Le 18 mai 2014, RTL Télé a retransmis la deuxième table ronde officielle des élections européennes du 25 mai 2014, après celle organisée le 11 mai 2014. Neuf candidats représentant les neuf partis en lice ont débattu sur le thème de la place du Luxembourg dans l’UE.
La table ronde a commencé par la présentation d’un sondage selon lequel 54 % des résidents de nationalité luxembourgeoise interrogés sont pessimistes sur la place future du Luxembourg dans l’UE, tandis que 43 % sont optimistes.
Interrogé sur les moyens de redresser ce taux, qui aurait, à une époque, affiché 80 % d’optimistes, le candidat socialiste, Marc Angel, a souligné l’importance d’une nouvelle politique qui prenne davantage en compte la dimension sociale. Il a formulé le désir que "Bruxelles ne montre pas du doigt seulement les pays qui ont des déficits mais aussi ceux qui ont trop de chômeurs".
L’eurodéputé libéral sortant, Charles Goerens, suggère qu’il y a des "malentendus" derrière l’incompréhension manifestée par les citoyens. Pour autant, un tel score n’est "pas une fatalité" et peut être amélioré par "un meilleur dialogue et une meilleure information" des citoyens. Il souligne aussi la responsabilité de la crise, contre laquelle l’UE, si elle a agi, "aurait pu mieux faire".
Le candidat CSV et autre eurodéputé sortant, Frank Engel, imagine que la défiance réside dans une capacité d’action de l’UE qui n’est pas à la hauteur des "défis de notre temps". Il souligne aussi l’influence des attaques menées contre le Luxembourg, et auxquelles il faut réagir. Par ailleurs, Frank Engel a souligné que le responsable de l’UMP, Laurent Wauquiez, qui a proposé dans un livre la sortie de l’UE pour le Luxembourg, "ne parle pas pour la France, ni pour son parti, mais pour lui et pour la vente de son livre" et que "c’est une voix esseulée qui reçoit beaucoup d’attention".
Le candidat ADR, Roy Reding, estime que l’UE n’a pas tenu ses promesses de garantir davantage de social et de démocratie. Sur ce dernier point, il souligne que si l’UE avait été davantage démocratique, le Premier ministre luxembourgeois n’aurait pas pu aller s’engager à Bruxelles en faveur de l’échange automatique d’informations, sans consulter auparavant la Chambre des députés.
La candidate Déi Gréng, Tilly Metz, pense que c’est "une Europe plus proche des citoyens, plus transparente, plus démocratique", qui ferait remonter le taux d’optimistes.
Le candidat du KPL, Zénon Bernard, souligne qu’il y a 26 millions chômeurs dans l’UE et des milliers de milliards d’euros d’évasion fiscale, et qu’il y a lieu de s’opposer à "cette UE du sac d’argent".
L’animateur Marco Goetz a ensuite interrogé les participants sur l’éventuelle menace qui pèserait sur le bien-être du Luxembourg, notamment depuis qu’il a annoncé accepter l’échange automatique d’informations.
Pour la candidate écologiste, Tilly Metz, il fallait et il faut en finir avec le dumping fiscal dans l’UE, car "il n’apporte rien". Il n’est pas juste que les grandes multinationales regardent dans quel Etat membre de l’UE elle sera le mieux traitée pour payer au final 2 à 3 % d’impôt, "tandis que le boucher du Luxembourg doit payer 25 % de taxe". Pour régler la question de la concurrence fiscale, les Etats membres de l’UE devraient agir en commun. Le Luxembourg saura pour sa part redéployer son savoir-faire vers des activités elles aussi porteuses telles que la gestion.
Le député ADR, Roy Reding, met en garde contre le risque de "désagrégation de l’Europe" et estime que "le respect de la souveraineté constitue la voie vers le bien-être, la paix, et l’emploi".
L’eurodéputé DP, Charles Goerens, estime qu’il faut s’employer à "garder une base économique qui apporte ce bien-être". Après le temps des "niches de souveraineté", arrive l’époque "des niches de compétences", qui implique l’investissement dans l’innovation. Concernant les dossiers dangereux pour le Luxembourg, il y a lieu à s’employer à rediriger les débats vers des "voies plus raisonnables".
Pour Marc Angel (LSAP), il n’est pas question de niveler vers le bas son bien-être. Il est possible à la fois d’introduire des standards minimums en Europe, sans réduire les standards luxembourgeois. Néanmoins, Marc Angel dit comprendre la peur des citoyens, "quand on entend la chancelière Angela Merkel dire que nous sommes 7 % de la population mondiale, avons 25 % de la production mondiale et 50 % des dépenses sociales, et que ça doit changer". Les socialistes l’en empêcheront et se battront pour une UE aux fondements sociaux solides, en plus d’une économie forte.
Pour Zénon Bernard (KPL), ce ne sont pas les attaques qui sont importantes, mais la politique économique menée par des gens "qui au niveau européen se découvrent une âme sociale mais font le contraire au niveau national", dit-il en citant en exemple la hausse de la TVA et la baisse des aides financières pour études supérieures décidées par le gouvernement luxembourgeois.
La candidate Déi Lénk, Thérèse Gorza, répond dans un sens similaire, que c’est "avec la politique d’austérité, que le bien-être est en danger". Il faudrait au contraire renforcer les droits des salariés et des syndicats, mettre fin aux privatisations et prendre l’argent où il est, par une plus grande progressivité fiscale.
Pour le candidat du Parti pirate, Marc Goergen, il n’y a "pas de bien-être sans Europe".
Le député et candidat ADR, Roy Reding, estime que les citoyens ne perçoivent pas que 70 % des lois nationales viennent de l’UE. Il en veut pour explication le manque de débat sur la politique européenne et notamment le fait que les députés ne sont pas questionnés avant qu’une directive ne passe à la Chambre pour être transposée.
Pour Charles Goerens (DP), les citoyens sont injustes avec les institutions européennes qui sont jeunes et donc bénéficient plus difficilement d’une "confiance directe". Au niveau national, quand le gouvernement fait erreur, c’est la politique qui est remise en cause, pas l’institution, dit-il. Au niveau européen, les institutions sont elles aussi visées.
Tilly Metz (Déi Gréng) pense que les citoyens devraient être mieux informés mais estime également que les députés nationaux, au sein de la commission des affaires étrangères, devrait discuter de politique européenne et notamment des directives en cours de préparation.
Pour Marc Angel (LSAP), il faudrait "informer beaucoup plus". Il souligne la responsabilité en la matière des 60 députés nationaux qui ont, eux aussi, une "dimension européenne". "Si une directive arrive mauvaise à la Chambre, c’est que les ministres et que les eurodéputés n’ont pas bien travaillé mais aussi que les députés nationaux n’ont pas fait attention", dit-il. Les députés peuvent consulter le programme du Conseil et convoquer des ministres à la commission parlementaire compétente s’ils le jugent nécessaire.
Zénon Bernard (KPL) souligne la nécessité de l’inversion de la répartition des richesses qui s’effectue pour l’heure "en permanence du bas vers le haut". De même, il déplore que le budget national doive désormais être approuvé à Bruxelles, ce qui constitue "un manque de respect pour nos députés".
Marc Goergen (Parti pirate) déplore qu’il n’y ait pas assez de possibilités de codécision laissées aux électeurs. Il faudrait à la fois donner plus de pouvoir au Parlement européen et à la Chambre des députés. Pour cette dernière, le modèle danois, selon lequel le ministre doit recevoir un mandat approuvé par le Parlement avant d’aller à Bruxelles, pourrait être un exemple.
Rebondissant sur les précédentes prises de positions, Frank Engel (CSV) estime que le désarroi des électeurs survient "quand l’Europe est regardée seulement à travers le prisme national". Or, il existe déjà le mécanisme de codécision, par lequel les députés obtiennent les mêmes droits que les ministres. Par contre, les Parlements nationaux doivent savoir rester dans leur domaine de compétence qui est national. Frank Engel désigne aussi la responsabilité des médias, y compris au Luxembourg, qui ne s’intéresse pas autant au processus de prise de décision européen qu’aux décisions ministérielles nationales.
Pour Jean Colombera, candidat du PID, les gens n’arrivent pas à avoir une vision extérieure de l’ "appareil énorme" qu’est l’UE, tandis qu’on ne recherche pas le contact avec eux.
Pour Thérèse Gorza, de Déi Lénk, l’enjeu n’est pas le renforcement de la voix du Luxembourg dans le concert européen, mais le renforcement de la démocratie, et ce pas seulement au Parlement européen. Thérèse Gorza pense notamment au besoin de nouvelles possibilités d’interagir des citoyens, notamment en facilitant le recours à l’Initiative citoyenne européenne (ICE) et en leur donnant la possibilité de proposer des lois au Parlement européen. Elle cite également le besoin de renforcer la démocratie dans les entreprises, pour permettre le contrôle des décisions du management aux niveaux européen et national.
Charles Goerens (DP) avance que "ce qui est bon pour l’Europe est bon pour Luxembourg". Réagissant aux pouvoirs du Parlement, il rappelle que si un député n’a pas l’initiative des lois, il a la possibilité de faire des rapports d’initiative, dont certains peuvent avoir une influence importante, comme ce fut le cas du rapport Spinelli de 1984 sur l’idée de constitution européenne ou du rapport Werner de 1970 sur l’union économique et monétaire. Il souligne toutefois que la voix du Luxembourg a "moins d’impact" depuis que les pays en charge des présidences tournantes, n’ont plus les affaires extérieures dans leurs compétences et que le Conseil a un président, en la personne d’Herman Van Rompuy.
L’eurodéputé CSV sortant, Frank Engel, souligne l’impossibilité pour les six eurodéputés luxembourgeois de figurer dans toutes les commissions parlementaires et estime qu’il serait important que chaque eurodéputé siège dans les commissions où sont discutées les lois qui touchent le Luxembourg de près.
Pour Charles Goerens (DP), la première de ces forces est la "crédibilité", la capacité à développer des visions dans lesquelles d’autres Etats membres peuvent se reconnaître, "à rendre les grands plus petits et les petits plus grands".
Marc Angel (LSAP) désigne le Luxembourg comme "l’huile du moteur franco-allemand" et pense que le pays doit rester, en tant que pays fondateur, "un gagnant de la construction européenne".
Pour Marc Goergen (Parti pirate), il faut rester le "partenaire fiable" que le Luxembourg a été dans les dernières années, croire dans l’idée européenne et s’employer pour le respect des droits de l’homme.
Tilly Metz (Déi Gréng) est d’avis que la force du pays réside dans le fait qu’il constitue une "mini Europe", par sa diversité et son plurilinguisme, atouts auxquels s’ajoute sa situation géographique centrale. Elle note aussi la présence de nombreuses entreprises créatives à côté du secteur financier.
Selon Thérèse Gorza (Déi Lénk), la force du Luxembourg réside dans son indexation automatique des salaires et dans son notre système social, qui devraient être étendus au niveau européen. Elle suggère également que le Luxembourg, après avoir accepté l’échange automatique d’informations, pourrait désormais se faire le défenseur de la régulation des marchés financiers et en faire une force.
Pour Zénon Bernard (KPL), il ne faudrait être en aucun cas l’huile entre France et Allemagne, mais agir dans l’intérêt de la grande majorité de la population, et non pas comme la troïka en Grèce, en Espagne, au Portugal.
Pour Roy Reding, de l’ADR, la force du Luxembourg réside dans son indépendance.
Pour Frank Engel (CSV), l’intensité des discussions sur les sujets européens à la Chambre dépend de "la conception du rôle du député". C’est "une question de volonté" puisque la Chambre est "maîtresse de son agenda".
Charles Goerens (DP) estime que les députés nationaux devraient recevoir une note explicative de chaque directive de la Commission européenne et qu’ils devraient nommer une personne qui suit le dossier.
Roy Reding (ADR) estime qu’il n’est pas démocratique que le gouvernement discute des directives, et que celles-ci ne soient discutées à la Chambre qu’à la fin du processus. Selon l’ADR, le gouvernement devrait demander un mandat et obtenir l’adhésion de la Chambre avant de se rendre au Conseil. De même, il dénonce le peu de temps qui est offert aux députés pour contrôler le principe de subsidiarité.
Pour la candidate écologiste, Tilly Metz, les députés, devraient se réunir une fois par mois en commission parlementaire pour discuter de tous les dossiers européens en cours et à venir. Elle juge aussi qu’il faudrait promouvoir la formation politique et parler davantage d’Europe dans les écoles et les lycées.
Pour Jean Colombera (PID), l’agenda de la Chambre laisse encore beaucoup de place pour parler d’Europe et donner des informations aux citoyens.
Marc Goergen (Parti pirate) déplore dans ce contexte que les citoyens n’aient pas d’accès aux réunions des commissions de la Chambre des députés. De la même manière, il déplore que le Premier ministre Xavier Bettel, n’ait eu besoin d’aucune autorisation des citoyens ou de leurs élus pour accepter l’échange automatique d’informations.
Zénon Bernard (KPL) dénonce le manque total de pouvoir de contrôle des députés et eurodéputés, sur le TTIP, au sujet duquel Aucun Parlement n’est informé "bien que ce traité aura un impact direct sur le niveau de vie luxembourgeois", et sur les 500 milliards d’euros de réserves qui dorment dans les caisses de l’UE, au sujet desquelles aucun député n’a le pouvoir de dire quelque chose.
Le candidat CSV, Frank Engel, a souligné que c’est le plus décisif poste de politique luxembourgeoise et que ce serait "une grande chance" s’il était occupé par un Luxembourgeois.
Le socialiste Marc Angel (LSAP) a dit qu’il est "toujours content" quand un Luxembourgeois joue un rôle important mais fait remarquer que Jean-Claude Juncker restera lié au programme du PPE d’Angela Merkel, ce qui constitue un " sac à dos lourd à porter, tout comme la présence des partis du Hongrois Orban et de l’Italien Berlusconi, dans le PPE.
Pour Tilly Metz (Déi Gréng), "le programme et la famille politique sont plus importantes que la nationalité". Thérèse Gorza (Déi Lénk) souligne que, comme chef de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker a été le responsable d’une politique que son parti combat. Jean Colombera, du PID, est d’avis que sa présence permettra au Luxembourg d’être moins attaqué de l’extérieur.