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Elections européennes - Fiscalité - Traités et Affaires institutionnelles
Les déclarations du député UMP Laurent Wauquiez, qui plaide pour une Europe à six, sans un Luxembourg qu’il considère comme "un paradis fiscal" et un "pays artificiel", suscitent de vives réactions au Grand-Duché
11-04-2014


Invité par Jean-Jacques Bourdin pour un entretien diffusé le 10 avril 2014 sur BFM TV et RMC, Laurent Wauquiez, député-maire du Puy-en-Velay et vice-président de l’UMP, a suscité une forte polémique au Luxembourg. Le député vient de publier un ouvrage intitulé "L’Europe : il faut tout changer" et il y appelle par exemple la France à "sortir de Schengen".

Au cours de cet entretien, l’ancien ministre chargé des Affaires européennes, qui était venu en avril 2011 à Luxembourg pour y expliquer que le Grand-Duché était "un partenaire stratLaurent Wauquiez lors de sa conféreence de presse avec J-Cl Juncker, Luxembourg, le 13 avril 2011égique pour la France" dans le cadre de "la diplomatie européenne très ouverte" qu’elle visait, a exposé sa vision d’une Europe à six, sans le Luxembourg.

"En faisant entrer trop de pays, on a tué le projet européen", a avancé Laurent Wauquiez qui juge que "l'élargissement a été une erreur". Il appelle donc à "corriger cette erreur" et à revenir à "une Europe cohérente" dans laquelle il y aurait "les mêmes règles fiscales, les mêmes règles sociales, le même fonctionnement du régime de retraite". Il veut ainsi reconstituer un noyau dur autour de six pays : l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France. "Aux autres, il faut leur expliquer qu'ils ne fonctionnent pas au même rythme", a poursuivi le député en soulignant que c’était valable pour la Grande-Bretagne, qui "n’a pas envie d’Europe", l'Irlande, qui "continue à faire du dumping", ou la Roumanie, qui n’a "absolument pas le même niveau de vie".

"Je ne mets pas dedans le Luxembourg parce que le Luxembourg est devenu un paradis fiscal dans lequel il n’y a plus un tissu économique et industriel et qui est en fait un pays qui est devenu très artificiel", a précisé le député français.

Les réactions au Luxembourg

Aussitôt, les réactions se sont enchaînées au Luxembourg.

Le premier à réagir, Charles Goerens, eurodéputé et candidat du DP aux élections européennes, s’est adressé le 10 avril 2014 au président de l’UMP, Jean-François Copé pour lui faire part de sa "consternation" face aux propos d’un "éminent membre" d’un parti "dont les dirigeants ont toujours adopté une attitude respectueuse à l’endroit" du Luxembourg.

"J’ose espérer qu’il s’agit en l’occurrence d’un point de vue strictement personnel et isolé au sein de votre formation politique", poursuit Charles Goerens, qui s’étonne et dit ne pas voir "qui, au sein de l’UMP, pourrait partager les propos d’exclusion tenus par Monsieur Wauquiez à l’encontre du Luxembourg". 

"Je compte sur vous personnellement pour éliminer le moindre doute à ce propos", conclut l’eurodéputé libéral qui a sûrement entendu Laurent Wauquiez affirmer dans cette interview qu’il espérait que sa position deviendrait celle de l’UMP.

Dès le lendemain, le LSAP diffusait un communiqué dénonçant des propos témoignant d’une méconnaissance du Luxembourg et d’un "populisme des plus simplistes" et appelant à une réaction du CSV.

Peu de temps auparavant, deux candidats du CSV aux européennes avaient réagi.

Viviane Reding, tête de liste pour les européennes et vice-présidente de la Commission européenne, jugeait que "comparé aux difficultés économiques et financières du pays de Monsieur Laurent Wauquiez, le Luxembourg est un 'paradis de stabilité'"

"Monsieur Wauquiez ferait mieux de concentrer ses efforts sur des propositions qui pourraient aider son pays à sortir des difficultés où il se trouve plutôt que d'attaquer sans fondement le Grand-Duché", poursuivait Viviane Reding qui estime que "la prospérité économique du Luxembourg est tout sauf artificielle et contribue grandement à la solidarité et l'unité européenne". "Monsieur Wauquiez ne semble pas savoir que le Luxembourg est le pays qui garantit la plus grande part du Mécanisme de Stabilité Européen par habitant", souligne-t-elle ainsi dans ce communiqué. "Parlons plutôt d’union et arrêtons d’ouvrir des fronts de division en Europe”, concluait-elle.

Frank Engel, actuel eurodéputé du CSV, s’est pour sa part adressé à Joseph Daul, président du PPE, auquel sont affiliés tant le CSV que l’UMP.

Dans un courrier circonstancié il estime que si le vice-président de l’UMP peut "se livrer à des fabulations de refondation de l’Europe dans le Luxembourg en qualifiant ce pays de manière inqualifiable", "cela prouve qu’il n’a pas la moindre idée de ce qu’est le Luxembourg, et qu’il n’a pas plus d’idée de ce que doit être l’Europe". Il glisse dans sa lettre que le Luxembourg "accueille chaque jour, en leur offrant un emploi, une centaine de milliers de Français, le quart résidents, les trois quarts travailleurs frontaliers".

De son point de vue, le fait que Laurent Wauquiez "souhaite procéder encore au démantèlement de l’essentiel de notre espace de droit, de justice et de liberté le disqualifie complètement, tout comme ses propos sur la migration qui font preuve d’un dédain de la personne humaine qui [le] laisse sans paroles".

La crainte exprimée par Frank Engel, c’est "que ces propos ne trouvent une résonance dans cette partie de l’UMP qui au fond ne demande pas mieux que l’enterrement de l’Union européenne".

"Je considère que Laurent Wauquiez s’en est pris au Luxembourg, et à l’Europe de manière radicalement inacceptable au sein du PPE", poursuit l’eurodéputé qui prend Joseph Daul à partie pour souligner que "nous ne saurions tolérer que de hauts responsables de partis membres du PPE remettent en question la vocation européenne de pays fondateurs de l’Union européenne" ou encore que "nous ne saurions tolérer que l’UMP, à travers son vice-président, propose une prétendue refondation de l’Europe qui serait en fait son abolition définitive".

"Il faut que ces divagations cessent", conclut Frank Engel en appelant Joseph Daul, qui est aussi membre de l’UMP, à "manifester au vice-président de l’UMP et à tous ceux qui pourraient être tentés de le suivre qu’ils s’éloignent de l’acceptable au sein du Parti Populaire européen". "Les risques d’une telle démarche sont importants", souligne l’eurodéputé, certain que le président du PPE à qui il s’adresse les mesure lui aussi.