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Economie, finances et monnaie
Membre du directoire de la BCE, Yves Mersch plaide pour une modification des traités en vue d’une surveillance plus effective des budgets nationaux et d’un renforcement de la légitimité de la prise de décision dans la zone euro
05-05-2014


L'audition d'Yves Mersch par la commission ECON du Parlement européen a eu lieu le 22 octobre 2012 (c) European Union 2012Il faudrait une modification des traités afin de rendre plus effectives la surveillance européenne des budgets nationaux ainsi que la légitimité de la prise de décision dans la zone euro. A l’occasion d’une conférence devant les membres de l’Association Européenne de Droit Bancaire et Financier Luxembourg, le 5 mai 2014, c’est ce qu’a suggéré Yves Mersch, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE),

Dans un long discours sur les progrès et les défis de la refonte institutionnelle de la zone euro engagée suite à la longue crise économique qui a "douloureusement mis en lumière les lacunes dans la mise en œuvre du traité de Maastricht", le Luxembourgeois s’est notamment félicité des avancées enregistrées dans la mise en œuvre du marché unique, appelant néanmoins à de nouvelles actions législatives pour achever le marché unique des services financiers.

Mais il a surtout, dans ses conclusions, appelé à aller plus loin. Citant le rapport des quatre présidents, respectivement du Conseil européen, de la Commission européenne, de l'Eurogroupe et de la BCE réalisé en 2012, Yves Mersch a rappelé que ce rapport avait "identifié quatre blocs de construction d'une véritable Union économique et monétaire: l’Union bancaire, budgétaire, économique et politique". "La crise bancaire a entraîné le premier bloc de construction. Cependant, nous ne devons pas oublier qu'il reste encore beaucoup à faire sur les trois autres sites de construction", a-t-il expliqué usant de la métaphore.

Selon le banquier central européen, à plus long terme, il semblerait "opportun de réfléchir sur les limites du cadre actuel dans lequel nous évoluons", avance-t-il, suggérant  "une modification du traité" qui "pourrait élargir notre horizon de possibilités".

Ainsi en ce qui concerne l'Union budgétaire, le rapport des quatre présidents avait évoqué la nécessité d'un véritable contrôle sur les budgets nationaux. "Les conséquences des politiques fiscales malavisées dans une union monétaire sont trop graves pour rester sous le seul contrôle national ("self-policed" dans le texte)", a-t-il estimé, jugeant qu’au-delà de la récente réforme de la gouvernance budgétaire, "le centre de la zone euro pourrait être doté d’un droit de veto sur les budgets nationaux qui violent les règles européennes".

Sur la question de l’Union économique, Yves Mersch appuie que la zone euro a "besoin d’atteindre un degré plus élevé de convergence économique, en termes de compétitivité, de potentiel de croissance et de flexibilité. Cela est essentiel pour chaque pays et pour le bon fonctionnement de la zone euro dans son ensemble", plaide-t-il. Selon lui, le cadre de coordination des politiques devrait ainsi être "plus rigoureux et exécutoire" au niveau européen alors que dans le même temps, "une attention particulière devrait être accordée à la promotion de l'appropriation nationale des réformes nécessaires".

Les progrès dans ces domaines dépendraient cependant et avant tout de "mesures proportionnées vers l'Union politique", souligne encore Yves Mersch. "Compte tenu des multiples géométries impliquées par le processus de l'intégration européenne, la nécessité d'une dimension politique approfondie est encore plus pressante pour la zone euro. Le partage d'une monnaie unique implique un partage substantiel de souveraineté et de l'intégration économique bien au-delà des exigences d'un marché unique".

Parmi les options évoquées par le membre du directoire de la BCE en vue "d’améliorer l'efficacité et la légitimité de la prise de décision dans la zone euro", Yves Mersch estime qu’un "président permanent de l'Eurogroupe" comme "noyau d’un ministère des Finances de la zone euro" qui soit doté d’une véritable capacité d'analyse et de pouvoirs décisionnels autonomes "pourrait être un pas dans la bonne direction". Ce renforcement des pouvoirs pourrait être selon Yves Mersch accompagné d’une obligation accrue de rendre des comptes au Parlement européen, notamment via la création d’une sous-commission "zone euro" du Parlement.