'un nouveau conflit en décembre 2012. Malgré la signature à Libreville, le 11 janvier 2013, d'un accord politique donnant le coup d'envoi à une période de transition, les tensions ont atteint leur paroxysme en mars 2013 avec la prise de pouvoir violente par les groupes rebelles de la Séléka et le changement anticonstitutionnel de gouvernement. Le 5 décembre 2013, la pire vague de violence depuis le début de la crise a déferlé dans la capitale et d'autres régions du pays, déclenchée par une attaque par des anti-Balaka et d'autres groupes armés contre les musulmans à Bangui. Cette attaque et les actes de représailles qui ont suivi ont provoqué la mort de plus de 1 000 personnes ainsi que l'augmentation soudaine et massive des déplacements internes", y lit-on.

La crise actuelle touche selon le SEAE la majorité de la population (4,6 millions de personnes, dont la moitié sont des enfants). Plus de 50 % des Centrafricains sont dans un besoin urgent d'aide. Au 31 janvier 2014, la RCA comptait plus de 825 000 personnes déplacées sur son territoire. Plus de 245 000 Centrafricains ont trouvé refuge dans des pays voisins en 2013. L'insécurité limite l'accès de l'aide humanitaire, ce qui ne permet guère de contrôler l'ensemble de la situation humanitaire et de fournir l'aide d'urgence à ceux qui souffrent des conséquences de la violence.

La situation en RCA a des effets "potentiellement déstabilisateurs qui pourraient s'étendre à la région", s’inquiète par ailleurs le SEAE. "L'insuffisance de forces de sécurité officielles accroît le risque que le pays devienne un refuge pour les groupes criminels et armés des pays voisins. Le pays, qui était déjà l'archétype d'un 'État fragile', est désormais confronté à un effondrement total de son ordre public et à la déliquescence de ses institutions étatiques".

Les accords de Libreville et la déclaration de N'Djamena du 18 avril 2013, négociés par la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), constituent la base de la résolution politique de la crise en RCA. Selon le cadre mis en place par la CEEAC, la période de transition de 18 mois devrait conduire à l'organisation d'élections générales d'ici le début de 2015 et au rétablissement de l'ordre constitutionnel. Après la démission du chef de l'Etat de transition et du premier ministre de la RCA le 10 janvier 2014, le corps législatif (Conseil national de transition) a élu Catherine Samba-Panza au poste de présidente par intérim le 20 janvier.

"Le rétablissement de la sécurité et de l'ordre public demeure une des priorités immédiates pour stabiliser le pays en vue de soutenir le processus politique. L'amélioration de la couverture humanitaire et la relance de l'aide au développement sont directement liées à l'évolution favorable de la situation sur le plan de la sécurité. Un des objectifs essentiels à moyen et long terme est la reconstruction des institutions étatiques", affirme encore la note du SEAE.