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Elections européennes
La désignation du président de la Commission européenne a déclenché un débat qui révèle de fortes divergences sur la manière de mener l’Union
02-06-2014


spiegelonline_logoLors du sommet du 27 mai 2014, pour leur première rencontre après les élections européennes, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE n’avaient pas pu se mettre d’accord sur le candidat à proposer pour prendre la tête de la Commission européenne et avaient conclu que les consultations du Conseil européen avec les Etats membres et le Parlement européen devaient se poursuivre.

A l’issue de cette rencontre, le vice-Premier ministre luxembourgeois et ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, s’était montré profondément déçu et critique à l’égard de la position des chefs d’Etat et de gouvernement, qui consistait à "gagner du temps" et laissait penser que le PPE n’est pas uni derrière son candidat, Jean-Claude Juncker.

La chancelière allemande, Angela Merkel, aurait été mise sous pression par la position britannique, hostile à Jean-Claude Juncker

La chancelière allemande, Angela Merkel, a finalement attendu le 30 mai 2014 pour réaffirmer son soutien au candidat de sa famille politique, Jean-Claude Juncker. Elle a assuré qu’elle conduisait "toutes les discussions dans l’esprit que Jean-Claude Juncker doit devenir président de la Commission", lors de la Journée des catholiques à Ratisbonne (Regensburg).

Angela Merkel n’avait pas encore clairement affiché jusque-là sa position en raison des réticences de plusieurs gouvernements, notamment conservateurs, à voir de Jean-Claude Juncker prendre la tête de la Commission européenne. Le premier de ces gouvernements serait celui du Royaume-Uni. Les trois autres ceux des Pays-Bas, de la Suède et de la Hongrie. C’est ce qu’a rapporté un article diffusé le 1er juin 2014, par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel.

Cet article avance que la chancelière Angela Merkel aurait menacé de voter contre Juncker lors du sommet du 27 mai 2014. Avant le repas, elle aurait déjà fait savoir qu’elle considérait la prise de position du Parlement européen pour Jean-Claude Juncker comme une "déclaration de guerre" au Conseil. Ensuite, la chancelière allemande aurait été mise sous pression par la position du Premier ministre britannique, David Cameron, qui aurait fait savoir qu’en cas de nomination de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, il avancerait la date du referendum sur l’éventuelle sortie de son pays de l’UE, qu’il a prévu d’organiser d’ici à la fin de l’année 2017. "Un homme des années 1980 ne peut résoudre les problèmes des cinq prochaines années", aurait dit David Cameron, au sujet de Jean-Claude Juncker, sans que ces propos, recueillis auprès de participants au sommet, n’aient été ni confirmés ni infirmés par le gouvernement britannique.

"L’Europe ne doit pas être soumise au chantage", a rétorqué Jean-Claude Juncker, interrogé par le Bild am Sonntag sur ces propos. L’ancien premier ministre luxembourgeois s’est dit "confiant d’être nommé président de la Commission à la mi-juillet".

Toutefois, d’autres informations transmises par la presse allemande, très intéressée par le sujet, laissent entendre que rien n’est joué. Ainsi, le 1er juin 2014 également, le Bild am Sonntag a déclaré savoir que le président français, François Hollande, "dos au mur" après la victoire du parti d’extrême-droite, le Front national, aux élections européennes en France,  aurait fait comprendre qu’il souhaitait qu’un Français soit nommé à la tête de la Commission européenne, en plus d’avoir formulé l’espoir d’obtenir un programme d’investissement pour son pays.

De son côté, le Premier ministre social-démocrate italien, Matteo Renzi, sorti renforcé par son très bon score aux européennes, a fait savoir qu’il était de ceux "sont moins intéressés par les noms que par les programmes des candidats", selon des propos rapportés par la Süddeutsche Zeitung le 2 juin 2014. Il a fait savoir qu’il souhaitait la nomination d’un "rénovateur".

En Allemagne, les sociaux-démocrates ont pour leur part mis la pression sur la chancelière afin qu’elle ne cède pas au Royaume-Uni et soutienne Jean-Claude Juncker. Avant la déclaration d’Angela Merkel à Regensburg, la secrétaire générale du SPD, Yasmin Fahimi, avait dit à la "Süddeutsche Zeitung" que la chancelière devait "clairement expliquer, si elle est réellement en faveur de Jean-Claude Juncker au poste de président de la Commission ou si elle préfèrerait poursuivre la dissension au plus haut niveau". "Toute autre position aurait été une arnaque électorale", a commenté la secrétaire après la déclaration d’Angela Merkel.

"Il est absurde que nous discutions depuis une semaine, si le vainqueur d’une élection doit assumer la fonction à laquelle il est candidat", a déclaré pour sa part le 2 juin 2014, le chef de fraction du SPD, Thomas Oppermann, en soulignant que le traité de Lisbonne ne prévoit pas de veto sur cette question.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a néanmoins déclaré qu’il était confiant, faisant référence à l’accord entre PSE et PPE selon lequel celui qui disposait de la plus grosse fraction devait devenir président de la Commission.

Par ailleurs, aussi bien l’ancien eurodéputé écologiste, Daniel Cohn-Bendit, que le leader de la Gauche européenne GUE-NGL, le Grec Alexis Tsipras, ont jugé qu’il était légitime que Jean-Claude Juncker, soit le premier à pouvoir tenter de rallier une majorité sous son nom.

Unanimité au Luxembourg

Au niveau luxembourgeois, le soutien à Jean-Claude Juncker est clair. A commencer par celui, déjà connu, du Premier ministre libéral, Xavier Bettel. "Si le candidat de tête pour cette fonction ressort les mains vides, il ne faudra pas s’étonner de l’exaspération croissante de la population envers l’Europe", a dit Xavier Bettel, lors d’une conférence de presse le 30 mai 2014. Selon des propos rapportés par Le Quotidien, il a d’ailleurs jugé "assez cocasse de constater que ce sont des libéraux et des socialistes qui soutiennent le candidat du PPE, alors qu'il ne trouve pas beaucoup de soutien dans son propre camp".

A la même occasion, le vice-Premier ministre Etienne Schneider a déclaré que le parti socialiste luxembourgeois (LSAP) était "à 100 % derrière Jean-Claude Juncker". "Pour cela, nous accepterions volontiers de renoncer à un poste à la Commission européenne, qui nous serait revenu selon l’accord de coalition", a-t-il fait savoir.

Le premier échange de vues post-électoral entre ministres des Affaires européennes, le 30 mai 2014, aura été l’occasion pour le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et Vice-Premier ministre, Jean Asselborn de souligner l'importance de procéder rapidement à la mise en place de la nouvelle Commission européenne et "d'éviter à tout prix les querelles institutionnelles qui ne font que desservir l'Union en tant que telle", selon un communiqué de presse du ministère luxembourgeois des Affaires étrangères.

"Il nous faut une Commission forte, qui doit rester la force motrice de l'Union et pouvant s'appuyer sur une majorité claire au Parlement européen pour mettre en œuvre les priorités définies en commun", a rappelé Jean Asselborn à ses homologues. Le ministre a par ailleurs rappelé que la libre circulation et l'espace Schengen sont des acquis majeurs de la construction européenne qu'il faut défendre face aux tentatives de division et populismes de toute sorte. Enfin, le ministre Asselborn a estimé que l'époque rend encore plus nécessaire que l'Union et ses États membres se montrent exemplaires pour tout ce qui touche au respect de l'État de droit.

"L'importance d'améliorer la lisibilité de l'action de l'Union sur base de priorités clairement définies a fait l'objet d'un large consensus. Il a y actuellement trop de confusion sur ce que fait l'Union européenne, le pourquoi de son action et plus généralement ses responsabilités", nous apprend également le communiqué.