L'investissement et les réformes dans la recherche et l'innovation (R&I, anciennement "recherche et développement", R&D) sont d’une importance capitale pour la reprise économique et la compétitivité des entreprises dans l'UE. C’est ce que souligne une nouvelle fois la Commission européenne dans une communication publiée le 10 juin 2014 et dans laquelle elle émet une série de propositions pour "aider les États membres à maximiser les effets de leurs dépenses dans un contexte où beaucoup de pays font encore face à des restrictions budgétaires".
Comme le met en avant le communiqué de presse joint à la communication de la Commission européenne, l’augmentation des investissements en R&I est considérée comme "un moteur de la croissance". L’amélioration de l'efficience et de la qualité des dépenses publiques en R&I serait dès lors "essentielle pour que l'Europe maintienne ou assure une position de leader dans de nombreux domaines scientifiques et technologiques", affirme la Commission, qui rappelle que l'innovation est au cœur de la stratégie Europe 2020 de l’UE. Un rapport sur l’état de l’Union de l’innovation, qui évalue les progrès réalisés par rapport aux 35 engagements pris par les États membres en 2010 pour concrétiser 'l'Union de l'innovation', accompagne la communication.
Pour mémoire, le cadre financier pluriannuel (CFP) de l’UE pour 2014-2020 marque un "net virage" en faveur de la R&I et d'autres éléments favorisant la croissance, avec une augmentation de 30 % en termes réels du budget du programme Horizon 2020, le nouveau programme de l’UE pour la recherche et l’innovation. La Commission estime ainsi que "83 milliards d’euros supplémentaires devraient être investis dans la R&I, ainsi que dans les PME grâce aux nouveaux fonds structurels et d’investissement européens".
"Toutefois, cet investissement supplémentaire du budget de l'Union doit compléter, et non remplacer, les investissements issus à la fois de sources publiques et privées réalisés par les Etats membres. Pour progresser davantage vers l’objectif d'investissement d’Europe 2020 de 3 % du PIB de l’UE en R&D, les gouvernements de toute l'Europe doivent continuer à investir dans la recherche et l'innovation, en assurant l'efficacité de leurs dépenses et l'effet de levier sur l'investissement privé. Les conditions-cadres devraient aussi être améliorées, en tenant compte des orientations de la politique industrielle actuelle. Ces dépenses publiques ne sont pas un coût, mais un investissement dans l'avenir", peut-on lire dans la communication.
Si un certain nombre d’Etats membres ont réduit les dépenses directes de R&D en raison de leurs efforts d'assainissement budgétaire, des réductions "particulièrement notables depuis 2012", le Luxembourg n’en fait pas partie. Selon les chiffres de la Commission, la part des dépenses en la matière dans le PIB a même progressé de 5,8 % entre 2008 et 2012. Néanmoins comme la plupart des États membres, le Grand-Duché reste loin de ses objectifs nationaux de R&D en vertu de la stratégie Europe 2020, ce qui "reflète principalement un déficit dans les dépenses de R&D", juge la Commission. En 2012, la part des dépenses luxembourgeoises en R&D dans le PIB national plafonnait à 1,5 %.
Lors des recommandations 2014 adressées au début du mois de juin aux Etats membres dans le cadre du semestre européen, la Commission avait déjà averti qu’en dépit du quadruplement de l’intensité de R&D du secteur public depuis 2000, "le Luxembourg n’est pas en bonne voie de réaliser son objectif d’intensité de R&D pour 2020, fixé à 2,3-2,6 % du PIB, étant donné la forte diminution de l’intensité de R&D des entreprises (qui a chuté de 1,53 % du PIB en 2000 à 1 % en 2012)."
La communication de la Commission européenne considère donc que, dans un environnement où les conditions budgétaires se révèlent toujours difficiles, il est "essentiel de maximiser l'impact des dépenses publiques par l'amélioration de leur qualité". La Commission estime que les investissements publics "doivent donc aller de pair avec des réformes de grande envergure des systèmes de recherche et d'innovation, y compris par l'amélioration de l'effet de levier de la dépense publique sur l'investissement privé". Et de conclure que "les gouvernements ont besoin de choisir plus intelligemment comment et où ils investissent", appuie la communication.
Le texte de la Commission européenne met en avant trois axes de réforme considérés comme prioritaires.
Il s’agit d’abord d’améliorer la qualité de l'élaboration des stratégies et des processus décisionnels. La politique de R&I "doit être portée par une stratégie globale et être pilotée à un niveau politique suffisamment élevé", précise ainsi la communication. Une telle stratégie devrait par ailleurs englober à la fois les activités de recherche et d'innovation, y compris les investissements en termes d'infrastructure. La Commission souligne aussi que la conception de ces politiques "doit tenir compte de l'impact à long terme de la R & I et fonctionner sur la base d'un cadre stratégique pluriannuel stable et d’une planification de l'investissement public".
Ensuite, la Commission suggère d’améliorer la qualité des programmes de R&I, notamment par une réduction des charges administratives et une attribution plus concurrentielle des moyens de financement. En effet, la Commission juge que des quantités importantes financements publics en la matière dépendent de programmes "dont les objectifs ont toujours été définis en termes de disciplines scientifiques, de domaines technologiques ou de secteurs industriels". Or, comme c’est le cas pour Horizon 2020, les États membres devraient envisager de focaliser davantage leurs programmes sur les défis sociétaux, propose la Commission, qui y voit "un potentiel de croissance considérable en faisant de ces défis des opportunités commerciales de demain, tout en fournissant en même temps des solutions aux préoccupations des citoyens".
Enfin, le troisième axe clé défendu par la Commission est l’amélioration de la qualité des institutions publiques de recherche et d’innovation, "y compris au moyen de nouveaux partenariats avec les entreprises". La communication relève en effet que dans tous les États membres, une large part du financement public de la R&I est destinée financement institutionnel des universités, des instituts de technologie et d'autres organisations de recherche et de technologie publiques. Or, estime la Commission, ces institutions "doivent être encouragées à adopter un caractère entrepreneurial et à rechercher de nouvelles opportunités et partenariats, y compris hors d'Europe, pour permettre d’améliorer le transfert de connaissances vers le secteur privé et de réaffecter les ressources aux activités qui ont le plus d'impact".
Hormis ces trois axes de réforme, la Commission invite également les pays de l'Union à rendre la R&I prioritaire "au fur et à mesure que les autorités publiques retrouvent une marge de manœuvre leur permettant d'effectuer des investissements qui favorisent la croissance". Avec des dépenses de R&I dépassant "tout juste 2 % du PIB, secteurs public et privé confondus", la Commission souligne que l'Union est "très en retard" par rapport à des concurrents internationaux tels que les USA, le Japon et la Corée du Sud, tandis que la Chine est en passe de la dépasser.
Atteindre des dépenses de R&I représentant 3 % du PIB reste donc un objectif clé pour l'UE, mais la communication souligne que l'amélioration qualitative des dépenses publiques dans ce domaine est "également essentielle pour renforcer les effets économiques de ces investissements". "On le sait bien: en encourageant l'innovation, on améliore la compétitivité et la qualité de vie, notamment en Europe, où nous ne pouvons être concurrentiels sur les coûts. Les autorités publiques et les entreprises de l'Union se doivent d'agir maintenant. Sinon, nous paierons pendant des années le prix de notre inaction", a notamment estimé Máire Geoghegan-Quinn, commissaire européenne à la recherche, à l’innovation et à la science.
Dans le rapport sur l’état de l’Union de l’innovation qu’elle a publié conjointement à sa communication, la Commission souligne qu’un seul engagement sur les 35 pris par les États membres en 2010 pour concrétiser 'l'Union de l'innovation' n’a pas été respecté. Il s’agit de l’identification de budgets nationaux dédiés à la passation de marchés publics dans le domaine de l’innovation.
"La proposition de la Commission que les États membres et les régions mettent de côté les budgets dédiés aux […] marchés publics pour des solutions innovantes n'a pas été repris par le Conseil. Néanmoins, un nombre croissant d'États membres ont maintenant une certaine expérience avec les marchés publics en tant qu’instrument de la politique de l'innovation", explique la Commission.