Dans leurs avis écrits, une douzaine d’organisations de jeunes ont demandé des clarifications sur la Garantie pour les jeunes, prévue à partir de juin 2014 au Luxembourg et qui vise à offrir un emploi ou une formation dans les quatre mois qui suivent son inscription au chômage. Lors d’une table ronde, ils les ont présentés le 15 mai 2014, au ministre de l’Education, Claude Meisch, et le ministre du Travail, Nicolas Schmit.
Le Parlement des Jeunes (PJ) s’interroge notamment sur le terme "garantie", en mettant en doute que chaque jeune puisse trouver un emploi ou une formation adéquate en quatre mois. Il se demande également si, le cas échéant, une compensation est prévue, ou encore si un jeune a le droit de refuser un emploi-formation. La Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) s’interroge sur la flexibilité de cette garantie, en se demandant si la période des quatre mois peut "expirer" quand un jeune choisit de prendre du temps libre. Les jeunes du CSV, estiment que le terme "garantie" est "présomptueux", vu que des "services compétents existent déjà aujourd’hui et peuvent proposer de telles mesures aux jeunes dans des délais raisonnables". Pour les jeunes du CSV, il s’agit "d’assurer que la culture du mérite ne soit pas minée par une garantie à l'aveugle d'un stage ou d'un emploi". La Jeunesse démocrate et libérale (JDL) craint que la "Garantie Jeunesse" se réduise à un "slogan" si le gouvernement n’arrive pas à mettre plus en valeur le Luxembourg comme "pôle d’innovation" et à attirer des entreprises. Elle demande également de réviser la réforme de l’enseignement. Pour les jeunes du syndicat OGBL, la "Garantie Jeunesse" ne doit pas se limiter aux "populations vulnérables", mais s’adresser à tous les jeunes. Le syndicat précise que l’UE n’a pas encore défini le genre d’emploi à créer, tout en appelant le gouvernement à créer un cadre légal et "à établir un plan précisant la mise en œuvre".
Le Daachverband vun de Lëtzebuerger Jugendklibb a.s.b.l. (DVLJ) est également très critique envers le manque de coordination des services existants : Il demande une "réelle restructuration" des services concernés afin que le la "Garantie Jeunesse" ne devienne pas "une mesure supplémentaire dans la multitude et le désordre relatif des mesures et services déjà existants", tout en critiquant leur manque de cohérence et de coordination. Pour les jeunes du CSV, l’exercice se limite "à une meilleure coordination entre les administrations compétentes, sans apporter de solution novatrice à la pénurie d’emplois pour des jeunes non qualifiés". Pareil pour le Conseil supérieur de la Jeunesse (CSJ), pour qui le défi de la "Garantie Jeunesse" consiste dans la réorganisation des "nombreuses structures d’encadrement" afin d’éviter la "création de structures supplémentaires". Selon la JEC, la visibilité des acteurs professionnels du travail de jeunesse doit être renforcée. Pour l’asbl LIFE, qui se définit comme une "plateforme écocréative", la "Garantie Jeunesse" représente une mesure "assez symbolique". Elle appelle à simplifier "la jungle de mesures et d'acteurs", insistant sur le fait que les initiatives doivent être "organisées d'une manière à ce qu'elle est proche des jeunes, accessible et facilement abordable".
Le manque d’un cadre légal pour le stage au Luxembourg est l’épine dans le pied d’une grande partie des organisations. Ainsi, les jeunes de l’OGBL revendiquent un cadre légal pour les stages afin d’éviter des abus et de garantir des revenus et une protection sociale. La section jeune du parti écologiste, déi jonk Gréng proposent de créer un statut de "stagiaire" pour "renforcer la protection de ce denier". L’ACEL, l’Association des cercles d'étudiants luxembourgeois, demande également un cadre légal pour les stages et d’introduire des garanties de rémunération ou encore des jours de congés. La JEC revendique des certificats de stage afin de le "valoriser" et "d’ouvrir des portes" dans le monde professionnel. Elle demande des mesures pour éviter que les jeunes soient exploités par les patrons comme des employés à bas coût. La JDL souligne l’importance du stage, longtemps "sous-estimé", et critique le "manque de coordination".
Le logement et les transports en commun à prix abordables
Les jeunes du parti de gauche, déi Lénk Jeunes, appellent à limiter la durée de stages à six mois et à contraindre les entreprises à offrir un CDI au stagiaire à la fin du stage. Ils estiment que la "Garantie Jeunesse" ne va pas assez loin, car elle ne donne pas de garantie aux jeunes de trouver un CDI. "L'approche de la Commission ouvre grand la porte à toute tentative d'exploitation de jeunes gens et risque de les précariser davantage", estiment déi Lénk Jeunes. Pour les Jeunesses Socialistes Luxembourgeoises (JSL), les stages et apprentissages doivent être "accompagnés par une réelle perspective d’embauche à la fin des contrats". Les jeunes de l’OBGL mettent en garde contre une "extension des CDD" qu’ils refusent, et appellent à "éviter le piège de la précarité». Le DVLJ insiste sur la nécessité de "salaires dignes", également pour les stages, et met en garde contre les "abus au niveau des contrats de travail à durée déterminée".
Toutes les parties mettent en avant l’importance de logements et transports en commun à prix abordables. La "Garantie Jeunesse" ne peut être "efficace" que si elle prend en considération les problématiques liées au logement et à la mobilité, qui sont des "cadres clés pour permettre à un jeune de réussir son entrée sur le marché du travail" et relèvent "d’une responsabilité politique", estime le CSJ. Pour déi jonk Gréng, la question d’un logement abordable doit être une "composante essentielle" de la "Garantie Jeunesse", alors que la JDL juge que ce problème "concerne toutes les couches de la population luxembourgeoise". Concernant la mobilité, déi jonk Gréng demande la gratuité et le développement du transport en commun. Les jeunes de l’OGBL insistent sur le fait que, sans CDI, l’accès au logement est limité au Luxembourg et invitent à fixer les durées des prises en charge pour éviter qu’un jeune soit "renvoyé d’une mesure à l’autre".
Pour des jeunes en difficulté, le CSJ propose – au lieu de créer une nouvelle structure - avoir recours à un case manager, à l’instar des Maisons des jeunes qui, selon le CSJ ont un seuil d’accessibilité très bas, et offrent de l’aide à différents niveaux, par exemple la rédaction d’un CV. " Le case manager, ensemble avec le jeune, fait le point de la situation et développe un plan d`aide et d’intervention", expose le CSJ. Les propositions de l’asbl LIFE vont dans la même direction : elle revendique la désignation d’une personne de référence qui s’occupe du jeune "du début à la fin", en jugeant que son accompagnement est "crucial". Les jeunes du CSV insistent également sur l’importance de "l’accompagnement individuel intensif", tout en prévenant que celui-ci n’est "pas accentué dans la stratégie du gouvernement" et qu’il est "onéreux" - selon eux, la "Garantie Jeunesse" ne peut pas réussir "sans les moyens financiers nécessaires". Pour le JDL, il n’y a pas assez de "personnes de confiance" ou de services auxquels les jeunes peuvent s’adresser.
Déi jonk Gréng regrettent que la "Garantie Jeunesse" ne dispose que de "ressources financières restreintes". Les jeunes du parti exigent que ces ressources ne soient pas utilisées pour "le financement du dumping salarial dans le cadre des contrats d’appui-emploi (CAE) et contrats d’initiation à l’emploi (CIE)" qui sont "complètement inadaptées" pour lutter contre le chômage, selon eux, une étude à l’appui.
Plusieurs organisations demandent par ailleurs l’extension de la limite d’âge de 25 à 30 ans, dont le CSJ et l’UNEL. Pour la JEC, la limite d’âge de 25 ans défavorise les jeunes qui ont fait de longues études ou un service volontaire. Les JSL estiment que la limite d’âge est "trop restrictive".
Quant au rôle de l’Adem, l'Agence pour le développement de l'emploi, déi jonk Gréng plaident pour l’augmentation du nombre de conseillers et la création d’une cellule "jeunes". Les JSL exigent "un nombre suffisant de placeurs spécialisés, qui accompagnent les jeunes en construisant avec eux un parcours personnalisé". La transition entre le monde scolaire et le monde professionnel devrait être surveillée par un expert de l’Adem, estime le Parlement des Jeunes, qui appelle à préparer cette structure à des charges supplémentaires.
Des stages d’observation obligatoires pendant le période scolaire sont nécessaires pour orienter le jeune, estiment plusieurs parties, comme l’UNEL, le JEC ou les JSL. Certains proposent de créer une base de données commune pour les offres de stages et d’emploi, comme l’asbl LIFE qui suggère une "plateforme centrale pour déclarer et trouver des places de stage et d'apprentissage qui rassemble aussi toutes les informations légaux sur le sujet".
D’autres parties, comme les JSL, réclament que les jeunes puissent "signer une convention de collaboration qui fixe leurs droits et devoirs". L’UNEL insiste sur la nécessité de "définir les droits et responsabilités des jeunes lors d’une convention ou un contrat avec l’employeur", vu la "dépendance structurelle des jeunes vis-à-vis des employeurs".
Sur la question si un jeune peut refuser une offre de stage, c’est les jeunes du CSV qui sont les plus fermes : ils estiment que "le dispositif est voué à l’échec si le jeune refuse d’accepter cette proposition". Ils suggèrent que les jeunes "devront l’accepter en montrant un dévouement exemplaire en reconnaissance de la chance qui leur est offerte".
Vu que le chômage des jeunes est un problème international, le PJ propose d’offrir plus de stages à l’étranger, notamment en Allemagne. Il estime également que le système éducatif doit devenir plus compétitif et relié davantage à la politique économique. Déi Lénk Jeunes estiment que la "Garantie Jeunesse" doit également prendre en compte la "jeune main d'œuvre dans les régions" limitrophes puisque les frontaliers "contribuent considérablement à l'activité économique du pays".
Quant à l’orientation scolaire, déi jonk Gréng notent que seulement un tiers des jeunes en formation finissent leur cursus, tandis qu’un tiers l’abandonne et l’autre tiers change de filière – des statistiques témoignant de "graves défaillances du système de l’orientation scolaire luxembourgeois". La JDL demande "plus de flexibilité pour le choix des matières" et une formation "plus pratique" afin de réduire le nombre de décrochages scolaires, "beaucoup trop élevés" à ses yeux. Elle exige par ailleurs l’extension du système du tutorat aux classes supérieures afin de permettre au jeune de "créer son projet personnel d’avenir". L’ACEL appelle à donner des "informations concrètes" aux jeunes" et de ne pas "les laisser croire que tous les métiers leur sont ouverts", mais de les diriger vers les "secteurs en croissance".
L’asbl LIFE déplore par ailleurs le manque d’une aide à la création d’entreprise, soulignant le "potentiel énorme" du domaine créatif comme l’informatique chez les jeunes. L’asbl appelle d’ailleurs les décideurs politiques "d’arrêter de blâmer les jeunes dans des débats publics et plutôt appeler les entreprises à prendre leur responsabilités". Les jeunes du CSV appellent à "revaloriser les métiers manuels et artisanaux", regrettant que ceux-ci souffrent d’une "connotation négative" au Luxembourg.