Le 12 octobre 2012, une semaine avant le Conseil européen d’octobre, Herman Van Rompuy a rendu public le rapport intermédiaire qui va servir de base aux discussions des chefs d'Etat et de gouvernement visant à renforcer l’Union économique et monétaire.
Un document qu’il a rédigé en étroite collaboration avec Jean-Claude Juncker, José Manuel Barroso et Mario Draghi, qui se base sur le rapport remis par ces quatre présidents au Conseil européen de juin et qui se nourrit des consultations menées tout au long du mois de septembre avec les différents Etats membres et le Parlement européen.
L’objectif de ce rapport est de mettre en lumière les points de convergence et d’indiquer les domaines dans lesquels il conviendra d’avancer en vue du rapport final qui sera présenté en décembre, explique le président du Conseil européen.
Il reprend les quatre pierres angulaires de la feuille de route présentée en juin.
Si l’intégration du secteur financier s’est nettement approfondie suite à l’introduction de l’euro, le rapport constate toutefois que la supervision, la gestion de crise et la résolution bancaire restent organisées selon des lignes nationales. Conséquence, cela a augmenté les coûts du soutien au secteur financier pour les contribuables et aggravé les risques en termes de stabilité budgétaire. Et la crise a causé une fragmentation du marché financier de la zone euro qui a des conséquences sur les conditions de crédits.
Les consultations bilatérales ont permis d’arriver à la conclusion que l’établissement d’un cadre financier intégré est nécessaire pour l’achèvement d’une véritable Union économique et monétaire et qu’il doit comprendre une autorité de supervision unique, un cadre commun de résolution mis en œuvre par une autorité commune de résolution et des schémas de garantie de dépôt nationaux établis sur la base de standards communs.
Le MSU : une priorité
Le rapport rappelle la mise en place du système européen de supervision financière en 2010, soulignant que l’Autorité bancaire européenne et le Comité européen du risque systémiques ont endossé des fonctions de coordination, le pouvoir de décision restant essentiellement dans les mains des autorités nationales. Dans ce contexte, l’adoption de la proposition de mécanisme de surveillance unique (MSU) mise sur la table par la Commission apparaît comme une priorité.
Mais le rapport met en exergue trois éléments cruciaux dans ce dossier : une claire séparation entre la politique monétaire de la BCE et les fonctions de surveillance qu’elle va exercer, un équilibre entre les droits et obligations pour tous les Etats membres participant et enfin l’obligation de rendre des comptes du nouveau superviseur unique et ce y compris devant le Parlement européen.
Le MSU devrait fonctionner de façon complètement compatible avec le marché unique, est-il encore précisé, ce qui implique que l’EBA va conserver son rôle, établir et assurer la mise en œuvre d’un corps de règles unique pour toute l’UE et continuer de jouer le rôle de médiateur entre les différents superviseurs. Les modalités de vote au sein de l’EBA vont donc devoir être adaptées de façon à permettre une représentation juste et une prise de décision efficace au sein du marché unique des services financiers.
Enfin le rapport souligne combien il est important que cette supervision centralisée permette une pleine continuité entre les politiques micro-prudentielle et macro-prudentielle.
Fonds de résolution
Le rapport mentionne la proposition faite par la Commission en matière de fonds de résolution des défaillances bancaires et souligne que, dans le cas où le MSU serait établi, il faudrait prévoir une autorité commune de résolution dotée des moyens appropriés pour pouvoir prendre des décisions de résolution rapides et impartiales. Pendant la période de transition qui suivra l’établissement d’un MSU, l’ESM pourrait avoir la possibilité de recapitaliser directement les banques, précise le rapport.
Mécanismes de garantie des dépôts
Des systèmes crédibles de garantie des dépôts peuvent jouer un rôle préventif pour la stabilité du système financier, est-il souligné dans le rapport. A ce titre, la proposition législative visant à harmoniser les systèmes nationaux est présentée comme une avancée importante.
Le rapport souligne la nécessité de compléter le cadre actuel de surveillance et de coordination des politiques budgétaires par un cadre de coordination ex ante, ainsi que le prévoit le "paquet de deux" ou "two pack", et d’avancer progressivement vers un cadre budgétaire intégré à part entière.
"L’histoire d’autres unions monétaires montre qu’il y a différentes façons de progresser vers une union budgétaire. Le degré de centralisation des instruments budgétaires et les accords sur la solidarité budgétaire en cas de chocs macroéconomiques et financiers varient d’une union monétaire à l’autre". C’est ce qui est constaté dans le rapport où il est toutefois conclu que le caractère unique de l’UEM justifierait "une approche spécifique".
Une gouvernance économique renforcée
A court terme, le rapport indique que la priorité est de compléter et mettre en œuvre les prochaines étapes d’une gouvernance économique renforcée. Il s’agit du six-pack, mais aussi du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, autrement dit le "pacte budgétaire", mais aussi du "two pack", dont la procédure législative doit être "finalisée d’urgence" et qu’il s’agit de mettre en œuvre rapidement. Ce nouveau cadre de gouvernance va permettre une coordination ex ante des budgets annuels des pays membres de la zone euro et renforcer la surveillance de ceux qui ont des difficultés financières, sont convaincus les auteurs du rapport.
Doter l’UEM d’une capacité budgétaire
Mais ils sont aussi conscients que "renforcer la discipline n’est pas suffisant en soi". A long terme, le rapport fait ainsi état d’un besoin d’explorer l’option d’aller au-delà des efforts actuels visant à renforcer la gouvernance économique en dotant progressivement l’UEM d’une capacité budgétaire. Une telle capacité budgétaire pourrait prendre différentes fortes et les auteurs du rapport suggèrent d’explorer différentes options d’ici le Conseil européen de décembre 2012. Cette capacité budgétaire permettrait d’assumer des fonctions qui ne sont pas couvertes par le cadre budgétaire pluriannuel. Et il va s’agir aussi d’examiner les moyens de développer cette capacité budgétaire dans le cadre de l’UE et de ses institutions.
"Une de ses fonctions pourrait être de faciliter les ajustements aux chocs affectant seulement certains pays en permettant qu'ils soient absorbés dans une certaine mesure au niveau central", indique le rapport qui précise que dans l’UEM, un choc symétrique affectant tous les pays de façon simultanée fait l’objet d’une réponse par les moyens de la politique monétaire, tandis que dans le cas de chocs économiques spécifiques à un pays, ce sont essentiellement les budgets nationaux qui doivent répondre. Par ailleurs, l’ESM est un instrument de gestion de crise, et il n’a pas été créé pour assumer une telle fonction d’absorption de chocs, est-il précisé. D’autant que les bas niveaux de mobilité transfrontalière des travailleurs et les obstacles structurels à la flexibilité des prix rendent les mécanismes d’ajustement économique moins efficaces que dans d’autres unions monétaires. "L’absorption au niveau central de chocs asymétriques représenterait une forme limitée de solidarité budgétaire exercée au fil des cycles économiques, améliorant la résilience économique de l’UEM", est-il encore plaidé dans le rapport qui ajoute que "des éléments de partage du risque budgétaire peuvent et devraient être structurés de façon à ne pas conduire à des transferts permanents entre pays ou à ne pas miner les incitations à remédier aux faiblesses structurelles".
Autre fonction de cette "capacité budgétaire" : "faciliter les réformes structurelles qui améliorent la compétitivité et le potentiel de croissance". En effet une fonction d’absorption de chocs nécessite un degré plus avancé de convergence entre les structures et politiques économiques des Etats membres. Les deux objectifs de cette capacité budgétaire sont donc complémentaires du point de vue des auteurs du rapport.
L’établissement d’une telle capacité financière ne devrait pas remettre en cause le respect des règles budgétaires et la discipline budgétaire dans chacun des Etats membres, préviennent les auteurs du rapport qui précisent qu’un aspect clef de cette future capacité budgétaire qu’il conviendrait d’examiner avec le plus grand soin serait de lui donner la possibilité d’emprunter. De ce point de vue, il est indiqué que la règle de l’équilibre budgétaire ancrée dans le pacte de stabilité et de croissance et dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance devra s’appliquer à la capacité budgétaire. Un cadre budgétaire pleinement intégré nécessiterait l’établissement d’une fonction de Trésor aux responsabilités budgétaires clairement définies.
Des actifs financiers liquides et sûrs pour la zone euro
Le rapport indique qu’il a été suggéré que l’établissement d’actifs financiers sûrs et liquides pour la zone euro pourrait contribuer à limiter les boucles de rétroaction négatives entre banques et finances publiques qui ont été à l’origine de la contagion de la crise actuelle. Dans ce contexte, les auteurs du rapport estiment que la mise en commun de certains instruments de financement souverains à court terme, par exemple des bons du trésor, sur une base limitée et conditionnelle pourrait être examinée plus avant. Ils préviennent que cela nécessiterait un plus haut degré de prise de décision commune sur les budgets qui pourrait s’appuyer sur les clauses du "two-pack" concernant l’examen des projets de budget et la coordination ex ante de l’émission de dette. Le rapport fait aussi état de propositions visant à refinancer graduellement le stock de dettes souveraines sur une base conditionnelle et temporaire par le biais d’un fonds d’amortissement de la dette accumulée par la plupart des Etats membres juste avant et pendant la crise financière et de la dette.
Un cadre de politique économique intégré
Dans un souci de rester une économie sociale de marché très attractive et de préserver le modèle social européen, le rapport préconise de limiter les divergences excessives de compétitivité entre Etats-membres, ce qui implique une flexibilité des prix, ainsi qu’une capacité à gérer les bulles d’actifs et de crédits. Les auteurs du rapport plaident pour un équilibre entre, d’une part, la nécessité de laisser aux Etats membres l’autonomie politique et la capacité de s’ajuster et, d’autre part, l’applicabilité de mesures visant à prévenir l’apparition de déséquilibres et à faciliter les ajustements de prix et de coûts.
Les réformes du cadre de surveillance de l’UE
Le rapport évoque les mesures visant à réformer la surveillance économique au niveau de l’UE : semestre européen et recommandations par pays, nouvelle procédure de déséquilibre macroéconomique avec sanctions, mais aussi Pacte Euro plus, désormais intégré au semestre européen. L’amélioration du marché unique y apparaît aussi comme un "moyen puissant" de faire face aux faiblesses mesurées dans l’UE en termes de qualité institutionnelle, de marché du travail et d’environnement d’affaires. C’est dans ce contexte que les auteurs du rapport citent comme "top priorité" la mise en œuvre rapide des mesures incluses dans le pacte de croissance adopté en juin 2012.
Promouvoir des réformes structurelles par le biais d’accords contractuels
Les consultations bilatérales ont vu émerger l’idée, qui reste à explorer, que les Etats membres de la zone euro puissent passer des accords contractuels avec les institutions européennes au sujet des réformes en faveur de la croissance et de l’emploi que ces pays s’engageraient à mettre en œuvre. Ce dispositif pourrait comprendre un soutien aux réformes par le biais d’aides financières limitées, temporaires, flexibles et ciblées. De tels accords pourraient être liés aux réformes identifiées dans les recommandations par pays du Conseil et se baser sur des procédures de l’UE, comme les plans d’action corrective établis dans le cadre de la procédure de déséquilibre excessif ou des programmes de partenariat économique. Un cadre de politique économique intégré pourrait aussi aider à orienter les politiques en matière de mobilité professionnelle et de coordination fiscale, indique le rapport qui précise que de tels mécanismes de coordination pourraient être ouverts à des Etats membres qui n’ont pas encore introduit l’euro.
Renforcer la politique macro-prudentielle
Un cadre de politique économique intégré pourrait enfin contribuer à éviter la formation rapide de déséquilibres alimentés par des conditions financières inappropriées au niveau national, ajoutent les auteurs du rapport qui proposent un usage renforcé des instruments de politique macro-prudentielle. Doter un futur superviseur unique de tels outils améliorerait nettement l’impact de la politique macro-prudentielle, notamment en aider à mieux gérer le développement de risques liés aux prix du crédit et des actifs dans certains pays, tel est le postulat affiché dans ce rapport.
Le rapport affirme comme principe un contrôle démocratique et une obligation de rendre des comptes aux niveaux auxquels sont prises les décisions, ce qui implique de se fonder sur le Parlement européen au niveau européen, mais aussi de maintenir et d’assurer le rôle clé des parlements nationaux.
Le rapport fait référence au traité de Lisbonne, qui a introduit des améliorations en matière d’obligation de rendre des comptes, tant vis-à-vis du Parlement européen que des parlements nationaux. Un rôle renforcé des institutions européennes doit être accompagné d’une implication proportionnelle du Parlement européen dans les procédures, stipule le rapport qui évoque aussi des possibilités concrètes d’améliorer le niveau de coopération entre les parlements nationaux et le Parlement européen en se basant sur l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ainsi que sur le protocole 1 du TFUE, et ce en respectant la méthode communautaire. Le rapport appelle ainsi à explorer les moyens d’assurer un débat au Parlement européen et dans les parlements nationaux sur les recommandations adoptées dans le cadre du semestre européen.
Le cadre de la gouvernance, qui devrait être renforcé sur la base de la déclaration du sommet de la zone euro du 26 octobre 201 et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, gagnerait aussi à un dialogue social ouvert et actif, concluent les auteurs du rapport.